Cœurs brisés

Chapitre 16

Harry hoqueta violemment et blêmit, avant de reculer un peu plus, une main plaquée sur la bouche. Drago se leva rapidement et le rattrapa avant qu'il n'ait l'idée d'ouvrir la porte et de retourner sur cette plage maudite.

— Retourne au chaud, espèce d'idiot !

Son ton se fit plus dur pour cacher ses émotions, alors qu'il regrettait déjà ce qu'il avait dit. Hermione lui avait recommandé d'être patient et lui bousculait Harry dès qu'il avait les yeux ouverts.

Étrangement, Harry obéit sans trop protester, lui jetant juste un regard noir et l'empêchant de le toucher davantage. Drago essaya de ne pas être vexé d'être repoussé, mais il y avait déjà beaucoup trop de rancœur et de non-dits entre eux pour qu'il puisse ignorer ce geste de rejet.

Harry ricana.

— Tu attendais que je vienne ? Je croyais que tu voulais que je me débarrasse des derniers souvenirs de mon parrain ?

Drago ferma les yeux un bref instant, puis il secoua la tête, en se demanda pour quelle raison il avait accepté de parler avec cette tête de mule.

Il murmura d'une voix éraillée pour le chagrin.

— Comment a-t-on fait pour pouvoir se parler sans se battre après tous nos affrontements à Poudlard ? Comment on a réussi à passer au-dessus ?

Lorsqu'il rouvrit les yeux, Harry le dévisageait avec une expression de surprise, et il répondit prudemment, sans le quitter des yeux.

— Nous étions des enfants à Poudlard. Je suppose qu'on a grandi.

Drago renifla et haussa les épaules.

— Il faut croire que finalement rien n'a changé, n'est-ce pas ? J'ai l'impression qu'il y a toujours un mur entre nous qui nous empêche de nous comprendre.

Harry grimaça aux mots de Drago. Une fois de plus, il s'était emporté, aveuglé par la jalousie de savoir que Drago l'avait remplacé.

Il se frotta les yeux, mal à l'aise. Il crevait d'envie de retrouver les bras de Drago, mais il voulait lui hurler dessus d'avoir continué à vivre sans lui.

Il aurait préféré savoir qu'il avait manqué à Drago autant que ce dernier lui avait manqué, mais il était trop fier pour se montrer honnête et le lui demander.

Il se demanda distraitement s'il devenait fou d'avoir envie de quelque chose tout en faisant en sorte de ne pas l'avoir... Il sabotait lui-même ses chances de bonheur et il était incapable de rattraper ses erreurs.

Avant qu'il ne puisse répondre, Drago lui tendit une tasse de thé bien chaude que Harry prit avec reconnaissance. Il fit attention de ne pas toucher Drago, craignant de perdre tout contrôle et de se jeter sur lui — pour l'embrasser ou le frapper, il n'était pas sûr de ses réactions.

Son geste ne passa pas inaperçu et il nota l'expression blessée du jeune homme. Ce constat ne fit qu'ajouter de la culpabilité au marasme de ses émotions, et il se concentra sur la tasse, savourant le liquide chaud et sucré.

Pendant qu'il buvait, il observa Drago aussi discrètement que possible et il fut surpris de le trouver changé. Il avait maigri et il semblait épuisé. De larges cernes soulignaient ses yeux et il y avait de légères rides qui n'existaient pas avant.

Ses yeux qui avaient toujours fasciné Harry étaient moins brillants qu'avant. Moins expressifs aussi.

Il termina la tasse et la posa près de lui en soupirant. Il avait pu se calmer assez pour trouver la question la plus importante. Celle qu'il aurait dû poser en premier lieu, avant de dire quoi que ce soit d'autre.

— Tu l'aimes ?

Drago sursauta et cligna des yeux, visiblement perplexe. Il répondit aussitôt, surpris.

— Qui ?

Harry fronça les sourcils et s'agaça légèrement. Il cracha sans parvenir à masquer sa jalousie.

— Ta fiancée.

La bouche de Drago se tordit en une grimace de dégout et il roula des yeux.

— Tu imagines que j'ai voulu ça ? C'était le prix à payer pour être retourné chez mes parents, Harry. Bon sang, je ne connais même pas son prénom !

Harry eut l'impression de respirer plus librement et il se réinstalla sur les couvertures, près de Drago. Ils ne se touchaient pas, mais il pouvait presque sentir la chaleur de son corps. Il lui suffirait de se laisser aller juste un peu pour le toucher.

Immédiatement, Drago lui passa une couverture autour des épaules, avec une tendresse flagrante et Harry ferma les yeux, épuisé et démoralisé.

— J'ai tout gâché, n'est-ce pas ?

La question de Harry figea Drago et il suspendit ses gestes, réfléchissant sincèrement. Il pourrait toujours le rassurer et prétendre que tout allait bien, mais ce ne serait qu'un mensonge de plus et leur relation — si elle existait encore — n'avait pas besoin de ce poids supplémentaire.

Finalement, il soupira.

— Je ne sais pas.

Il ne laissa pas le temps à Harry de réagir, de s'emporter ou de fuir, ajoutant aussitôt dans un murmure douloureux.

— Tu m'as manqué, Harry. Mais on ne peut pas continuer comme ça.

Harry sembla se recroqueviller sur lui-même, comme s'il l'avait frappé. Il tendit le bras vers lui pour l'enlacer, mais il n'alla pas jusqu'au bout de son geste, incertain. Finalement, il s'expliqua, en chuchotant comme si ça pouvait atténuer l'importance des mots prononcés.

— Tu as besoin d'aide. Je ne me rendais pas compte, mais... tu ne peux pas te détruire encore et encore. Je ne peux pas te regarder faire ça, jour après jour.

Harry leva les yeux vers lui, le fusillant du regard avec un reste de combativité.

— Tu m'as quitté, Drago. C'est probablement normal que je sois... affecté, non ? Et tu penses que j'ai besoin d'aide parce que je refuse de déménager, c'est bien ça, le cœur du problème ?

Drago haussa les épaules avec un sourire triste, réussissant à garder son calme malgré son envie de crier.

— Tu penses que c'est un caprice de ma part ?

Harry se renfrogna, mais il ne répondit pas, haussant juste les épaules avec agacement. Ils restèrent dans un silence inconfortable quelques secondes, puis Drago souffla, s'obligeant à se détendre. Hurler n'apporterait rien, déclencher une dispute ne ferait pas avancer leur relation.

Il marmonna finalement, non sans un sourire légèrement moqueur.

— Je devrais te hurler dessus et te secouer comme un prunier. Tu en as conscience ?