A travers la cour et le passage d'élève, nous échangerons de discrètes œillades égayées de quelques sourires vite dissimulés. Je sentirai monter en moi une douce appréhension, celle qui précède le signal, celle qui excite et aiguise les sens. Et puis viendra l'instant où son majeur ou le mien se dresseront vers le ciel.

Le cœur accélérera furieusement sa course et après avoir trouvé un quelconque prétexte, nous quitterons nos amis sans aucun remords. Il nous suffira de quelques instants de fuite et de détours pour qu'à l'abri des regards, nous puissions enfin nous retrouver. Je sentirai à nouveau son étreinte, sa peau sous mes doigts, sa bouche sur la mienne, son souffle saccadé qui s'entremêle au mien, sa puissance au creux de mes reins...

-... ...

Tirée de ma douce rêverie, je cligne des paupières et fixe Ethan face à moi. Son sourire n'a plus rien de complice, il est empreint de moquerie. On...on dirait bien que ce con se fout de ma gueule !!

-Joanne, ta copie!

Je sursaute et braque un regard surpris sur le prof qui se tient à côté de moi.

-Oh ! C'est la nuit qu'il faut dormir !! S'agace-t-il en tendant la main dans ma direction. Allez donne-moi ta copie, j'ai pas que ça à faire !

-Euh...oui. Oui, bien sûr ! Je bafouille en attrapant précipitamment l'examen pour lui tendre.

L'homme pousse un soupir excédé en récupérant la feuille et s'éloigne vers d'autres paillasses en marmonnant des paroles inintelligibles.

Je reviens à Ethan et constate qu'il m'observe toujours d'un air amusé.

-Quoi ? Je grogne.

Il croise les bras sur la paillasse et me dévisage, l'œil pétillant de malice.

-T'as de la bave sur le menton.

Je grommèle une insulte et baisse la tête pour m'essuyer discrètement tandis qu'il reprend, taquin.

-A quoi tu rêvais ? A moi ? A cette nuit ?

L'étreinte de la veille me revient, me faisant légèrement rougir. C'était si parfait, si orgasmique! Et quel délice de me réveiller aux creux de ses bras au petit jour!!

-Absolument pas. J'affirme pourtant en relevant la tête pour plonger un regard dur dans le sien. J'pensais à une nuit longue et calme sans personne pour venir me casser les couilles !

-Tu ne veux plus que je vienne ?

Le ton est léger, blagueur. Mais une petite lueur d'inquiétude brille au fond de ses prunelles azur.

Mon beau capitaine vient me rejoindre dans ma chambre chaque soir ou presque depuis bientôt 4 semaines. Il arrive aux alentours de 23 h et se sauve vers 5h du matin pour ne pas qu'on se fasse griller. Et j'adore ça. D'accord, c'est dégoulinant de romantisme et certainement aussi pathétique que Roméo et Juliette. Mais tels les deux amants de Vérone, je ne renoncerai à ces soirées avec lui pour rien au monde. Elles sont magiques, empreintes de complicité, de tendresse et de bonheur. On ne fait pas que de baiser. On discute beaucoup, on prend des photos, on rit, on regarde des films, on s'endort l'un contre l'autre. Et ce qui me plaît le plus, c'est le réveil au creux de ses bras. J'aime sentir son corps chaud contre le mien, son odeur, sa voix éraillée au réveil, son visage endormi, le goût de sa bouche. Je voudrais que ces instants qui n'appartiennent qu'à nous ne finissent jamais. Car je déteste le voir partir. Ça me laisse une sensation de vide et de manque que rien ne semble pouvoir combler.

-Pourquoi tu réponds pas ?

-Pardon, je... j'suis ailleurs. Je murmure me frottant les yeux par-dessous mes lunettes. J'suis vraiment claquée.

-J'vois ça, vu le coma que tu viens de te taper.

Je relève les yeux vers lui, surprise.

-Tu m'as vu ?

-Plutôt entendu. Corrige-t-il dans un sourire en coin. T'as ronflé.

Quoi ? Putain la honte !!! Je me sens rougir et regarde autour de moi avant de me pencher vers lui.

-Fort ?

-Une vraie locomotive.

J'écarquille les yeux, le visage écarlate.

-Pou...pourquoi tu ne m'as pas réveillée ? Je bredouille, honteuse.

-Parce que c'était marrant de te voir K.O comme ça, avec la bave et tout ! Mais t'inquiète p'tite geek, cette nuit tu vas pouvoir dormir...

-Tu...tu viens pas ? Je demande tout bas, le cœur serré.

Les soirées que j'ai passées sans lui m'ont paru affreusement vides de sens, vide de tout. Désespérantes et désolantes, pleine de solitude et d'ennui.

-J'croyais que tu rêvais d'une nuit longue et calme sans personne pour venir te casser les couilles ?

Aucune trace de raillerie dans sa voix, pas l'ombre d'un sourire sur ses lèvres.

-Mais j'blaguais ! J'assure précipitamment. Je... j'adore quand tu viens, quand...

-Ouais je sais, tu me kiffes trop ! Fanfaronne-t-il d'un air arrogant. Alors pour une fois, c'est toi qui va bouger ton cul.

-Moi ? Mais...mais c'est pire qu'Alcatraz chez toi ! Ethan, on en a déjà parlé, pour ça que tu viens chez moi ! C'est trop galère chez toi! Je fais, incrédule.

-J'peux pas bouger ce week-end. Mes darons se font un séjour en amoureux, j'dois garder mes frangins.

-Tes frangins ? Je répète en me redressant, les sourcils froncés. Tu me dire de venir pour quoi en fait, pour les garder avec toi ? T'as cru que j'étais une nounou?

Il balance sa trousse dans son sac, un furtif sourire aux lèvres.

-Fais ce que tu veux. Répond-il alors que la sonnerie retentie. Si tu veux venir, tu viens, sinon on se verra lundi.

-Lundi ? Je répète d'un ton sidéré en le regardant se lever.

-Bah ouais, lundi. A plus p'tite geek.

Estomaquée et courroucée, je le suis des yeux alors qu'il s'éloigne vers la sortie. S'il croit que je vais me pointer chez lui pour garder des sales mioches, il peut s'carrer le doigt dans l'œil jusqu'au coude !! M'en fou, j'suis forte ! J'ai dormi plus de 18 ans toute seule, j'vais pas mourir pour deux nuits sans lui !!

 S'il croit que je vais me pointer chez lui pour garder des sales mioches, il peut s'carrer le doigt dans l'œil jusqu'au coude !! M'en fou, j'suis forte ! J'ai dormi plus de 18 ans toute seule, j'vais pas mourir pour deux nuits sans lui !!

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