9. Réunion

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La demeure Hargreaves était bien moins extravagante que ce qu'était l'observatoire de l'est, et même si le tout transpirait de luxe, elle semblait assez vulgaire au regard des appartements du duc à la capitale. Madame Hargreaves avait longtemps œuvré pour que la demeure apparaisse plus ostentatoire néanmoins son époux avait toujours trainé les pieds à l'idée que sa demeure devienne un objet d'apparat. Quoi qu'en dise leur mère, Calliope tout autant que sa cadette, n'avaient jamais eu à rougir de l'accueil qui était fait en cette demeure et s'il était une chose dont Calliope était particulièrement fière c'étaient bien le parc. Et pour cause, elle y avait œuvré depuis qu'elle était en âge de tenir une pelle et un râteau.

La jeune fille qu'elle avait été avait planté des parterres de toute sorte, avait fait mourir tout autant de jeunes plans, avant d'arriver à un résultat qu'elle avait jugé acceptable. Sa mère avait été ulcérée de la voir revenir couverte de terres, le teint brunit par les rayons du soleil, et avait pestée contre cette odeur peu agréable qui avait été la sienne durant ses séances de jardinages intenses. Tout cela n'avait pourtant pas eu raison de cette passion, et même si sa mère y trouvait encore à redire, elle avait su tirer parti de ce passe-temps. D'un regard, elle embrassait toute l'étendue du parc qui s'étendait à ses pieds, et sans s'en rendre compte, elle poussait un soupir de soulagement. Elle s'était attendue à ce qu'une fois partie sa mère trouve intéressante l'idée de tout raser pour effacer le moindre centimètre carré de son travail.

Un sourire posé sur ses lèvres, elle se tournait vivement vers le duc qui s'extirpait à peine de la voiture. Si Calliope trouvait les voyages en voiture horriblement longs, et particulièrement inintéressant, elle devait avouer qu'elle avait apprécier faire ce trajet en compagnie du duc. Certes, il n'avait pas été très loquace, mais il avait montré quelques signes d'inconforts qui l'avait rendu moqueuse tant est si bien qu'elle craignait quelque peu que l'homme en eu pris ombrage. Avec diligence, la jeune femme s'était rapprochée de lui pour lui offrir une main secourable qu'il avait regardé d'un air circonspect.

"Est-ce un moyen de vous faire pardonner ?"

Sa voix grave était empreinte d'un cynisme facilement reconnaissable qui lui arrachait un sourire bien malgré elle. Un temps infini sembla s'écouler avant qu'il ne cède à la tentation de placer sa main sur son bras. Elle prit d'abord ce geste comme l'acceptation de ses muettes excuses, mais le regard qu'il dardait sur une cible qui se trouvait derrière son dos lui laissait à penser que ce n'était là qu'un faux semblant, une duperie à l'intention de ce qu'il fixait.

"Calliope!"

La voix stridulante de sa cadette fit naître au creux de son échine un frisson de dégout qu'elle n'arriva pas à juguler. Ses doigts se resserrèrent davantage sur le bras de son compagnon, si fort qu'elle put sentir ses ongles s'enfoncer dans les chairs de son fiancé. S'il en souffrit il n'en montra rien, restant impassible tandis que celui de Calliope tendait à se décomposer. La jeune femme s'était pourtant préparée à cet instant fatidique mais elle se rendait compte que ce n'avait été là qu'un piètre palliatif.

Sa torpeur ne sembla pas échapper au duc qui réduisit drastiquement la distance entre leur corps. Il lui avait apporté la stabilité dont elle avait soudainement manqué, et le chancellement qui menaçait naguère chacun de ses mouvements se trouvait être renforcé par une aura d'assurance qui émanait de cet homme. Les joues rosies, Calliope osa lever ses yeux vers lui, et fut bien plus charmée qu'elle ne l'aurait jusqu'alors pensé par l'allure altière qu'il arborait. Ils n'étaient définitivement pas faits du même bois.

Ragaillardie, elle se permettait enfin de regarder sa sœur. Anabella était, comme à son habitude, resplendissante. Toute vêtue d'une robe émeraude qui faisait ressortir sa chevelure flamboyante, elle minaudait tandis que son attention semblait être toute tournée vers l'homme qui aurait dû être son fiancé. Le pas presque dansant empli d'une grâce toute calculée, elle se rapprocha soudainement du couple et sans demander son reste arrachait son ainée, au grand dam de celle-ci, des bras de l'homme qu'elle avait abandonné.

