7 - El : Stand up

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— Merci Papa, pour ta considération si touchante. Tu sais quoi ? Va te faire foutre. Envoie quelqu'un me chercher si cela te chante, cette personne pourra toujours courir pour que je la suive. Je suis aussi butée et chiante que toi. Tel père, telle fille, hein ?

Je n'ai jamais parlé à mon père de la sorte, en vingt-et-un ans d'existence. Et bordel, qu'est-ce que ça fait du bien. Je veux raccrocher, toute essoufflée et sûrement rouge de colère, mais Ana me saisit le téléphone des mains.

— François ! C'est bon de t'entendre !

Le ton ironique de sa voix me fait sourire.

Je me demande comment réagit Papa à l'autre bout du fil. Il a toujours refusé de parler à Ana, depuis la mort de Maman. Je n'ai jamais réellement su pourquoi, même si j'ai ma petite hypothèse : elle lui rappelle trop sa femme. De ce dont je me souviens de Maman, je sais que sa sœur et elle se ressemblaient beaucoup physiquement, mais aussi psychologiquement. Et elles étaient très proches. Pour passer à autre chose, Papa a eu besoin de se détacher de tout ce qui s'apparentait à Maman... même de sa propre fille, quelque part. Dès que j'ai été un minimum autonome, il s'est éloigné.

Je ne sais pas ce que Papa a dit à Ana, mais soudain, ses joues s'empourprent et elle hausse la voix :

— Non, c'est toi qui vas m'écouter. Tu as perdu tout droit sur ta fille à partir du moment où tu as arrêté d'être son père. Et je crois que cela fait un bon bout de temps. Quelle est la dernière fois où tu t'es occupé d'elle ? Où tu as pris le temps de t'intéresser à elle, de la regarder, vraiment ? Où tu lui as demandé comment elle allait ?

Silence au bout du fil.

— Je vais te dire, poursuit Ana. Mal. Elle est épuisée et malheureuse, François. Voilà comment va ta fille, en ce moment.

Elle me jette un regard déterminé, puis enchaîne :

— Mais elle se relève, parce qu'elle est forte. Et je ne crois pas que ce soit grâce à toi. Donc, que ce soit clair : elle restera ici aussi longtemps que le besoin s'en fera ressentir, d'accord ?

Mon père commence à répondre quelque chose, mais elle le coupe et explose :

— On s'en fout de ces défilés ! C'est de ma nièce, de ta fille dont on parle ! D'un être humain ! Pas d'un des produits de ton entreprise ! Le monde attendra, François. Elle n'a que vingt-et-un ans, et pourtant elle est déjà épuisée. Tu trouves ça normal, toi ? Non, ça ne l'est pas. Je ne te reconnais pas. Qu'est-ce que dirait Gabriela ?

Elle marque une pause, puis dans un soupir, conclut :

— Au revoir.

Et Ana raccroche. Je la fixe, scotchée, un lourd poids sur le cœur. Elle inspire, expire, ferme les yeux. Quand elle les rouvre, elle me sourit et murmure :

— Bon. C'est classé, on n'en parle plus. Qu'il ose se pointer ici pour qu'on ait une réelle discussion, lui et moi.

Elle me tend mon jus d'ananas, que je saisis d'une main tremblante, toujours sous le choc. Je ne m'attendais pas à ça. Je ne savais pas qu'Ana pouvait être aussi... enflammée. Je prends une gorgée de mon jus, ce qui m'aide à me remettre les idées en place, puis me redresse vers ma tante :

— Je peux aider ?

Elle opine, tout sourire.

— Avec plaisir.

Elle me tend un tablier, et commence à me distribuer des tâches. Je suis impressionnée par le nombre de choses à faire pour gérer un bar, et je commence presque à regretter. Mais comme je n'ai jamais vu Ana aussi heureuse depuis deux semaines — à cause de moi — je m'y attèle avec le sourire. D'autant plus qu'apparemment ce n'est pas habituel : il y a une petite fête organisée sur la plage demain soir, et c'est le bar qui est chargé d'assurer le service des boissons. Résultat : nous avons passé le reste de l'après-midi jusque dans la soirée à préparer à l'avance les smoothies pour ne pas être débordées demain.

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