Chapitre 25

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♪ L'enfer - Stromae / ♪ Until I found you - Stephen Sanchez


Je ne me souviens plus exactement du moment où j'ai cessé de penser. Peut être était ce lorsque je suis monté dans la voiture pour rentrer chez moi. Ou peut-être que cela s'est passé lorsque j'ai reçu cet appel, ou bien à la fin, quand Berth m'a servi mon dernier verre ?

Si j'y réfléchis bien, de ce que je me souviens, je pense que mon cerveau a arrêté de fonctionner correctement il y a bien longtemps, lorsque j'ai quitté mon appartement, cette nuit là, après qu'Eren m'ait hurlé sa rancœur et sa haine. Quel homme saint d'esprit se serait précipité dans l'horreur et la dépravation alors même que l'amour de sa vie tentait de le rejoindre par tous les moyens ? Mais ai-je déjà été sain, ou alors ne suis-je qu'une accumulation d'erreurs et d'échecs ? Mon existence n'est elle pas aussi vide de bonté et de pureté que l'était ma vie avant lui ? "Le reflet parfait de mon âme." C'est exactement ce que je me suis dit lorsqu'il est partit, lorsqu'il m'a laissé là, honteux et anéantit. Comment lui en vouloir lorsque l'on sait l'ordure que je suis et que j'étais, quand lui même venait enfin de prendre conscience de la noirceur du tréfonds de mon être. Le laisser revenir, l'inviter à nouveau dans ma vie, c'était comme l'obliger à couler avec moi. Une lente et longue noyade dans les abîmes de mon passé et de mon âme torturée. Mais Eren est un ange, et les anges n'ont pas leur place en enfer.

Mon enfer à moi a commencé avec lui. Erwin Smith. Et quel plus belle agonie que de partager ma vie avec cet homme. Petit, ma mère aimait me dire que l'amour était la plus douce des sensations, la plus belle des émotions dans ce monde. Ma mère est une sainte, mais ma mère est naïve. J'ai appris à mes dépends la plus cruelle des vérités : l'amour est le sentiment le plus dangereux qui soit sur cette maudite planète. La colère n'est rien en comparaison à la violence d'une passion. Elle brise, elle tue, elle annihile toute autre chose, tout être capable de la ressentir. Pour elle on se consume, sans elle on n'est plus rien. Erwin Smith était de ces hommes qu'on ne peut aimer simplement. On ne peut que se donner corps et âmes pour eux, jusqu'à oublier le reste, jusqu'à s'oublier soi-même. Je crois bien n'avoir jamais rien éprouvé de tel que cet amour indescriptible que je lui vouais. Et cela dès la toute première seconde où mon regard s'est posé sur lui. Je savais que je ne pouvais pas lui échapper, j'étais tombé dans le piège de l'amour. Quelle belle saloperie. Erwin Smith. Je crois savoir que déjà à l'époque, je n'étais pas le seul à avoir craqué pour son regard océan, sa carrure d'athlète et sa belle gueule presque indécente. Il était beau à en crever ce connard, et il le savait bien. J'espérais secrètement qu'il finisse par n'avoir d'yeux que pour moi, mais lorsqu'on se sait désirable et désiré comme l'était Mr Smith, un simple gamin dans mon genre ne suffit pas à combler notre besoin d'attention. Pourtant, il avait toute la mienne, et plus encore. Et même le fait que sa femme, cette douce et magnifique madame Smith, travaille à l'accueil de notre établissement scolaire n'y changeait rien. Je le voulais lui, plus que tout au monde, il devait être mien, malgré ces 20 années qui nous séparaient. Je voulais qu'il me regarde, qu'il s'intéresse à moi, qu'il me désire comme je le désirais de mon côté, plus si possible. J'ai du faire preuve d'un self-control et de patience dont je ne me pensais pas capable pour ne pas me jeter sur lui lors de nos entretiens individuels, sur ses lèvres tentatrices qui me souriaient trop chaleureusement à mon goût. Je ne voulais pas de son affection ni de sa gentillesse, je voulais sa passion, son amour, son attention, sa dévotion. Je voulais son cœur et son âme. Mais Erwin n'était pas homme à donner, et je l'ai appris à mes dépends. 