"Allons Calliope, tu ne peux pas rester planté là dans le hall d'entrée ! Montre-toi plus courtoise et hospitalière."

Avait ajouté Anabella en prenant le duc par le bras l'entrainant sans qu'elle lui laisse voix au chapitre, tout en laissant Calliope en arrière. C'était là toute la force d'Anabella, cette façon de faire qui la rendait si détestable aux yeux de son aînée et pourtant si admirable aux yeux de ces autres qui se laissaient charmer avec une certaine naïveté. Elle aimait être le centre de toute l'attention, et il n'était rien qui ne puisse l'arrêter quand il s'agissait d'attirer toutes les attentions. Ce n'était, d'ailleurs, pas la première fois qu'elle foulait du pied sans vergogne les manières de sa sœur pour mettre en évidence toutes ses qualités.

Calliope y était tellement rompue qu'elle aurait pu passer outre si elle n'avait déjà outrepassé son privilège de favorite au regard de tous. Anton quant à lui s'était défait de l'étreinte de Anabella avec une certaine précipitation ce qui avait contribué à faire sortir Calliope de sa soudaine stupeur. Vivement, elle s'était glissée entre son fiancée et sa sœur avant même que celle-ci ne se soit remise de sa surprise.

"Je ne pense pas avoir besoin de toi pour faire visiter la maison. Qui plus est tu n'es pas plus que moi l'hôte en ces lieux."

Sans trémolo dans la voix, sans baisser les yeux, pas même avec une once de honte, elle reprenait sa place au côté de celui qui jouait le rôle de son futur époux. Sans qu'elle eût besoin d'argumenter ou de se montrer insistante, il replaçait son bras sur le sien et d'une pression faite sur celui-ci il lui indiquait silencieusement qu'il était à ses côté. Elle lui en fut infiniment reconnaissante.

Anabella quant à elle dardait sur eux un regard courroucé, et semblait juger la situation comme une guerre qu'elle n'entendait pas perdre de la sorte. D'un claquement de la langue elle ponctuait la conversation avant de tourner les talons pour monter les larges escaliers de marbres d'où les jaugeait un homme que Calliope aurait préféré ne pas revoir. Louis. Dire qu'il avait changé en un mois aurait été mentir, il ressemblait toujours à cet éphèbe qui l'avait tant fait rêver et avec qui elle avait imaginé sa vie. Néanmoins, le poignard de la trahison qu'il avait outrageusement planté dans son dos le rendait indescriptiblement écœurant pour son ancienne fiancée.

La cadette auprès de son mari se lova dans ses bras avant de déposer sur ses lèvres un baiser appuyé. Indélicate façon de montrer à Calliope qu'elle était ici en terrain conquis. Néanmoins le regard de son époux restait encré sur eux, semblant chercher une faille en eux alors qu'ils étaient eux même les instigateurs de cette union. Comme pour répondre à un ultime défit, Anton déposait un chaste baiser sur la tempe de sa future épousée qui, surprise, levait un regard interrogateur vers lui avant de sourire poliment. Cela sembla suffire pour rendre Anabella verte de rage et la faire fuir en faisant claquer ses hauts talons sur les parements. Louis ne tarda pas à la suivre.

"Audacieuse créature."

Avait-elle alors entendu dire Anton tandis qu'ils s'éloignaient l'un de l'autre. En elle, elle sentit quelque chose se briser, tout cela n'était évidemment que de la poudre aux yeux, rien de plus qu'une manœuvre destinée à montrer à tout le monde qu'il ne perdait pas la face au regard de cette situation. Il était certes d'un grand soutient, mais elle ne tenait finalement pas la comparaison face à sa cadette. Calliope soupirait avant d'ouvrir le chemin à cet homme dont les pensées semblaient déjà avoir été captivées par sa petite sœur.

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Bonjour!

Pour commencer je vous souhaite une bonne et heureuse année 2023!

Ensuite je tenais à m'excuser pour le retard que j'ai pris dans l'écriture de ma petite histoire. Pour ma défense j'ai commencé un nouveau travail, et les fêtes n'ont pas aidé! 

J'espère que vous apprécierais ce petite chapitre, comme d'habitude n'hésitez pas à me donner votre avis, je prends toutes les remarques!

Des bisous! 

Cruelle VoluptéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant