A la recherche de Proust - [2]

Chapitre 20

<<La principale différence entre écrire et faire l'amour, c'est qu'en faisant l'amour on cherche autant le plaisir de l'autre que le sien, sinon davantage, tandis qu'en écrivant on ne cherche que le sien.>>

Henry de Montherlant - Tous feux éteints (1965)

Il ne savait pas s'il devait s'inquiéter où s'exciter un peu plus face à la nouvelle lueur qui brillait dans le fond des iris du noiraud. Il ne l'avait pas rêvé, ce regard, Eren était même sûr de l'avoir déjà aperçu quelques jours plus tôt, dans la chambre qu'il occupait depuis presque un mois déjà, alors que Levi était en train de panser ses blessures. Inconsciemment ou non, il avait espéré depuis son arrivé ici, tomber à nouveau sur le regard ardent de son ancien professeur, preuve dont avait toujours besoin son cœur meurtri et incertain. Il l'avait tant rêvé, ce regard, celui qui atteste en une fraction de seconde des sentiments, de la passion qui brûle chez l'autre, chez lui. Il l'avait tellement désiré qu'il eût presque du mal à y croire maintenant qu'il lui faisait enfin face. Il faisait chaud, très chaud, bien trop chaud dans le corps d'Eren et les pensées confuses qui s'entrechoquaient dans son esprit n'arrivaient en rien à calmer sa fièvre. Il suffoquait légèrement, la respiration haletante et une légère sueur perlant le long de son dos, alors que chaque millimètre de peau semblait s'embraser sous la température incandescente qui émanait de lui. Et évidemment, la cause de ce brasier n'était autre que le regard incendier que Levi posait sur lui, sur son physique presque dénudé, maintenant qu'il avait compris l'excitation qui prenait peu à peu possession du beau brun devant lui. C'était difficile de ne pas le regarder, de ne pas admirer la silhouette élancée et musclée qui s'offrait à lui, ici, seulement éclairé d'un halo bleuté, seul rayon de lumière d'une lune à moitié pleine. Il appréciait la vue de son corps presque nu, brillant de cette fine pellicule de sueur qui recouvrait petit à petit chaque centimètre de sa peau hâlé, de son torse qui se soulevait rapidement sous le poids de cette respiration devenue quelque peu hiératique. Le désir de le toucher, d'oser poser ses doigts un peu, beaucoup, partout, sur son corps, contre sa peau, sur lui, en lui. Il ne pouvait détacher son regard envieux de cet homme aux cheveux désordonnés, maître depuis déjà longtemps de son cœur et de son être. Il ne pouvait qu'adorer le fait que ses joues rougissent encore pour lui, à cause de lui, malgré tout ce temps qu'ils avaient déjà passé ensemble, bien qu'ils se connaissent trop bien à présent. Et comment ne pas être émerveillé par ce regard, celui qu'il lui lançait à l'instant, éblouissant de sincérité, d'amour, d'envie, de luxure. Le velours de ses yeux, ce doré auréolé de Jade, le faisait tomber encore et encore sous son charme, amoureux transi de leur clarté profonde. Était-il possible de convoiter à ce point un homme, de vouloir posséder un être humain si intensément, de le vouloir corps et âme sans limite ni retenu ? Était-il toujours sain d'esprit, ou au contraire, venait-il de sombrer définitivement dans la folie ? Il se devait bien de se poser cette question, car à mesure que ses yeux glissaient sur le reflet du corps brûlant de son amant, Levi prenait conscience qu'il ne l'avait jamais si ardemment désiré.


Il se laissa tomber à genoux devant lui, surprenant Eren qui n'avait pas esquissé un mouvement, figé d'admiration devant l'intensité des émotions qui se dégageaient du plus vieux. Un gémissement lui échappa alors que les lèvres de Levi venaient se poser sur sa cuisse, embrassant chaque parcelle de peau se trouvant à proximité. Il voulait goûter au moindre détail, à la plus petite partie de ce corps auquel il avait tant rêvé. Ses mains s'invitèrent d'elles-mêmes, ses doigts dansant délicatement à l'arrière de ses jambes, effleurant chaque cicatrices, peu nombreuses, mais bien présentes sur la peau parfaite de son amant. Eren sentit un frisson le parcourir entièrement alors qu'il venait agripper quelques mèches corbeaux d'une poigne maladroite.