7. Moment d'egarement

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Calliope fulminait en arpentant de long et large le salon d'un immense appartement où on lui avait demandé d'attendre gentiment d'attendre que le duc arrive. La raison ? Elle n'était tout simplement pas attendu. Elle était furieuse de se voir ainsi refuser l'accueil parce que son fiancé n'avait pas jugé bon d'avertir son personnel de son arrivé. Cet homme n'avait visiblement toujours aucune considération pour elle, et même sa patience, pourtant d'ordinaire assez large, commençait vraiment à tendre vers sa limite.

Une boule s'était formée au fond de son ventre, et à chaque fois qu'elle repensait à tout ce qui s'était passé ses dernières semaines, que cela soit arrivée, ses difficultés de communication avec le Duc, jusqu'à l'absence de celui-ci, elle la sentait grossir un peu plus. C'était de l'amertume, pire encore de la déception mêlée à de la tristesse. Non pas qu'elle attendait qu'il accepte la situation avec facilité, mais elle ne s'était pas attendue à ce qu'on la rejette de cette façon. Impoliment, inélégamment, et cela ne faisait qu'accentuer ce sentiment qu'elle avait de ne pas valoir grand-chose en comparaison de sa sœur.

Anabella avait toujours eu tout ce qu'elle souhaitait, et même si Calliope trouvait cela profondément injuste, si elle lui avait toujours envié la relation qu'elle entretenait avec leur mère, elle s'était fait une raison. Elle avait d'autant mieux accepté la situation qu'elle avait trouvé en Louis une échappatoire, elle avait cru en leurs promesses, en leurs vœux, et cela même si elle n'avait pas ressenti d'amour pour lui. Rien de plus qu'une amitié qu'elle avait pensé au-dessus de tout. Finalement, même ça Anabella avait réussit à lui prendre, et elle était certaine que son fiancé n'accepterait jamais vraiment sa présence à ses côtés. Elle n'était pas celle qu'il attendait.

Des bruits de pas se firent l'échos des siens, et bientôt la grande stature du duc lui fit face. Il n'avait plus grand-chose à voir avec l'homme qu'elle avait vu durant quelques jours à l'observatoire. Rasé de près, les cheveux tirés en arrière, et richement vêtu, il ressemblait vraiment à l'idée que l'on pouvait se faire d'un aristocrate. Elle en eu le soufflé coupé, si bien que toutes les phrases qu'elle s'était répétées dans sa tête pour mieux les lui jeter à la face s'étaient tout bonnement envolées. Un instant de silence s'était installé tandis qu'ils se faisaient face, se détaillant mutuellement, se redécouvrant presque.

« Que faites-vous ici ?! »

Il avait été le premier à mettre fin à cet instant de calme qui précédait souvent les tempêtes. La froideur de sa voix, de son ton, ne laissait rien d'équivoque quant à la façon dont il jugeait sa présence. Un instant charmée par l'image qu'il lui renvoyait, elle lui aurait pourtant volontiers pardonné son erreur s'il avait dénié s'excuser, au lieu de cela il se montrait une nouvelle fois hautain, engoncée dans cette mauvaise humeur qui la mettait hors d'elle.

« Comment ça ? Vous m'avez fait demander ! Avez-vous des trous de mémoire ou un quelconque déficit mental ? »

Les mots naguères oubliés lui étaient désormais revenus, et la langue déliée, elle ne comptait pas se laisser écraser par le duc. Il était peut-être maître en son château, mais au regard de leur avenir il devrait partager son pouvoir avec elle dans des délais désormais plus que restreints. Ainsi elle ne reculait pas, au contraire, elle encrait bien ses pieds sur le sol et plaçait ses mains contre ses hanches dans une posture de défis. Quant à lui, il s'était contenté de rester fidèle à lui-même, la mine renfrognée, les bras croisés sur son large torse, le duc avait beau être plus élégant dans sa façon de se vêtir, il n'en restait pas moins le parfait rustre qu'il avait toujours été avec elle.

