L'effet démultiplicateur

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— Pas de soucis ! Écoute, passe dans une de mes boutiques. On te fera un prix et on se fera un plaisir de te montrer tout ça.

— Haaa.

Hoseok sentit la déception dans la voix de Namjoon. Il ne pouvait pas en rester là.

— Et puis pense aussi aux petits trucs tout bête, comme... comme un baume contre les piqûres de moustiques. Oh, et aussi ces petits patchs de froid. C'est bien utile.

— Oui, bonne idée, répondit Namjoon vaguement rassuré. Hoseok se sentit obligé d'ajouter quelque chose.

— Et, il y a aussi ce nouveau gadget qu'on vient de commercialiser. Enfin, c'est plus qu'un gadget. C'est for-mi-dable ! Les dernières balises de détresse individuelles Fastfind3. Super autonomie, légères. T'en auras certainement pas besoin mais elles ont même une fonctionnalité GPS et météo. Ton téléphone ne passera surement pas là-haut. Alors, c'est plutôt top, hein ? Un bon randonneur est un randonneur prévoyant, n'est-ce pas ?

Hoseok espérait avoir fait son job de bon copain. Il se disait que l'essentiel était que Namjoon se détende. Mais, chers lecteurs, vous l'aviez compris, il ne mesurait pas encore à quel point ces quelques mots dits dans l'objectif de s'épargner la confession de sa propre inexpérience allait mettre son ami dans une situation improbable.

Namjoon raccrocha à peine moins perdu. Et, comme chaque fois qu'il allait vraiment mal, il finit par demander à Jimin de venir le voir.

Jimin était un jeune homme plein de bon sens et de pragmatisme. Après avoir serré dans ses bras un Namjoon qui s'en remettait totalement à lui, il se rendit sans plus attendre dans son dressing et lui confectionna deux petites piles de vêtements. Une pour le jour du départ, une pour le change.

— Ne te charge pas trop, Joonie hyung.

Puis, après lui avoir adressé son meilleur sourire, il fila dans la salle d'eau.

— Là, tu vois, en dehors de ta brosse à dent, tu ne peux rien emmener. Encore qu'il y a moyen de faire moins encombrant. Tu iras te prendre une petite brosse à dent et un dentifrice de voyage. Tu vois de quoi je parle ? Tu demanderas aussi ces petits savons qui font également shampooing. Tu as une serviette microfibre ? Non ? Oh ! Et du papier toilette. Surtout, noublie pas ! Pas de lingettes. C'est pas biodégradable.

Jimin, tel un papillon de nuit autour d'un lampadaire, s'affairait, distillant des conseils avisés et plutôt sages. Namjoon le suivait en caracolant, se faisant une liste mentalement de tout ce à quoi il devrait penser plus tard, pendant ses achats. Jimin furetait à présent dans sa chambre.

— Tu peux prendre aussi un petit bouquin de poche comme celui-là. Faudra penser à une petite lampe frontale ou de camping. Mais petite ! Sérieux, hyung ? "Anthropologie de l'amour sexuel. Etat des lieux". T'as encore envie après avoir lu des trucs comme ça ?

Namjoon rougit furieusement.

— C'est très intéressant. Rien à voir avec ton "50 nuances de machin chose" !

Jimin lui adressa un sourire en coin. Toute personne ayant face à elle cet homme mi ange mi démon aurait été persuadée d'y déceler un côté narquois. Ce que Namjoon vit indubitablement. Mais il y perçut aussi un brin de bienveillance. Il était sur le point de ne pas relever l'effronterie lorsque Jimin farfouilla dans sa table de nuit et brandit dans ses petites mains, loin d'être innocentes, deux objets que Namjoon s'empressa de lui arracher et d'enfouir de nouveau dans le tiroir.

— N'importe quoi ! Sors de ma chambre ! rugit-il du mieux qu'il le put, car, comme vous l'aviez compris, Namjoon fondait pour son jeune ami et tolérait beaucoup de ses friponneries.

