Chapitre 22

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30 novembre

< Je vous remercie pour cette réunion, vous avez été adorables, les jeunes ! Bien, je dois vous laisser, mon fils pleure à l'étage, mais je serai là comme convenu demain pour le live de lancement ! J'ai vraiment hâte de travailler avec vous ! Bonne soirée à tous !>

Souriante, la présidente de l'association leur adressa un petit signe de la main auquel Chris répondit mécaniquement. 

Durant toute la réunion, la concentration du jeune homme avait entièrement été dirigée vers le paraître. Parler sans trembler, même si les réponses restaient laconiques. Sourire sans se crisper. La regarder dans les yeux lorsqu'elle s'adressait directement à lui, même s'il avait l'impression que ces regards appuyés allaient provoquer un malaise.

La femme d'une quarantaine d'années n'avait rien vu. Elle l'avait trouvé avenant et très loquace, comme tout le reste de la Team.

[Un véritable tour de force qui m'avait vidé de toute mon énergie. Oui, en apparence, je m'en étais admirablement sorti.

En réalité, j'avais le souffle court, la poitrine douloureuse et des crampes aux doigts tellement j'avais maltraité mon dodécaèdre. Puis mes pop-its. Et aussi ma bague sensorielle, qui s'était dessoudée à force de rouler le long de mon index.

J'avais également décroché à plusieurs reprises, incapable de me focaliser pendant toute une heure sur une visio-conférence.

Quant au contenu de la réunion, c'est bien simple, je n'avais rien retenu. pas la moindre information. Je ne me souvenais même pas de mes propres déblatération. 

Je m'étais mis en mode automatique sans fonction de sauvegarde.

Fort heureusement, ma merveilleuse Team me connaissant par cœur, Lizzie avait pris des notes pour me faire un compte-rendu tandis que Py et Clem avaient pallié avec brio à mes phases de décrochage.]

Même après que la présidente se fut déconnectée, Chris resta un long moment figé, le regard rivé sur son écran, à entendre ses amis discuter sans vraiment les écouter. Il essayait de décompresser. Il songea à se lever pour se faire un café, mais il lui semblait que s'il bougeait, il s'effondrerait. 

Puis Py, qui travaillait tôt le lendemain, quitta la conversation, bientôt suivi par Clem. Chris les salua machinalement sans qu'ils n'insistent ni se vexent. Ils le connaissaient suffisamment pour le comprendre, au moins en partie. 

Chris s'ébroua enfin :

— Je vais y aller aussi, je crois, j'suis HS.

<Attends, s'exclama Lizzie. Je voulais te parler un peu...>

— À moi ?

La jeune femme éclata de rire.

<Évidemment, il n'y a plus que nous deux, Chouchou ! Et ça m'inquiète un peu, tu n'as pas l'air bien. Alors tu vas me promettre de bouger tes fesses pour aller squatter un peu la chambre de Lise.>

— Si je fais ça, elle va vouloir parler...

<Alors demande à Cam de passer après son service.>

— OK... 

< Maintenant.>

— OK, lâcha-t-il encore en saisissant son téléphone.

Blasé, il tapota un message, montra l'écran à Lizzie avant d'appuyer sur envoyer. Il n'avait pas vraiment la force de lutter contre la force de caractère de son amie. 

<Parfait ! T'imagines pas comme ça me rassure... Oh, et je voulais savoir... tu seras là, vendredi ? Je suis ravie de me balader avec ta sœur, mais j'adorerais te rencontrer enfin.>

Chris releva les yeux pour dévisager Lizzie, soudain paniqué.

— N... non, bégaya-t-il en détournant le regard. J'organise vos sorties, c'est déjà pas mal...

< Flûte ! Et je parle pas de nos sorties, je suis flattée que tu sois mon Cupidon personnel ! Et... j'aime beaucoup ta sœur, même si ça s'arrête là pour le moment. Je crois bien que je pourrais en tomber amoureuse... Mais je veux rencontrer mon beau-frère... y a pas moyen que tu passes au moins faire coucou ?>

— Non ! Je serai avec Cam.

< Avec Cam ?>

— Ouais... t'as un problème avec ça ?

Sitôt qu'il entendit son ton agressif, Chris se mordit la lèvre et se répandit en excuses que Lizzie balaya d'un geste. Il secoua la tête. Insista. Oui, il n'était pas dans son état normal, mais son amie n'y était pour rien ; il n'avait pas à lui parler d'une manière aussi bourrue.

Pendant un long moment, Lizzie demeura muette.

[En réalité, elle m'étudiait sous toutes les coutures. C'était la première fois qu'elle me voyait aussi longtemps. La première fois, également, qu'elle pouvait me découvrir dans un état aussi pitoyable de visu.

Alors elle en profitait pour me jauger. Pour déterminer ce qu'elle pouvait me dire ou non.

Enfin, soyons honnête, si ça n'avait tenu qu'à moi, elle n'aurait rien pu me dire du tout. Mais en même temps, si tout le monde avait respecté ça le mois passé, je n'en serais pas là où j'en suis aujourd'hui.

C'est à dire au chaud dans les bras de Cam après avoir passé une nuit de folie.

Ma mère sera contente. Les préservatifs de mon placard ont enfin servi. Et le lubrifiant aussi. Et... bourbe, j'ai chaud rien que d'y penser !!

Concentre-toi, Chris, concentre-toi. LE 30 novembre. Juste après l'appel de la présidente et juste avant que Lizzie ne fasse ça.]

< Tu devrais tenter quelque chose avec lui, s'exclama soudain la jeune femme.>

Et Chris se trouva incapable de répondre autre chose que : 

— Hein !?

<Tu devrais tenter quelque chose avec lui ! Quelque chose de romantique !>

— Je suis pas maso au point de flirter avec un hétéro... vu ce que ça donne quand je sors avec des LGBT...

< Ne compare pas Côle à Cam, Chouchou. Côle est un salopard qui t'a brisé le cœur, Cam est un chou à la crème prêt à se plier en quatre pour toi. Et avant que tu dises quoi que ce soit, NON, il n'avait pas ses raisons et je comprends même pas que tu le défendes encore !>

Chris esquissa un sourire taquin, bien que tiré par la fatigue.

— Je défends qui, moi ? Cam ou Côle ?

<Chriiiis. Je suis sérieuse.>

— Ouais, ouais, et j'ai bien compris que tu me lâcheras pas avant d'avoir une raison et elle est toute simple . Vous vous faites tous une montagne d'une simple amitié. Vous voulez tellement me voir heureux que vous êtes prêts à me bazarder dans les bras de mon voisin. Sauf que, la différence entre Cam et Côle, c'est que Côle... j'étais amoureux, tu vois. 

Lizzie soupira et posa sur Chris un regard attendri qui le poussa à baisser les yeux vers son clavier.

Dans son ventre, l'étrange sensation recommença à remuer, comme pour protester. 

<Chouchou... j'ai une question à te poser. Ce n'est pas une blague, pas une taquinerie. C'est une vraie question qui, j'espère, t'aidera à y voir plus clair. Parce qu'on te sent paumé depuis quelques jours, et ce n'est pas seulement à cause du projet avec l'association... Je peux te poser cette question ?>

— Fais toujours...

<Es-tu sûr, absolument sûr, à 100% sûr que tu ne crush pas sur Cam ?>

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now