Le destin de la Princesse

13 1 4
                                    

Zelda se réveilla en sueur et suffoquant, regardant d'un air hagard le plafond qui lui semblait inconnu, toujours piégée dans la brume de son sommeil. La jeune femme pouvait encore distinguer l'ombre venue d'on ne sait où qui s'était montrée dans ses songes, comme sur imprimée à son regard. Elle commençait presque à s'habituer, à force, à avoir ce genre de rêve. Le genre de rêve qui la laissait la bouche sèche et le corps endolori, comme si elle venait de s'enfuir à toutes jambes. Le genre de rêve où elle n'était pas personnage mais observatrice d'un monde promis à la dérive, son monde. La Princesse refusait de trop s'en accabler, mais force était de constater que tout événement vu dans son sommeil s'était réalisé, et il fallait être un idiot pour ne pas faire le rapprochement entre ses rêves et le pouvoir divin qui l'habitait.

Et Zelda était loin d'être une idiote. Elle regarda sa main où luisait encore la marque du triangle sacré et soupira, allongée dans son lit de paille. Elle n'avait pas le temps de se prélasser, bien que le soleil se levait à peine et que les cernes marquant son visage pouvaient laisser penser que la Princesse aurait eu besoin de repos. Elle se leva, s'étirant pour à la fois faire disparaître la lassitude de son corps et les douleurs dues à son agitation, en signalant à la servante qui dormait dans la même pièce - petitesse de l'endroit oblige - qu'il « fallait s'activer ». Zelda aimait bien « s'activer », et demander aux autres d'en faire de même. Cela lui donnait l'impression de faire quelque chose d'utile malgré le sentiment d'inéluctabilité qui se dégageait de ses rêves les plus récents.

« Dis-moi Zéhire, as-tu, comme je l'ai demandé, veillé sur moi pendant mon sommeil ? La marque s'est-elle manifestée cette nuit ?

-Oui votre Altesse, répondit l'intéressée étouffant un bâillement. Cette nuit, c'était un rêve divin, je le pense. Vous étiez agitée, le front brûlant et la marque brillait tant que cela éclairait la pièce comme en plein jour. »

Zelda médita sur ces paroles en remarquant un linge et un seau d'eau à côté de son lit. C'était pour cela qu'elle n'avait pas mal à la tête, se dit la jeune femme. Entre ses rêves et ses responsabilités, les migraines l'assaillaient très souvent, et elle devait ingurgiter de nombreuses potions dégoûtantes pour ne pas s'évanouir devant les représentants des peuples qu'elle essayait de fédérer à nouveau. Gouverner un Royaume en ruine n'était pas simple, surtout pour une femme de vingt et un ans, seule survivante d'une famille royale qui avait par le passé unifié le pays dans le feu de la guerre.

Certaines rancunes remontaient, et l'indépendance allait inexorablement arriver. Heureusement, Zelda avait quelques atouts de son côté qui faisait qu'elle n'était pas non plus complètement prise au dépourvu. Elle avait avec elle une partie de la Triforce, cette relique laissée par les déesses créatrices du monde, capable d'exaucer tout vœu. Comme elle ne disposait que d'une seule des trois parties, elle ne pouvait pas faire de vœu, mais le pouvoir et, surtout, le prestige associés à la relique lui permettaient d'éviter la catastrophe et de donner espoir au peuple.

La servante l'habilla, bien qu'elle sache évidemment le faire seule. Mais il fallait renouer avec son statut royal afin d'asseoir son autorité. Personne ne voulait actuellement d'une dirigeante issue de la famille royale défaite par un traître sanguinaire, il allait donc falloir faire forte impression, et la prestance d'une princesse gouvernante passait avant tout par l'autorité qu'elle pouvait exercer sur son entourage, souvent appuyé par un décorum protocolaire montrant sa domination. La poursuite de cette autorité était le cœur de sa mission, car sans personne pour suivre ses ordres, sans pouvoir exécutif, elle n'avait de princesse que le nom et le sang.

Il faisait assez chaud dans la petite mansarde où elle avait dormi, l'arrivée de l'été se faisait beaucoup ressentir sous les combles, malgré la fenêtre ouverte et l'heure précoce. Une fois parée de ses atours officiels, la main encore brillante à travers son gant en satin - Zelda aimait beaucoup sortir arborant la Triforce d'un air déterminé pour faire taire les suspicions à son encontre, et l'idée qu'elle serait incapable de l'utiliser - elle sortit de la pièce par le petit escalier menant à l'étage inférieur, suivie par Zéhire qui portait quelques affaires.

Zelda - Avant le délugeWhere stories live. Discover now