5. La solitude

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Finalement il avait accepté de la laisser œuvrer dans le jardin. Accepté était, bien sûr, un bien grand mot. La vérité c'était que le duc avait tout simplement disparu. De ce que Roman avait pu lui dire, il était parti précipitamment de l'observatoire pour régler quelques affaires à la capitale. Elle s'en étant, non sans culpabilité, réjouit et ce jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'il avait tout de même laissé quelques consignes à son égard. Elles étaient au nombre de trois :

Miss Hargreaves ne devra pas se rendre seule dans les jardins.

Une dame de compagnie devra allouée ses services à Miss Hargreaves.

Le laboratoire est laissé à l'entière disposition de Miss Hargreaves.

Elle avait bien évidement tiqué sur le fait de ne pas pouvoir se rendre seule dans le parc, mais l'intendant lui avait assuré qu'il était préférable pour elle dans un premier temps de garder en tête cette consigne. Il en allait, d'après lui, de sa sécurité. Puis elle avait refusé catégoriquement l'idée de se voir chaperonné ou même d'être constamment accompagnée par qui que ce soit quand bien même cela fut pour tromper l'ennui. Roman Lancaster lui concéda ce point en lui rappelant, tout de même, que le duc n'en serait pas très heureux. Quant au fait qu'elle se voit allouer l'usage d'un laboratoire, elle avait tout d'abord pensé avoir mal entendu, et avant réalisé que ce n'était pas le cas alors que l'intendant lui avait remis une lourde clé de cuivre.

« D'après les instructions de ce cher Anton, vous pouvez disposer des lieux comme bon vous semble tant que vous ne faites pas brûler la demeure. »

Et c'est ce qu'elle fit durant une semaine entière. Le laboratoire était une immense pièce particulièrement poussiéreuse au regard du fait qu'elle n'avait pas été ouverte depuis près d'une décennie, où étaient disposés un alambic, un chaudron, une myriade de petites fioles contenant des éléments déshydratés, et du matériel vieillissant mais toujours efficaces. Des étagères couvertes de livres sans âge couvrait deux pans de murs dans leur intégralité, de véritables trésors pour certains d'entre eux, bon à jeter pour la plupart. Elle remit de l'ordre, et aider par quelques petites mains secourables, elle put prendre possession des lieux quelques heures à peine après en avoir reçu la clé. Elle feuilleta longuement les livres, se lança dans quelques décoctions avec ce qu'elle trouvait sur place, mais rien ne lui permettait de se lancer dans de véritables potions.

Elle trouva néanmoins tout ce qui semblait lui manquer au sein du parc. Certes elle ne pouvait s'y rendre seul, mais les jardiniers y étaient occupés une grande partie de la journée tant la charge de travail semblaient être gigantesque. Ils lui ramenaient toute sorte de plantes, de fleurs tandis qu'elle observait le bourgeon de Sylphe qui s'épanouissaient au cœur des jardins. De ce qu'elle savait, les bourgeons de Sylphe n'étaient rien d'autre que des plantes qui avaient reçu une trop grande dose d'éther et qui se retrouvait animée pour quelques jours. Une vie éphémère et intense, bien loin de ce qu'elle vivait actuellement.

A dire vrai, elle commençait à trouver le temps long. Elle pouvait discuter avec les jardiniers, mais elle ne pouvait les obliger à lui faire la conversation durant des heures pas plus qu'elle ne pouvait les empêcher de travailler. Il en était de même avec Roman. Néanmoins, il restait hors de question d'avoir recours à une quelconque aide en la personne d'une dame de compagnie, elle n'était pas encore désespérée à ce point-là. D'une certaine façon, elle se languissait de la présence de son fiancé. Non pas qu'ils aient eu des conversations assez longues ou assez plaisantes pour qu'elles lui manquent, c'était juste l'idée de pourquoi converser avec lui qui lui manquait.