« Je ne vous ai absolument pas demandé de venir, et je vous saurais gré de repartir d'où vous venez ! »

Il avait dardé sur elle un regard sévère implacable. Il avait fui pour ne pas avoir à se confronter à elle, il l'avait fui pour ne pas avoir à retenir ce besoin sorti de nulle part de la posséder tout entière, pour ne pas se sentir perdre pied dans des situations qu'il n'arriverait pas à maîtriser. Anton Roslov ne perdait jamais pied, il s'était toujours targué d'être un homme fait de maîtrise et cette maîtrise de lui-même il entendait la garder quitte à la chasser. Pourtant, et quoi qu'il en pense, il était indéniablement ébranlé dans ses positions.

« Hors de question ! Je ne remonterais pas dans cette voiture ! »

Avait-elle ajouté en faisant un pas vers lui. Si lui était déterminé à la faire partir, elle semblait l'être tout autant à rester.

« Et vous ne resterez pas ici ! »

La confrontation et l'intimidation n'étaient à l'évidence pas de ces choses qui fonctionnaient sur Calliope Hargreaves. Elle était bien plus têtue qu'il ne l'aurait jamais pensé, et leurs précédentes conversations lui avait donné la mesure de son tempérament. S'il n'avouerait certainement jamais qu'il appréciait qu'elle lui tienne tête, il n'était certainement pas temps de lui laisser voix au chapitre. Dès lors, il la dépassait pour mieux héler un de ses employés afin qu'on lui fasse appeler une voiture, mais elle le retint en agrippant ses doigts aux tissus de son gilet. Il se figeait.

« C'est à ça que va ressembler notre mariage ? Vous à la capitale, moi confinée dans l'Est ? Je vous suis à ce point désagréable que même ma vue vous répulse ? Si c'est le cas annulez donc tout simplement ce mariage, vous serez libre."

Elle avait perdu toute la verve de son langage, s'était défait de cette position de défit qu'elle arborait jusqu'alors. Son assurance perdue, elle était bien plus désarmante que jamais au regard de son fiancé, et cela eu le don de briser toutes les barrières qu'il avait jusqu'alors érigé. Il lutta encore quelques instants, essayant de se convaincre qu'il n'était pas ce genre d'homme, qu'il n'était pas de ceux qui se laissaient submerger par leurs envies et leurs besoins.

"Et merde !"

Calliope l'avait entendu rager un instant avant de le voir faire volte-face, elle avait fermé les yeux et s'était un peu recroquevillé sur elle-même de peur de se voir asséner un coup. Miss Hargreaves n'avait véritablement aucun instinct de survie. Mais au lieu d'une quelconque douleur ressentie c'était une tout autre sensation qui avait pris place.

Douce chaleur qui se rependait dans ses chairs, mordante brûlure qui enflammait ses lèvres. Envoutée à mort, elle sentit ses jambes flageller sous son poids. Déséquilibrée il la rattrapait d'un bras secourable sans pour autant lâcher ses lèvres. Plaquée contre lui, Calliope pouvait sentir chaque battement de son cœur qui tambourinait au creux de sa poitrine.

La logique aurait voulu qu'elle s'arrache à cet homme, elle aurait voulu qu'elle s'éloigne de lui. Seulement la logique n'avait pas place en cet instant. La jeune femme se laissait prendre à ce jeu aux règles incompréhensibles, cessant de griffer les velours de son veston pour enfouir ses doigts dans ses cheveux. Elle pressait davantage son corps contre le sien, embrassant de ses courbes tous les angles de sa silhouette. Si Calliope n'avait pas l'instant de survie, elle avait à contrario l'instinct d'aimer, se laissant aller aux envies d'un corps plus que d'une tête vidée des affres de la colère ou de l'amertume. La jeune femme goutait au plaisir des sens enflammés, envoutée par le parfum qu'il laissait sur elle, enivrée par le goût de sa langue contre la sienne.

Puis ce fut le vide. Il s'était arraché à elle aussi vite qu'il était venu à elle. Abandonnée, pantelante au milieu d'un grand salon, il n'avait pipé mot et s'était encore une fois enfui. Là, seule, Calliope avait senti les forces lui manquer, et elle s'était laissée tomber sur le sol.

Elle ne comprenait plus rien.  

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Bonsoir!

Deux chapitres en une journée! C'est cadeau!

J'espère que ça vous plaira toujours autant!

N'hésitez pas à me faire remonter tout ce que vous pensez de ce chapitre, ou de l'histoire en général!

Bisous et à bientôt!

Cruelle VoluptéWhere stories live. Discover now