Chapitre 42

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6 décembre

— Bourbe, je suis épuisé ! s'exclama Chris en se laissant tomber dans son fauteuil. 

Encore emmitouflé dans sa doudoune, les bottes aux pieds et les gants aux mains, il n'avait fait que deux pas dans son studio avant de décider que se déshabiller n'avait pas d'urgence. Cam, en revanche, prit le temps de retirer ses souliers...

[Le pauvre, il a dû geler avec ça, mais la chorale exigeait une tenue correcte.]

... son écharpe rouge brodée d'or...

 [Encore un truc de chorale.]

... et sa veste noire. 

[Il est tellement classe avec !]

— Je suis frigorifié !! Tu as du thé ?

Chris hocha la tête, encore sonné par les deux heures qui venaient de s'écouler.

— Après, on se fera une soirée E&W, si tu veux ! 

— Ta mère va pas râler si tu restes chez un métèque contre nature comme moi ?

La pique lui avait échappé sans que Chris ne parvînt à la retenir. Il le regretta aussitôt ; si l'ambiance se détériorait par sa faute, il s'en voudrait. Surtout après le moment hors du temps qu'ils venaient de passer.

[Je confirme, et il restera à jamais gravé dans ma mémoire ! Bon, je sais que ça fait un peu cliché, mais vraiment.

Ma main serrée dans la sienne pendant qu'il chantait avec la chorale. Son profil que j'ai pu admirer un peu trop béatement. La chaleur que me procuraient les vibratos de sa voix. Ma surprise de me découvrir en train de chanter avec lui sur la dernière chanson. Et puis la balade que nous avons faite, quelques mètres derrière Lise et Lizzie qui cherchaient des galets à l'aide de l'application lampe de poche de leur smartphone. Elles en ont trouvé un. Moche, en plus. 

Mais le plus beau de cette soirée, c'est quand nous avons laissé les filles à la cabane à cigogne et que cam m'a pris la main pour rentrer. J'étais partagé entre le regret de « faire semblant » et la joie de sentir ses doigts presser les miens.

Presque comme un vrai couple.

J'aurais aimé être un vrai couple avec lui.

Mais j'étais trop aveugle pour comprendre que lui aussi.]

Cam frémit, remonta ses lunettes et fit craquer ses doigts avant de lâcher dans un soupir :

— Je savais que ça reviendrait sur le tapis... Chris, ma mère est une conne. Tu es gay et en plus, tu as la peau un peu foncée, alors elle...

Chris se renfrogna. Il avait toujours détesté être jugé à cause de sa pigmentation.

[C'est vrai, c'est particulièrement injuste. Alors quoi ? Parce que je ne suis pas pâle comme la lune (pour rester poli), je suis moins bien que les autres ? Et je ne parle pas des quelques « rentre chez toi » que je récolte régulièrement. J'habite dans ce village depuis tout gosse. Je suis né à Colmar. Bergheim, c'est littéralement chez moi.

Je crois que je n'accepterai jamais ça : être jugé pour autre chose que la personne que je suis, indépendamment de ma sexualité, de ma couleur de peau... et de mes handicaps.

OK. Je ne vais pas rester poli, cette fois, mais, parfois, l'Humain est une sombre merde.]

— Le géniteur est pakistanais, forcément que j'ai la peau plus foncée qu'une Écossaise. 

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon