REBOOT (fin)

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La nuit tombait lorsque l'amnésique sortit de l'hôtel Plazza. Il avait enfilé ses vêtements, mémorisé les données, et dans sa main se trouvait la mallette.

Les rues étaient calmes et la foule relativement dense, suffisamment pour préserver sa discrétion. Des gens marchaient sans empressement, avec même une certaine lenteur. La plupart regardaient le sol. Après quelques regards aux alentours, l'amnésique s'efforça de les imiter.

Était-il déjà venu à Londres, dans sa vie, avant l'amnésie ? Impossible de le savoir. Cette ville, en tout cas, ne lui apportait aucun indice personnel. Les bâtiments ressemblaient à n'importe quels autres, ils auraient pu être n'importe où. La population était bigarrée et les rares paroles prononcées de ci de là appartenaient à des langues très variées. Les panneaux publicitaires clignotaient en laissant se succéder des slogans dans de nombreux dialectes différents, dont certains étaient probablement locaux.

Cependant, il ne tarda pas à repérer ces espèces de lampions, sur les façades. Ils avaient cette forme vaguement ovoïde, rappelant un œil. L'amnésique se demanda s'il s'agissait d'un dispositif de surveillance, s'il appartenait à ces ennemis télépathes, et aussi de quelle manière il pouvait fonctionner... mais aussitôt il se rappela des conseils de SISCO, et vida son esprit de ces pensées.

Sans ciller, il gagna la bouche de métro la plus proche, et descendit, suivant le flux tranquille de la population. Le Jet souterrain remplissait les sous-sols d'un grondement assourdi, poursuivi par ses vibrations. Imitant les personnes qui le précédaient, l'amnésique sortit un ticket qu'il glissa dans une machine. A nouveau, à cet endroit, il repéra cet œil, qui semblait l'observer. Il fit comme si le système n'existait pas : il attendit patiemment que son ticket ressorte, puis reprit sa place dans la file.

Dans le Jet, les wagons étaient bondés, et pourtant les gens s'efforçaient de ne pas prêter attention à leurs voisins : ils restaient debout, immobiles, compensant l'accélération par des positionnements appropriés. Les haut-parleurs diffusaient en continu les consignes propres au réseau souterrain, annonçant les stations longtemps à l'avance, à nouveau dans plusieurs langues. Au milieu de ce désordre linguistique, l'amnésique finissait par s'y perdre : il semblait familiarisé avec plusieurs d'entre elles.

La station de sa destination s'appelait Lotus Noir. Il descendit avec une vingtaine de passagers et sortit à l'air libre. Alors, comme prévu, il aperçut l'enseigne du restaurant de son rendez-vous.

Lorsqu'il poussa la porte, une étrange impression le submergea. Au contraire du dehors, le restaurant était envahi par une clientèle amicale et chaleureuse. Les convives mangeaient, parlaient, cela de manière assez bruyante. Quelque part, il s'était attendu à un endroit glauque ; c'était tout le contraire.

Est-ce que le bruit de fond empêchait les " yeux " de capter les pensées ? Ou est-ce que ces gens n'avaient rien à cacher ? Mais l'amnésique ne voyait aucun œil ici...

Tout en se concentrant pour ne pas laisser filtrer d'ondes négatives, il tentait d'attraper quelques bribes de conversation de ci de là ; aucune n'avait trait aux télépathes. Il finit par en conclure que les gens craignaient d'en parler ; peut-être existait-il un dispositif de punition et de censure ?

Voyages oniriques : nouvelles de Science-fictionWhere stories live. Discover now