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     Je patiente devant le lycée, le nez enfoui dans mon écharpe. J'ai les mains qui tremblent un peu et une forte envie de pleurer tout à coup. Pourquoi je m'inflige ça ? J'ai l'impression que le destin de ma vie va se jouer ici et maintenant, en cet après-midi grisâtre de mars. Je ne sais d'ailleurs pas exactement ce que je vais dire à Lily, quelle posture je vais adopter. Ouverte et compatissante ou fermée et sévère après le silence radio et la vendetta que son mec a lancé contre moi ? J'ai un trac de fou furieux alors, lorsqu'elle arrive enfin, je ressens comme une sensation de saut dans le vide, mes repères sensoriels abandonnent mon corps et je vois ma vie défiler comme dans un film.

— T'en fais une tête, se moque-t-elle en me faisant la bise.

Une seule. J'adore. Je me reconnecte à l'instant présent et à mes sens instantanément.

— C'est le froid, je réponds.

Vous la voyez venir ? Cette discussion qui s'ouvre à nous, celle où l'on va se mettre à parler météo comme des vieilles voisines. On est bien montées, j'ai envie de pleurer.

Mais, à la place, elle fait un truc que je n'attendais pas : elle retire son bonnet et me l'enfonce sur la tête.

— Interdiction de tomber malade avant vendredi !

Elle continue d'avancer et moi je reste figée. Une culotte, un bonnet, c'est quoi la prochaine étape ?

— Agathe ?

J'accoure pour la rejoindre, mes bottines retentissant sur le trottoir.

La discussion tourne finalement autour de ça. Pas le bonnet, le 8 mars. On parle des filles, de notre hâte de voir comment ça va se passer, comment nos camarades vont réagir. Et de fil en aiguille nous n'allons pas au petit café prendre un goûter. Nous marchons le long de la Loire jusqu'à tomber sur la ligne verte au niveau de la passerelle, et nous la suivons. C'est la troisième année que je passe à Nantes et pourtant je n'ai encore jamais exploré ce parcours touristique si célèbre. Une ligne tracée au sol qui relie tous les lieux à visiter dans la ville.

— T'es déjà allée voir les Machines ? me demande Lily.

— Une fois, mais il y avait trop de queue je n'avais pas pu y entrer.

Alors je souris parce qu'elle me tend sa main, de la même manière qu'elle l'avait fait pour m'inviter à danser à l'anniversaire d'Éva. C'est naturel, et je crois m'envoler lorsque je la saisis.

On traverse la passerelle qui surplombe la Loire, on la longe jusqu'à tomber sur les jardins, puis sur le carrousel et le grand éléphant métalliques. Les Machines de Nantes sont des infrastructures construites au milieu de l'île qui se déplacent, un peu dans l'imaginaire créatif merveilleux. On se décide sur un coup de tête d'aller explorer l'intérieur du carrousel, les fonds marins, ses abysses puis sa surface. J'adore, c'est à la fois creepy et merveilleux. Tout droit sorti d'un bouquin de Jules Vernes.

— On prend la sèche ! je m'exclame en forçant Lily à me suivre lorsque nous avons le choix de nous installer sur une des créatures aquatiques du manège.

Je m'installe en amazone pour que ma petite culotte sous ma jupe ne soit pas dévoilée à tous les touristes du coin, et elle se hisse derrière moi.

Son rire résonne dans mes oreilles tout au long du manège, et ses mains viennent rapidement s'agripper à ma taille. J'adore ce qu'il se passe, on flotte en plein délire.

Une fois la visite terminée, on prend un selfie devant l'éléphant mécanique avec son téléphone.

— Tu m'envoies la photo ? je la supplie presque.

La Loi de la JungleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant