𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 14 - 𝓔𝓿𝓲𝓮

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Il hoche la tête, compréhensif, et m'adresse un léger sourire. Au moins, il ne me regarde jamais avec pitié, et c'est ce que j'aime bien chez lui.

-Pardonnez-moi, je me disais juste que ça doit être compliqué pour vous de danser alors que vous avez des douleurs.

-Je prends des anti-douleurs, et je me concentre sur ma danse. Ça s'est bien passé jusqu'à là, vraiment. Je ne vois pas pourquoi les douleurs prendraient le dessus de ma libération par la danse. Ma santé mentale avant tout, je suppose, c'est ce qui me maintient en vie et m'empêche de faire une grosse bêtise.

-Très bien, alors une ordonnance pour des anti-douleurs à renouveler ?

-Oui, s'il-vous-plaît.

Il tape plusieurs choses sur son ordinateurs et il me tend l'ordonnance une fois qu'elle est sortie de son imprimante. Je le remercie et nous relevons tous les deux de nos sièges. Il me raccompagne jusqu'à la porte et me regarde une dernière fois avant de l'ouvrir.

-Ne perdez pas espoir, me conseille-t-il.

-Jamais, confirmé-je.

Il me salue et je lui serre la main en sortant de son bureau. Je fourre l'ordonnance dans mon sac à main et avance dans les couloirs pour me rendre au service rééducation.

J'aime beaucoup donner de mon temps dans la semaine pour aller faire des petites rencontres avec les gens en rééducation. C'est un peu comme du bénévolat. Je parle de mon expérience pour leur faire comprendre de ne jamais abandonner, parce qu'en persévérant, on arrive à tout. J'ai toujours persévéré tout au long de ma vie, et même si elle a subit quelques changements par rapport à mes rêves, je suis fière de moi. Je sais à quel point je suis forte, même si je suis faible tout au fond de moi, mais ce n'est pas ce qui prime.

Je salue les rééducateurs du jour, Violetta étant présente parmi eux. C'est celle qui m'a beaucoup accompagné tout au long de ma propre rééducation, je lui en suis vraiment reconnaissante. Elle me désigne Adriana, un petite de neuf ans, assise au sol avec un air boudeur, presque désespéré. Adriana a eu un cancer et a dû subir une amputation de la jambe, la même que la mienne.

-Elle a beaucoup de mal à se motiver aujourd'hui, je ne sais plus quoi faire, me confie Violetta.

-Tu permets ? Demandé-je en la montrant, pour lui parler seule à seule.

-Bien sûr, tentons le tout pour le tout.

Elle s'éloigne et je me pose au sol pour être face à la petite blonde au teint hâlé.

-Adriana, qu'est-ce qui ne va pas aujourd'hui querida ? (=Chérie)

Elle me regarde à peine, et je prends ses petites mains dans les miennes. Je doute que vivre un cancer, une amputation et la rééducation pour une enfant de neuf ans soit très facile, elle a beaucoup de courage. J'avais déjà entendu parler d'elle dans les couloirs de l'hôpital bien avant qu'elle ne soit en rééducation, c'est un petit modèle de force dans cet hôpital.

-Tu peux tout me dire, tu sais ? C'est Violetta le problème ?

Elle secoue négativement la tête et je fais d'autres propositions qu'elle nie pour tenter d'avoir une réponse à son tracas. Elle valide seulement lorsque je prononce le mot "école". Elle finit par se lâcher quand j'insiste un peu.

-C'est difficile à l'école avec ma jambe en moins. L'école n'est pas faite pour une fille avec un fauteuil roulant et ils se moquent tous de moi à cause de ça.

-Mais au lieu d'en faire une faiblesse, tu devrais en faire ta plus grande force.

Elle fronce les sourcils en me regardant enfin et je lui adresse un sourire plein de sincérité.

-Tu es la seule petite fille de ton école avec un fauteuil roulant, et alors ? Où est le problème ? Moi, je vois juste une grande fille très forte qui a survécu à un cancer, et qui se bat aujourd'hui pour remarcher. On se moque de toi ? Ces mots, je me doute que tu les entends encore beaucoup dans ta tête, et sers-t'en pour arriver à remarcher. Si tu te donnes à fond, tu pourras remarcher plus vite avec ta prothèse et je te promets de t'aider à en avoir des comme les miennes. Plus tu te donnes à fond, et plus tu vas abandonner ton fauteuil, tu te tiendras sur tes deux jambes et elles seront jalouses en voyant comment tu es forte.

-Tu crois ?

-J'en suis sûre Adriana.

Je me relève et lui tend ma main.

-Fin de la pause, on se dépêche, tu ne vas pas tenir sur tes deux jambes comme par magie, même si je sais que ce serait cool.

Elle lâche un rire et prend ma main. Je tire son corps et l'aide à se relever avant de la guider vers les barres parallèles installées pour qu'on puisse faire des aller-retours en marchant.

Je laisse Violetta revenir pour l'aider, et je vais de l'autre côté des barres pour la motiver à aller jusqu'à moi. Je vois le mal qu'elle se donne, et ça fait bondir mon cœur dans ma poitrine. La vie est une enflure, pour avoir fait vivre ça à une petite fille aussi gentille.

Quelques larmes se mettent à couler sur ses joues, symbole de son entêtement, mais elle continue à avancer le long de ces barres qui paraissent interminables lorsqu'on les traverse dans ces conditions.

-Aller Adriana ! Tu y es presque, encore six petits pas !

-Je vais le faire en quatre pas !

Elle fait des pas plus grands et parvient à arriver jusqu'à moi en quatre pas. Je la félicite en la serrant contre moi et elle pleure de joie ou d'épuisement. Cette petite est incroyable.

-Tu crois que je vais remarcher bientôt ?

-Très bientôt à ce rythme-là, je dirais même, intervient Violetta avec un grand sourire. Je t'avais dit que tu pouvais y arriver, mais là, tu m'as épatée !

The Golden Cage - Tome 1Where stories live. Discover now