Je me souviens encore de la première crise de jalousie de ma vie : je l'avais croisé au détour d'un couloir, moi aux côtés d'Hanji, lui avec une jeune fille de deux ans mon aîné, ses doigts repositionnant l'une de ses mèches rousses derrière son oreille. Jamais auparavant, je ne m'étais senti aussi furieux, aussi triste, aussi démuni. Je l'ai détesté lui de ne pas me regarder comme il la contemplait elle, je l'ai détesté elle d'être une fille quand moi, j'étais ce garçon petit et insignifiant. J'ai cru me consumer de rage et d'amertume, de cette jalousie qui, pour la première fois de ma vie, venait me bousiller le cœur et les tripes. Je m'en suis voulu d'être faible et pathétique alors que lui ne m'avait tout simplement jamais regardé. Il ne s'intéressait pas à moi, et cette constatation m'avait plongé dans un état de déprime abyssal. Si j'avais su que sucer Gunter Schültz, un gars de terminal, dans les toilettes du lycée juste à côté de son bureau allait enfin me faire apparaitre aux yeux du professeur, j'aurais accepté de lui faire cette petite gâterie bien plus tôt. Il nous avait surpris lors d'un intercours, moi à genoux devant le métis, son sexe enfoncé profondément dans ma bouche. Cet écart de conduite m'avait value trois heures de colle et mon premier baiser de la part du professeur qui émiettait petit à petit mon pauvre cœur adolescent. Ma pénitence en quelque sorte. Si tel était ma punition, j'étais prêt à recommencer avec la totalité du lycée. Je crois qu'Erwin l'avait compris, il s'en ait bien servi contre moi. J'étais devenu sa chose, sa pute, son "vide couilles", et moi, à l'âge où l'on découvre seulement les prémices de l'amour et du sexe, j'en redemandais encore. Par ce que pendant ces moments là, ceux dans sa salle de cours sur son bureau, dans les toilettes du lycée, sa chambre à l'internat ou dans les vestiaires de la salle de sport, dans ces moments là, il n'y avait que mon reflet dans le bleu de ses yeux. Juste lui et moi. Plus de petite rouquine aux joues rosies de gêne, plus de madame Smith et sa beauté sidérante, plus aucun autre élève de ce foutu lycée. Seulement moi. La passion me dévorait le cœur autant que la raison. Plus rien n'importait : ni les cours, ni mes amis, pas même ma mère ou mon oncle. Un seul mot résonnait sans discontinuer dans mon esprit : Erwin. Je le voulais pour moi et pour moi seul. Malheureusement c'était loin d'être le cas. Je savais qu'il avait un nombre incalculable d'amants et de maîtresses, il ne s'en cachait pas avec moi, et je devais concentrer la totalité de mon calme pour ne pas exploser dès que j'apercevait le nom de l'un ou l'une de ses prétendent(e)s apparaître sur l'écran de son téléphone. Je ne pouvais le laisser à personne d'autre et c'est pour cette raison que j'ai tout fait, absolument tout ce qu'il me demandait, pour qu'il ne me jette jamais comme il avait l'habitude de le faire avec les autres. Je le laissais me prendre aussi brutalement qu'il était possible, parfois jusqu'à en perdre connaissance, l'autorisais à me toucher dans le dortoir de l'internant alors que mes camarades dormaient autour de nous. J'acceptais toute ses envies les plus obscènes et humiliantes simplement pour que mon reflet continue de briller dans l'océan de ses yeux. Je l'aimais d'un amour qui me rendait faible, qui me rendait fou. Je l'ai laissé jouer avec mois durant 5 ans. Plus de 1 800 jours. Au final, ces années n'auront été pour moi que souffrance, douleur, humiliation, asservissement. Il ne m'aimait pas et moi je ne l'aimais pas comme il le fallait. Les coups, les insultes, les tromperies et ses demandes dégradantes auraient dû m'en faire prendre conscience. Mais ne dit-on pas que l'amour rend aveugle. Celui que j'avais pour lui m'a arraché les yeux et la raison lorsque j'ai découvert le monstre qu'il était réellement. Les coups, finalement, ne représentaient que peu de chose pour moi face à l'abomination qu'était cet homme. Il a fallut que je passe à deux doigts de la mort pour le comprendre. 

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 07 ⏰

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A la recherche de Proust - [2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant