Je ne force personne ! ➖04

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     « Voilà ! Lenny est votre nouveau camarade de classe, et je compte sur vous pour l'intégrer ! C'est compris ?
Oui Madame ! répondent certains élèves de la Seconde Kiev, tandis que d'autres hochent la tête silencieusement.
La professeure principale me caresse gentiment le dos en me souriant :
Tu peux t'assoir où tu veux ! Bienvenue au Lycée Historia Reiss ! »

     « Par ici ! m'interpelle Kalvin, en agitant la main.
Je pose mon sac sur le sol et prends place à côté de lui.
C'est trop cool qu'on soit dans la même classe ! Je vais tout t'expliquer !
En pause, si tu le veux bien ! » l'interrompt Madame Piolan en distribuant des polycopiés.

Assis à l'avant-dernier rang de la rangée du milieu, je balaye la classe du regard, en tentant d'identifier le camarade dont je dois m'occuper.
Je m'attarde sur les types seuls et élimine visuellement ceux qui bavardent avec les tables voisines.

Il n'en reste plus qu'un.
Ça doit être toi, le fameux Skylar.

Je tapote l'épaule de Kalvin, qui stoppe sa conversation avec les filles assises devant nous, et demande discrètement :

     « Pourquoi il est assis tout seul, lui ? Il n'a pas d'amis ?
Mais si ! C'est nous, ses potes ! Pas vrai, Larby ?
Le rouquin sursaute et tourne la tête vers nous, comme si on l'avait appelé.
On est super copains, pas vrai ? renchérit Kalvin, tout sourire.
O-Oui ! bredouille timidement le solitaire, qui ne relève ni les regards amusés qui fusent dans toutes les directions, ni les rires maladroitement étouffés.
Les filles de devant gloussent et chuchotent :
  Quel tocard...
Je ne peux pas me le voir, ce débile. »

Je vois.
Je comprends les inquiétudes de Norman.
Je suis face à un cas typique de harcèlement...Auquel je suis censé mettre fin ?
Mais tu crois pas que je vais me mettre toute la classe à dos, Norman ?
J'ai accepté d'envisager la question, parce que tu as promis de m'aider à faire coffrer mon père, mais je ne suis ni justicier, ni psychologue.

     « Enfin la pause ! s'exclame Kalvin en s'étirant. J'te fais visiter le bahut ?
Non, ça ira. Je me débrouillerai. Dis-moi plutot pourquoi t'appelles ce mec « Larby » ?
Ce dernier passe à côté de nous, la tête baissée, comme s'il ne voulait pas se faire remarquer.
En parlant du loup ! Viens te présenter, Larby ! lance mon camarade de chambre en lui saisissant la nuque.
- E...Euh...
Kalvin ricanne et lui tape brusquement le dos.
Allez, arrête d'être aussi timide !
Cherche pas, soupire Marwa en roulant des yeux. Les poules auront des dents, le jour où il saura aligner deux mots en public.
Le visage du rouquin rougit progressivement, visiblement très mal à l'aise.
Tu t'appelles comment ? lancé-je gentiment.
Son regard reste scotché au sol et aucun son ne sort de sa bouche.
Mais je te l'ai dit ! me sourit mon voisin de table. Son blase, c'est « Larby » ! Il est sympa, tu verras ! On peut toujours compter sur lui ! Bref, allons sur le toit ! »

Je suis le groupe, en saluant le petit roux, qui attend sagement que l'on s'éloigne pour reprendre son chemin, le visage cramoisi.

C'est grave, bien plus que Norman ne le croit.
Je ne m'attendais pas à ça.
Là, Kalvin et d'autres lycéens s'en prennent ouvertement à lui, et il complètement soumis à eux.
Je suis censé mettre au courant Norman de ce que son fils subit vraiment, ou je dois le laisser croire qu'il a simplement « un problème de timidité maladive » ?
Parce qu'il semble persuadé que le problème vient de lui, alors qu'il est harcelé quotidiennement !
Je ne veux pas m'en mêler.
J'ai déjà assez de problèmes.
...
Mais le truc, c'est qu'il semblait sincère, quand il a promis qu'il défendrait ma version et que mon père paierait pour toutes ces années de violence impunies.
La question est...
Est-ce que je me sens capable de sortir son fils de son cauchemar ?
Est-ce que me rapprocher de lui, par intérêt, et rentrer en conflit avec ses harceleurs est un prix que je suis prêt à payer pour que mon père soit enfin confronté aux conséquences de ses actes ?
...
Il le faut.
Quand est-ce qu'une occasion comme celle-ci se représentera-t-elle ?
En y réfléchissant bien, je ne vois pas pourquoi Norman me la ferait à l'envers.
Il s'est battu avec le juge et les avocats pour empêcher notre père d'avoir notre garde...
C'est certainement le seul qui peut me croire et m'aider à obtenir justice.

SMS DétresseWhere stories live. Discover now