[Day 1] : « Home »

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— Maison —
(Habitation, logis : lieu où l'on se sent chez-soi.)

Une lumière tamisée s'infiltrait doucement dans le long couloir. Des claquements de talons résonnaient sur les marches de pierres noires. Quelques petites lumières bleuâtres grésillaient sur les murs froids.

Il prit l'ourlet de sa chemise entre ses doigts. Un soupir à peine perceptible passa ses lèvres ridées.

Il arriva rapidement en bas de l'escalier tordu. Il s'arrêta, et jeta un œil à ses hommes. Pas un seul ne réagit. Rassuré, il tourna la tête vers l'entrée du bureau. Un regard dans l'embrasure de la porte : il l'aperçut.

Elle le vit s'avancer, plus assuré qu'auparavant. De longues secondes s'écoulèrent avant qu'il n'atteigne enfin son antre. Leur contact visuel ne s'était brisé à aucun moment. Il prit de nouveau son ourlet entre ses doigts ; elle replaça une mèche émeraude derrière son oreille.

Un léger sourire vint gratifier la remarque de l'homme :

— La lumière au bout du tunnel...

Elle crispa sa main sur le bureau, laissant une trace humide sur son chemin. Le sourire de l'homme s'effaça, mais l'amusement dans ses pupilles resta intact.

Malgré la légère tension créée par cette remarque, elle ne fléchit pas. Ses yeux restèrent fixés sur le visage ridé dans un profond silence. Elle prenait plaisir à le laisser attendre une réponse. À patienter comme elle l'avait fait auparavant.

Les secondes s'écoulèrent, mais n'atteignèrent pas une minute. Il pinça des lèvres, accentuant les plissements de sa peau. Le jubilement de la jeune femme attint son paroxysme. Il ne fallut pas longtemps pour qu'il prenne de nouveau la parole.

— J'ai besoin de vos services.

Sa voix rauque et granuleuse résonnait dans la pièce sombre.

Elle l'observa un instant. Son iris verte la fixait d'un air nonchalant, tandis que l'autre, écarquillée, paraissait lire au plus profond de son âme. Deux gardes du corps semblables à des parpaings étaient placés de part et d'autre de son corps élancé. Elle leur jeta un coup d'œil rapide, remarquant bien vite qu'ils analysaient la pièce, à la recherche de toutes les issues possibles et des endroits de positionnements stratégiques en cas d'attaque. Après tout, elle représentait aussi un danger pour lui.

Un moment de flottement s'installa entre eux. Son regard reprit sa place pour se planter dans les yeux asymétriques de son interlocuteur.

Ils se toisaient. Les menus impairs accumulés défilaient dans leur esprit. L'ourlet effleuré, la mèche replacée. La main humide, les lèvres pincées. En somme, si peu ; ils avaient tous les deux l'habitude de jouer à ce petit jeu.

Le silence devenu trop long, elle se replaça dans son siège et, d'un geste de la main, elle lui indiqua la chaise en face. Lentement, il s'assit. Les gardes se placèrent de part et d'autre de la porte.

Il se racla la gorge. Elle rassembla ses mains sur son bureau.

— Que voulez-vous ?

Sa voix était claire, et son ton posé. Il répondit lentement.

— J'aimerais vous engager.

Un client, donc. Elle commença à fouiller dans ses dossiers, portant une oreille attentive à son discours.

— Je sais que nous pouvons accomplir beaucoup, ensemble. Votre expertise me sera utile.

Elle hocha la tête, sortant quelques pochettes de papier. Des noms figuraient dessus. Elle ouvrit la première.

— Les missions seront nombreuses.

Elle prit une fiche et se leva, puis enleva une photo du mur derrière le bureau et déchira une note. Le ton de son interlocuteur se fit plus impatient.

— Vous serez aussi--

— Y'a-t-il une cible en particulier ?

Cette intervention le laissa silencieux. Elle retourna à la table, rangea son dossier et s'assit sur son trône.

— Non, répondit-il après un instant, mais certaines sont en cours d'examen. Et votre talent sera récompensé en bonne et due forme...

Elle planta son regard dans le sien, et rétorqua :

— Bien entendu.

Puis, elle ouvrit un tiroir et prit une plume et une feuille. Elle les déposa délicatement devant son interlocuteur.

— Que me donnerez-vous de plus ?

Il releva les yeux et la regarda d'un air perçant. Elle sélectionna minutieusement ses mots avant de reprendre la parole.

— Il y a beaucoup de clients, dont certaines affaires déjà prévues, une date, un lieu... Vous ne m'offrez rien de tout cela.

Elle fixa le bout de sa plume, puis les gardes du corps, et enfin le formulaire vierge.

— Dites-moi pourquoi je vous sélectionnerai.

D'un geste délicat, il effleura de ses doigts sa chemise, puis tendit sa paume vers elle.

— Je pourrais déployer mes forces pour... chercher les informations qui vous intéressent.

Son menton se releva vivement.

— Vous pourriez faire ça ? demanda-t-elle d'un ton suspicieux.

Il sourit légèrement.

— Votre enthousiasme me comble de joie.

Elle l'observa un instant, son regard jonglant entre ses yeux, pesant le pour et le contre. Puis elle hocha la tête. Il prit la feuille et écrivit les quelques termes du contrat d'un geste élégant.

« Silco ».

Elle prit la plume à son tour et écrivit son nom rapidement.

« Hell ».

Elle se leva. Il la suivit.

— Ravie de travailler avec vous.

La main sèche de Silco serra les doigts moites de Hell.

— Moi de même.

OC-tober : Hell.Where stories live. Discover now