Follow your fire

4 - Phoebe : I need a drink, please.

- Parti devant dans sa voiture avec Tyler, répond Gabriel.

- On est obligé d'y aller à trois caisses, maintenant, parce que Messieurs rentrent avec des filles, marmonne Cora d'un air mauvais.

Un poids lourd me tombe sur l'estomac. Il me faut une longue seconde avant de trouver la force d'opiner. Je me renfonce dans mon siège. Je ne sais même pas pourquoi je suis étonnée : l'été dernier déjà, il avait adopté un comportement étrange... Mais cette année, il semble être passé à la vitesse supérieure.

Alors que le moteur vrombit sous mon siège, je ne peux ignorer la colère triste qui se met à gronder dans mon ventre. Ça va être une bonne soirée, me répété-je.

*

La ville de Cairns est moins imposante que Sydney : pas de gratte-ciel, seulement de gros immeubles. Je reconnais certains bâtiments : il n'y a pas si longtemps, je faisais le trajet tous les jours pour me rendre au lycée. Les lumières colorées projetées par les enseignes filent à toute vitesse sur la carrosserie brillante de la voiture. L'air frais du soir s'engouffre par le toit ouvrant, et secoue mes cheveux. Ils ondulent en séchant. Je prie pour ne pas être totalement décoiffée.

- On arrive, nous signale alors Gabriel, baissant le son de la radio.

Et en effet, une minute plus tard, nous nous garons sur le parking de l'Inferno. La voiture de Connor, une Audi noire et reluisante, est déjà là. Ses passagers patientent, adossés contre son capot, en discutant. Mon cœur bat un peu plus fort.

- Tiens, mets ça.

La voix de Cora me sort de mon soudain état de fébrilité. J'observe le gloss qu'elle me tend d'un regard interrogateur. Elle le secoue devant mes yeux. Je suis trop nerveuse, tout à coup, pour la contester - et l'applique en vitesse. Il sent la coco, comme elle. Cette odeur me réconforte, et je lui souris pour la remercier. Elle m'adresse un clin d'œil. Nous n'en avons jamais parlé, mais Cora a l'instinct pour ça : je la soupçonne de savoir que je n'ai jamais été indifférente à Connor, malgré tous mes efforts pour le cacher. Elle se doute donc que cette soirée s'annonce stressante pour moi.

Le toit refermé, Gabriel est le premier à sortir, en poussant un petit cri de joie. Cora secoue la tête en se levant à son tour, mais elle aussi peine à cacher son excitation. Je suis la dernière à descendre de la voiture, en me forgeant un sourire factice.

Je me sens observée dès le premier pied à terre. Je tourne la tête, et mon regard rencontre le sien. Il est noir, brillant - sûrement à cause des lampadaires au-dessus de notre tête. Tyler lui parle, mais il ne lui répond pas. Ses yeux sont fixés sur moi. Je prends une seconde, pour le détailler : il porte une chemise blanche, ouverte sur son torse, rentrée dans un pantalon noir ajusté, et ses cheveux en bataille encore humides lui tombent sur le front. Les traits de son visage sont magnifiquement dessinés par les lumières du parking. J'ai le souffle coupé ; malgré tout ce qui m'agace profondément chez lui, malgré son comportement étrange ces temps-ci, je ne peux nier qu'il est beau. Je n'ai pas de peine à croire ce que m'a dit Cora : il n'a qu'à choisir, les filles doivent l'adorer. Et l'admettre me remplit de frustration. Le temps s'étire, et le malaise s'installe dans ma poitrine. Je détourne les yeux, le cœur battant la chamade, et m'empresse de le dépasser pour rejoindre les filles.

Alors, Fallen me prend le bras, me réprimandant sur quelque chose - ma tenue, probablement. Je deviens le sujet muet d'une conversation entre Kaia et Cora et elle, qui s'exaspèrent de mon « potentiel inexploité ». Je suis trop troublée pour défendre ma cause. Aspen et Noah finissent par m'arracher à leurs griffes, et je les remercie d'un sourire distrait. Les deux m'adressent un regard inquiet, et je secoue la tête. Juste avant que l'on ne rentre ensemble dans la boîte, j'inspire un grand coup et décide de l'ignorer, moi aussi. Il n'y a pas de raison pour que je sois la seule à me tracasser, ce soir.