28 - Phœbe : Afraid of myself

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Une petite tape sur mon épaule me tire de ma contemplation. C'est Fallen, qui se relève d'un air satisfait, en me montrant ma tresse — mes cheveux sont assez longs pour qu'elle puisse la brandir devant mon nez sans que ceux-ci ne me tirent.

Tadaam ! J'avoue que je ne suis pas peu fière, elle est très bien réussie. Ses yeux bleus me détaillent avec fierté, et elle met une seconde de plus avant d'ajouter, pensive :

– Tu ressembles à une sirène, maintenant.

Je rougis. Elle ponctue sa remarque d'un petit sourire sincère, et se redresse puis s'éloigne, rejoignant gaiement l'autre côté du pont pour s'assoir à côté de sa petite amie. Mes doigts caressent d'un geste distrait la natte qui pend désormais à mon épaule.

– Elle a raison, déclare soudain Connor, et je me tourne lentement vers lui.

Ses yeux ambre me toisent avec intensité. La confusion doit se lire sur mon visage, car il précise :

– Tu pourrais être une sirène.

Je pouffe et lève les yeux au ciel. J'attends le moment où il va rire et ajouter que ces créatures n'existent pas et que c'est une blague, mais il n'en est rien. Mon regard tombe sur la bouteille de vin à moitié entamée à côté de nos assiettes empilées, et je réplique en la désignant d'un mouvement de menton qu'il a sûrement trop bu pour dire une chose pareille.

– Je n'ai jamais eu besoin de boire pour te trouver belle, Love, répond-il alors.

Je me tourne vers lui, le cœur battant. Il me regarde déjà, guettant sûrement ma réaction. Son visage affiche la plus parfaite nonchalance, comme si ce qu'il venait de dire était de la plus grande banalité. Une sensation de déjà-vu me prend tout d'un coup, mais j'ai beau chercher dans ma mémoire, je ne crois pas l'avoir déjà entendu me le dire en face. Et, soudain, je réalise que le Connor qui vient de prononcer ces mots n'est pas mon meilleur ami ; que ce qui se dégage de ses paroles n'est pas de l'amitié, mais quelque chose de plus grand, de plus fort. Si un inconnu était passé à côté de nous et l'avait entendu, il aurait assumé que nous étions bien plus l'un pour l'autre que des amis. Son discours a changé. Le ton avec lequel il prononce ses mots a changé. Son regard, également. Je ne lis plus aucune retenue, plus aucune pudeur. Si je m'y autorisais, je pourrais lire toutes ses pensées sur son visage ; il semble me les confier sans gêne — plus encore, il semble déterminé à ce que je les entende. La balle est dans ton camp, m'avait-il dit.

Je bredouille un « merci », mais ses yeux ne quittent pas pour autant mon visage. Un moment s'écoule avant qu'il n'ajoute, l'inquiétude assombrissant son regard :

– Cela dit, tu as l'air fatiguée.

– Je dors assez mal, répondis-je du tac au tac, réfrénant mal la vexation dans ma voix.

– Phœbe, me reprend-il en soupirant, se redressant sur ses coudes.

Je dois lutter pour ne pas fixer son torse qui s'étire et ses biceps qui se gonflent dans le mouvement. À la place, je m'applique à regarder mes mains, jointes autour de mes genoux.

– Est-ce que tout va bien ? Tu es bien silencieuse depuis quelques jours.

Non. Tout ne va pas bien. Tu as failli mourir. Éléonore a failli mourir. Tu m'as dit être amoureux de moi depuis des années, et je suis perdue. J'ai peur, peur, peur — peur de te perdre, peur de t'aimer plus que tu ne m'aimes, que tu te lasses et que tu ne retournes auprès de toutes ces filles, plus faciles, plus jolies — peur d'être trop, trop sensible, trop intense et que cela te fasse peur — peur que toutes ces émotions ne me fassent perdre la tête et mon diplôme au passage —

Follow your fireWhere stories live. Discover now