9 - Phœbe : Your fault

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Je me tourne lentement, et le découvre au bout de la rue. La faible lueur de la lune affûte les lignes de son visage, tandis qu'il serre et desserre sa mâchoire en me fixant. Je remarque ses cernes, ses traits creusés, ses yeux sombres. Mon cœur se serre, tandis que nous nous dévisageons une longue seconde. Au supplice, je finis par me racler la gorge :

— Tu t'es enfin décidé à me parler ? Au bout de deux semaines ? Bravo.

— Et avant-hier, ça ne comptait pas ? réplique-t-il, sur le même ton.

— Non, ça ne comptait pas. Ce n'était pas ce que j'appelle parler. Tu m'as littéralement gueulé dessus, sans raison.

— Ce n'était pas sans raison.

— Pourquoi, alors ? On ne te reconnaît plus, sifflé-je. À quoi tu joues, Connor ?

— Mais encore ? Je ne vois pas de quoi tu parles, déclare-t-il d'une voix acerbe, avant de lever les yeux au ciel.

Mon Dieu, retenez-moi. Il est insupportable.

— Tes sautes d'humeur, ton insolence, ton absence — voilà de quoi je parle. Je...

— Tu plaisantes, Phœbe ? crache-t-il en m'interrompant. Mon absence ?

— Je n'ai pas fini, le coupé-je à mon tour. S'il n'y avait que ça — mais non. Quand tu n'es pas absent, tu me reproches des choses absurdes. Toute à l'heure, c'était quoi cette question, encore ? Pas un mot, rien, depuis deux semaines, et la seule chose que tu me demandes, c'est ça ? Tu me fais une crise de jalousie ? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi, hein ?

C'est de ta faute ! s'écrit-il.

J'ai un mouvement de recul. Ses yeux luisent davantage dans l'obscurité. J'y lis de la colère, du regret, et... de la douleur ? Le doute me serre le cœur, et l'espace d'un instant, ma confiance flanche ; mais c'était avant que je réalise ce qu'il vient de dire. Ma propre rancœur explose alors que j'assène, ma voix dégoulinante d'amertume :

— Mais bien sûr. Qu'est-ce que j'ai fait encore ?

Un ange passe, avant qu'il ne réponde, ses yeux ambre plantés dans les miens :

— Tu es partie.

Je vacille, avec la sensation de m'être pris un uppercut dans l'estomac. Mes mains et mes jambes tremblent, tandis que ses mots résonnent entre mes oreilles. Je le regarde sans comprendre.

— Tu as partie, Phœbe, quand j'avais le plus besoin de toi, reprend-il, en s'approchant d'un pas.

— Je suis partie pour mes études, Connor, répliquai-je, avec difficulté. C'était prévu, tu le savais très bien. Je...

— Et tu aurais dû rester pour moi. Quand c'est arrivé... tu... Ma meilleure amie aurait dû être là. J'avais besoin de toi. Aspen était en deuil, avec sa famille, mais moi, j'étais seul. Tu étais tout ce qui me restait.

Il secoue la tête, et ses yeux se perdent dans le noir, comme s'il voyait des fantômes. Les mots restent coincés dans ma gorge. Je m'attendais à tout en le voyant au bout de cette rue quelques minutes plus tôt... mais pas à ça.

— J'ai le droit d'être en colère, conclut-il.

— Je n'ai jamais voulu te blesser, dis-je, en faisant un pas vers lui.

Il recule aussitôt, et mon cœur se brise. Comment en sommes-nous arrivés là ?

— Mais tu l'as fait, répond-il.

— Je n'avais pas le choix, soufflé-je, me retenant si fort de pleurer que j'en avais mal au ventre.

Il ricane, et je le regarde comme s'il venait de me gifler.

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