Calliope trouvait ça d'autant plus injuste qu'il restait à peine un peu plus de deux semaines avant la date de leur mariage et qu'ils n'avaient pas même survolés le sujet. Certes il pouvait être déçu de ne pas épouser Anabella, mais il n'avait rien fait pour repousser la date d'un mariage déjà callé, et encore moins fait pour rompre cette union si ce n'était de se montrer désagréable. Il était juste parti du jour au lendemain sans même un aurevoir, sans aucun signe avant-coureur. Avait-il fui sa présence ? S'était-elle montrée si ignoble dans sa façon de nier ses ordres ou dans sa façon de l'invectiver qu'il avait préféré quitter sa demeure ? L'homme qu'il était, plus encore sa réputation, tendait à lui faire penser qu'il était bien plus résistant que ça, et qu'il ne pouvait s'être montré blessé par les propos outrageux qu'il lui avait jeté à la figure.

En somme, elle trouvait dommage qu'il soit parti sans rien dire, cela ne présageait rien de très encourageant pour leur vie future. Non pas qu'elle espérait qu'il l'apprécie pour ce qu'elle était au regard de ce qu'il attendait, mais une entente cordiale et respectueuse aurait été des plus appréciable. A l'évidence, il se contenterait de lui donner son nom, une place dans l'observatoire, et à peine plus. Cela la rendit triste, elle n'avait jamais imaginé sa vie de cette façon, et parce que la blessure était encore à vif, elle pouvait sentir les larmes lui monter aux yeux en pensant à ses rêves de petites filles que sa sœur et Louis avaient foulé du pied sans vergogne.

Là, assise face à un établi couvert de tubes à essai et de bécher de toutes tailles, elle s'était mise à pleurer. Enfin. Enfin, elle laissait couler les larmes du ressentiment, de la colère, et de la douleur qu'elle avait retenue si longtemps comme pour se persuader que tout cela passerait sur elle sans l'ébranler. Elle s'était présumée plus forte que cela, mais nul n'était infaillible, pas même elle.

Le grincement de la porte derrière elle la surpris et avec précipitation elle essuyait ses larmes du bout de ses manches. Un sourire feint sur les lèvres, elle se retournait tout en sachant que l'illusion n'y était pas. Roman se trouvait là, et s'il la regardait avec une once de pitié, il balayait bien vite cette expression revenir à son habituel flegme. Il portait à bout de bras un plateau d'argent sur lequel reposait une théière fumante, une tasse et une montagne de biscuits. Le cuisinier n'avait pas manqué l'appétit de Calliope et son adoration pour les pâtisseries. Roman déposait le tout avec minutie près d'elle.

"Une lettre de monsieur est arrivé, il suggère que vous le rejoignez à la capitale."

Avait-il dit en versant le thé dans sa tasse sans lever une seule fois les yeux vers elle. Elle devait être fort pitoyable pour qu'il n'ose même pas la regarder en parlant. Elle reniflait, et essuyait une nouvelle fois les larmes qui n'avaient pas cessé de couler malgré tous ses efforts, et acceptait la tasse de thé qu'on lui tendait. Après avoir bu une gorgée revigorante, elle arriva enfin à articuler quelque chose d'intelligible.

"Pour quoi faire ?"

Relevant la tête, elle pu voir toute la malice du monde dans le regard de l'intendant. Il y avait à l'évidence quelque chose dont elle ne cernait pas encore les contours dans cette histoire, mais encore trop émue, les mots autant que ses interrogations refusèrent de remonter le long de sa gorge. En guise de réponse, il lui adressait un sourire espiègle avant de reprendre son plateau et de reprendre le chemin de la sorti du laboratoire. Là, dans l'encadrement de la porte, il reprit la parole en jetant un regard par-dessus son épaule.

"Ce n'était pas spécifié, tout ce que je sais, c'est qu'une voiture arrivera dans quelques heures pour vous y mener."

Sur ce, il refermait la porte sur lui, et la laissait seule avec le poids de ses larmes. Puis, alors qu'elle mangeait un biscuit elle prit enfin toute la mesure des propos de Roman. L'information avait lentement fait son chemin et Calliope enfin sortie de sa torpeur commença à paniquer. Une panique toute relative, mais un brin de stress tout de même. Elle n'était clairement pas prête, elle venait à peine de défaire ses valises et voila qu'elle devait les refaire. Si elle avait su. 

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Bonjour,

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Cruelle VoluptéWhere stories live. Discover now