Chapitre 2 : Personne - 1

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Mon sommeil fut peuplé de rêves, mais des rêves qui n'avaient rien à voir avec ceux que je faisais d'habitude. Je ne rêvais pas de promenades, de vaches et de charcuteries. Je rêvais de choses bien plus terribles. De gens méchants, de monstres, de malheurs et de malédictions. Jusqu'au moment où je rêvais de cet être de cauchemar, de ce petit brouillard à tête de cadavre brûlé, aux orbites vides, aux dents crochues, et aux petites mains griffues.

Je me réveillai alors en sursaut, et j'eus pendant un moment l'espoir que tout n'était qu'un affreux cauchemar. L'arrivée des soldats allemands, la mort de Tournesol, la fuite des vaches, la recherche pendant un temps interminable, l'arrivée dans la maison maudite et la rencontre avec cet être de malheur qui n'avait rien d'un humain, et encore moins d'un animal. Mais lorsque je vis où j'étais, je déchantai rapidement. Car j'étais dans la pièce où je m'étais évanouie.

Il faisait jour, désormais, et malgré mes cauchemars, je compris que j'avais probablement dormi pendant très longtemps, car la veille j'étais épuisée alors que désormais je me sentais mieux. Et je compris aussi que la journée d'hier avait été bien réelle. L'arrivée des soldats allemands, la mort de Tournesol, la fuite des vaches, la recherche pendant un temps interminable, l'arrivée dans la maison maudite et la rencontre avec cet être de malheur qui n'avait rien d'un humain, et encore moins d'un animal.

Et puis, je découvris quelque chose. Là, juste devant moi. Un bol contenant de l'eau, et un autre contenant de la viande. Ça pouvait être un piège, mais je n'étais pas en état de penser à ça. Je bus d'une traite toute l'eau, puis je dévorai la viande. C'était un type de viande que je ne connaissais pas, mais qui était excellent.

Toutefois, même après ça, j'avais toujours très faim, et surtout très soif. Par ailleurs, je m'inquiétais pour mes vaches. Où pouvaient-elles être, et comment s'en étaient-elles sorties cette nuit ? Et puis que se passait-il à la ferme ? Bernadette allait-elle mieux ? Tout le monde devait être très inquiet, là-bas, de ne pas me revoir, et de ne pas revoir les vaches. Tout le monde hormis Mousseron, peut-être.Et ce pauvre Tournesol qui était mort... Pour la première fois, je me mis à pleurer son décès. Car je n'avais pas eu le temps de le faire auparavant. Tandis que maintenant, je n'avais pas le temps de faire autre chose. Car j'étais enfermée dans cette pièce.

Je tentai bien d'ouvrir la porte en la grattant, mais ce fut inefficace. Toutefois, elle s'ouvrit quelques instants plus tard, révélant l'homme que j'avais rencontré la veille – si c'était bien la veille – dans la cave. L'homme qui s'était transformé en monstre.

— Te voilà réveillée, dit-il alors que je reculais dans un coin de la pièce, contre un placard, en quête d'un abri. Tu dois avoir soif, encore.

Il tenait dans sa main un arrosoir, et je le vis en verser une partie du contenu dans un des bols. De l'eau.

Dans le même temps, il avait laissé la porte ouverte. J'hésitais donc sur ce que je devais faire. Prendre la fuite, ou boire ? L'homme, lui, ne dit rien, ne fit rien, et il se contenta de m'observer, de son regard toujours aussi perturbant.

Finalement, l'appel de l'eau fut le plus fort, et je m'approchai lentement du bol pour boire, tout en restant sur mes gardes. Alors, l'homme tendit sa main dans ma direction, et je m'écartai aussitôt d'un pas tout en me mettant à grogner pour le mettre en garde, même si je me doutais que mes mises en garde étaient inutiles avec ce type-là.

— Je ne te veux pas de mal, dit-il.

Comme si j'allais croire un tel bobard. C'est donc avec beaucoup de méfiance que je vis sa main se poser au-dessus de ma tête puis descendre. L'homme se mit alors à me gratter derrière les oreilles. Quelque chose que j'appréciai beaucoup d'ordinaire. Et je compris tout de suite que cet homme savait s'y prendre, avec les chiens. En avait-il déjà eu ?

Une vie de chienneWhere stories live. Discover now