— Allez... Joonie... qui sait ? La nuit étoilée, la solitude de la montagne, le beau Yoongi... ce serait dommage d'avoir besoin de ton My Lubye Sylk et de tes Rider Soft, et de ne pas les avoir. Faudrait pas que ça coince, poursuivit-il en pouffant alors que Namjoon le poussait inexorablement vers la sortie.

— Merci, Jimin. J'apprécie tes conseils. Vraiment. Fallait pas.

Alors que Namjoon fermait sa porte, il vit réapparaître une petite tête malicieuse aux yeux pétillants.

— Prends un jeu ! Emmène ton UNO. Ça sauve des silences trop gênants !

Namjoon avait une propension naturelle aux catastrophes en tout genre. Il ne pouvait le nier. Mais, à ce moment-là très précis de l'histoire, il pensait que ses propres amis étaient un facteur multiplicateur de ses infortunes. Il fut rarement aussi perspicace à leur sujet.

Il passa le reste de sa semaine à arpenter les magasins de sport de Hoseok et à écumer les sites de randonnée. Inquiet d'oublier quoi que ce soit, il tint non seulement compte de tous les conseils, même les plus farfelus, de ses amis, mais il appliqua également la sage doctrine de sa grand-mère : celle du "au cas où". Une doctrine - mot attesté en 1160, du latin doctrina, « enseignement », « théorie », « méthode », « doctrine » - est un ensemble global de conceptions d'ordre théorique enseignées comme vraies par un auteur ou un groupe d'auteurs. Ici, en l'occurrence, un membre très respecté de la famille de Namjoon. Et, toute doctrine, vous le savez bien chers lecteurs, peut s'avérer fallacieuse, trompeuse, ou même perfide. Et c'est donc ainsi que les deux petites piles raisonnables de vêtements que Jimin lui avait préparées se multiplièrent comme des petits pains, tout comme les "petits objets pas trop encombrants et très utiles".

Diogène de Sinope, qui prônait une vie simple dans le dénuement et plus proche de la nature, se retourna dans son somptueux tombeau surmonté d'une colonne ornée d'une statue de chien en marbre de Paros, à plus de huit mille kilomètres de notre musicien malavisé.

Namjoon fut contraint de prendre le plus grand sac à dos possible, celui de cinquante-cinq litres qui avait fait dire à la vendeuse :

— Ce sac peut-être vraiment très lourd et inconfortable si vous le remplissez. Ce n'est pas vraiment nécessaire pour un bivouac de deux jours et une nuit.

Devant l'air perdu et hésitant de son client, la petite jeune fille - qui par ailleurs recevait des regards furieux de son chef parce qu'elle prenait trop de temps avec ce seul client (mais il n'avait pas remarqué qu'il s'agissait du fameux Kim Namjoon, sinon il serait venu lui-même le servir en faisant mille-et-un ronds de jambes) - finit par concéder avec un regard empli de concupiscence :

— Mais il est vrai que, vu votre envergure, vous ne devriez pas trop en souffrir...

Namjoon était donc reparti avec ce sac immense, et, en ce vendredi soir, s'étalait, sur l'ensemble du parquet de sa chambre, la multitude d'affaires qu'il comptait prendre avec lui.

Il eut un mal fou à tout faire entrer dans son sac. Pire encore, il s'aperçut, une fois le sac fermé, qu'il y avait rangé la polaire qu'il comptait porter le lendemain matin. Il dut alors tout vider car, naturellement, le vêtement était soigneusement plié tout au fond du sac !

Quand Hoseok et Jimin vinrent sonner quelques minutes avant six heures, le fameux samedi matin, ils trouvèrent un Namjoon nerveux avec des cernes jusqu'au milieu des joues.

— Prêt, mon gaillard ? chantonna Hoseok.

— Oui, je crois. J'espère n'avoir rien oublié, répondit Namjoon d'une petite voix.

Jimin, s'inquiétant déjà devant la nervosité de son ami, jeta un œil par-dessus son épaule et ne put retenir un hoquet de surprise.

— Joonie !!! Me dis pas que c'est ton sac ? Tu ne pars qu'une nuit !

— Trop tard ! fit Hoseok en embarquant ses amis et le sac monstrueusement lourd.

Jaehae Peak ( 재해 Peak )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant