Chris se frotta le visage avant de se lever pour retourner se faire un café alors qu'il n'avait pas bu le premier.

— Regarde, là, reprit Ellie. Tu marches sur la pointe des pieds.

— Parce que le sol est froid, rétorqua Chris. M'analyse pas, s'teuplait. 

[Foutaises, c'est un détail qu'avait déjà relevé Capucine. Ça et le fait que lorsque je ne me concentre pas, je mets mes bras en T-rex. En fait, ce sont les deux premières choses qu'elle a vues chez moi avant même que je ne lui parle.]

Le jeune homme s'arrêta devant sa machine à café. Chercha sa tasse préférée. Se rendit compte qu'elle était toujours sur la table. Il se concentra sur sa démarche alors qu'il retournait vers sa sœur, fier de lui montrer qu'il marchait de manière totalement normale.

[La vérité, c'est que ma démarche ne paraît jamais aussi étrange que dans les moments ou j'essaie de paraître « normal ». Un normal à mettre entre de gros guillemets parce que je n'ai rien d'anormal. Sauf ma démarche. Non, vraiment, marcher en claquant les talons et en gardant des bras raides le long du corps, c'est tout sauf naturel.

Tout sauf normal, quoi.]

— Bon, tu voulais me dire des trucs, non ? 

— Magnifique changement de sujet ! Mais assieds-toi avant. 

— Pourquoi ?

— Conseil d'ami.

— Pourquoi ? répéta le jeune homme, méfiant. 

— Chris... parce que j'ai deux nouvelles à t'annoncer, et il y en a une que j'ai un peu peur de t'avouer. Même si je suis quasiment sûr que ça se passera bien.

— Je n'ai rien compris, marmonna Chris en reprenant place sur sa chaise. Tu pourrais être plus claire ?

— Tu te souviens de Aggy ?

— Ton correspondant allemand, mon premier cupidonnage, ma plus grande fierté, je suis sûr que vous allez passer votre vie ensemble. Tu l'as amené avec toi ?

— Comment tu...

— Tu m'en parlerais pas s'il était pas là. En plus, tu n'as pas de voiture, et lui si, et il n'y a pas de train qui arrive à cette heure-là. C'est ça, la bonne nouvelle ? Vous êtes encore ensemble et...

Le regard de Chris tomba sur la main de sa jumelle. Une main ornée d'un anneau.

— Oh ! Il t'a demandé en mariage ! comprit le jeune homme. Ça t'a fait plaisir ?

— Évidemment ! Et j'ai dit oui, puisque tu ne le demandes pas.

— Ha pardon. Félicitations ! Mais si tu me demandes de t'aider à choisir la robe, c'est non.

— Aucun risque, je ne veux pas de robe.

Ellie leva les yeux vers son frère, l'air inquiet. Bien que surpris et un brin curieux, Chris n'en fit pas grand cas.

— OK. Tu es un peu bizarre, d'un coup.

— Je sais, je... je ne sais pas si je suis prêt, finalement. J'ai envie de t'en parler, mais je ne sais même pas comment aborder le sujet, alors...

Chris plissa les yeux. Visiblement, sa sœur était mal à l'aise.

— Tu sais que tu peux tout me dire ? Je suis pas doué pour donner des conseils, pour papoter ou pour les grands discours, mais je suis très fort pour écouter sans juger. Enfin, sauf si t'as fait un truc illégal.

— Rien d'illégal, je te rassure ! En fait, je... je pense à changer de prénom.

— Ha oui ?

— Enfin, plutôt à changer l'orthographe de mon prénom. Mettre E-L-Y au lieu de E-L-L-I-E. Tu en penses quoi ?

Perplexe, Chris avala une gorgée de café avant de décréter que c'était très joli et qu'il ne voyait pas vraiment le souci.

— Je savais que ce serait à la fois le plus simple et le plus compliqué avec toi, s'esclaffa Ely, tendu. J'aime mieux Ely parce que c'est plus... masculin.

— Je vois... 

Un bref silence s'installa entre eux, qu'Ely brisa pour dissiper sa gêne :

— Sinon, je pensais faire un tour au marché de Noël de Colmar, demain, pour commencer mes cadeaux. Je me disais que je pouvais t'y emmener.

Chris frémit et braqua sur Ely des yeux horrifés.

— Mais ça va pas ? Y a plein de monde ! 

— Non, on irait assez tôt le matin. Je ne te proposerai pas ça, sinon !

— Je peux pas ! Imagine... si Cam vient et que je suis pas là ?

— On peut l'emmener.

— Hein ? Non, et...et Lise alors ? Faut qu'on passe la journée en famille !

— On a qu'à emmener aussi Lise ! Et cette fille dont elle m'a parlé hier soir. Lizzie, c'est ça ?

— Pas possible ! La voiture a que cinq places, bafouilla Chris en tentant de boire à sa tasse déjà vide.

— Aggy restera ici : je dois acheter son cadeau, et hors de question qu'il le voit.

— Je sais pas, je... bourbe, Chiendent, tu fous quoi !!

Chris se leva subitement, aussitôt imité par Ely dont le visage se crispa entre le rire et l'affliction.

— Chiendent ! Tu abuses ! gronda Ely avant de se tourner vers son frère. Je vais tout remettre à laver, Chris, je te promets ! Tiens, je vais le faire tout de suite. Et puis je vais aller voir si Aggy survit avec la famille et... ça te laisse le temps de réfléchir à ma proposition, OK ?

— N'en parle pas à Lise avant que...

— Évidemment que je vais en parler à Lise, s'esclaffa Ely en allant récupérer chat et linge imbibé d'urine. Tu me rejoins au salon d'ici un quart d'heure ?

Chris demeura pensif un moment. Puis, alors qu'Ely allait franchir la porte, il s'éclaircit la gorge.

— OK... Ely avec un Y.

Un sourire resplendissant orna le visage de celui qu'il qualifierait désormais de jumeau et non plus de jumelle.

— Oh, et tant que j'y pense... mon armoire est ton armoire. Tu peux me piquer toutes les fringues que tu veux... OK ?

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now