ACHLYS - Beautiful War of Mankind

Chapitre 3

- Dans ce cas, pourrais-tu me le décrire ? 

Achlys voulait savoir à quoi s'en tenir. Sa résolution était claire comme de l'eau de roche. Elle s'accommodera du mieux qu'elle pourra au partenaire qu'on lui a attribué. Pourtant, quitte à choisir, elle ne demandait qu'un homme qui ne lève pas la main sur elle. Pour le reste, elle s'en contenterait.

- Mais certainement, rétorqua Savannah une fois qu'elle eut fini son verre, une moue satisfaite collée au visage. J'ai entraperçu le Prince lors de mon interaction avec son chambellan, Monsieur Zora, il me semble. Comme je suis une femme de haut-rang, nul autre que lui ne pouvait me demander pareil requête : être la dame d'honneur de son épouse en devenir. Et de ce que j'ai pu voir de lui, je puis vous assurer qu'il n'est en rien conforme avec ce que les rumeurs dépeignent à son sujet. Physiquement, tout du moins.

- Est-il... beau, alors ?, hésita Neri, assise désormais sur le magnifique sofa taupe à broderies fines.

- On dit que la beauté est subjective, mais il faut simplement savoir faire la différence entre les deux extrêmes. Un homme est beau, si il est riche. Une femme peut-être la plus pauvre de l'Empire, si elle a la beauté pour elle, elle se trouvera un comte, pour sûr.

- Vous éludez la question avec brio. Qu'en est-il de votre réponse ?, renchérit Hazel, le nez dans la crinoline, ignorant le mauvais regard qui lui parvint de l'autre bout de la pièce.

En tant que baronne, Hazel Owl se devait de garder une posture respectueuse envers les rangs supérieurs au sien, tels qu'Aurora. Savannah d'Orise posait plus de problème. Duchesse venue de l'Ouest de l'Empire et détentrice d'une forte influence à la Cour de l'Empereur, le Prince de Sang fit un excellent choix en la nommant au service de son épouse. En privé, comme dans ce cas présent, Hazel se permettait quelques excentricités, comme amuser la galerie, mais c'est avant tout et surtout grâce à la présence de la princesse. Ces deux semaines ensembles lui avait permis d'intégrer les petits papiers d'Achlys. Avoir le même âge devait peser dans la balance, sans l'ombre d'un doute.

- Comment dire... Je trouve que Monsieur correspond parfaitement à sa fonction. Il est sûr de lui, possède une élocution digne de son rang. Il portait sur lui une noble allure. Un port altier. Ah oui, vous n'avez pas vu son portrait. Attendez... Monsieur est fort brun, avec un nez droit qui lui sied. À part ça, je suis désolée, je ne l'ai vu que de profil. Ah oui, Son Altesse était devant un cabinet, elle s'attelait à la rédaction d'une lettre, mais elle semblait avoir une taille moyenne pour un homme.

- Vous ne l'avez pas observé très en détail... fit remarquer Hazel, déçue.

- Je ne voulais pas donner l'air de le fixer. Et puis je venais tout juste d'arriver, je portais ma coiffe de voyage, et Monsieur se trouvait, comme je viens de vous le dire, de profil. Qu'aurais-je dû donc faire, Madame Hazel, hum ? Tourner complètement la tête ?

- Ce n'est pas ce que j'ai dit.

- Vous le pensez trop fort, ça me donne la migraine.

- Ne serait-ce pas votre troisième verre de lait de poule, duchesse ? nota Aurora, confortablement assise sur un fauteuil près du sofa, et plus explicitement, trop proche de Savannah.

- C'est probable, oui.

La conversation s'éteignit juste comme cela, sous les crépitements du feu. Elle eut au moins une utilité : apaiser quelque peu l'angoisse qui enflait à mesure du temps qui passe. Bon sang. Jamais elle ne se serait attendu qu'à deux heures de la rencontre, elle commencerait à se montrer aussi agitée. Le fauteuil devint petit à petit trop étroit, elle venait de changer de position pour la énième fois. Achlys soupira profondément, une légère algie s'installa progressivement dans le creux de son ventre. Cette étape serait probablement la plus stressante, parce qu'elle était dans l'inconnu le plus total. La seule chose qu'elle savait de son mari ? Rien, si ce n'était son air princier. Son père lui a indiqué de manière approximative son âge une fois, en lui annonçant la nouvelle de son mariage. Moins de trente ans. Une chance, selon le mignon de son paternel. On ne pouvait que lui donner raison.