La mâchoire de Chris se contracta si fort que ses oreilles bourdonnèrent. 

<Oh, tu veux savoir pourquoi, Li5ette ? Eh bien... même si physiquement, ce sera dur de le surpasser parce qu'une fois ses horribles fringues virés, il a un corps incroyable, une jolie gueule et des yeux à tomber... pour le reste, c'était un couillon.>

— Il ne parle quand même pas de moi, souffla Chris dont les yeux le brûlaient soudain.

Tout son corps restait immobile, comme anesthésié.

<Mais non, j'suis pas méchant, j'suis réaliste ! C'était un mec rencontré en ligne, qui n'avait aucune conversation et qui préférait me montrer sa bite que sa tronche. Faut vraiment pas être net ! Bon, il avait une très belle queue, j'aurais adoré le sucer. Ouais, ouais, pardon, y a des mineurs, oubliez ce que je viens de dire ! Donc... en résumé, je suis libre comme l'air ! Envoyez-moi vos meilleurs MP pour discuter... et plus si affinités !>

Les derniers mots de Côle se répercutèrent dans le crâne de Chris et lui donnèrent enfin l'ordre d'éteindre son téléphone. 

[Ou plus exactement de quitter le site de streaming. Je n'ai rien éteint du tout, j'ai fixé mon fond d'écran avec un air vide avant de lancer machinalement mon puzzlegame dans l'espoir d'achever mon cerveau avant qu'il ne recommence à réfléchir.

Bien évidemment... ce fut un échec.

Parce que ces quelques mots "et plus si affinités", résonnaient dans ma tête. Tantôt avec la voix de Côle, et mon cœur se crevait de découvrir qu'il voulait me remplacer de cette manière. Tantôt avec la voix de Cam, et mon corps frissonnait pendant que mon cerveau tentait de déterminer si mon adorable voisin plaisantait ou non. 

J'étais dans un état désastreux. Je commençais à renifler, quelques larmes me brouillaient la vue. Je savais comment ça risquait de finir si je ne me bougeais pas. 

Combien de fois me suis-je remis en question, adolescent, alors que j'allais mal ? Combien de fois je me suis senti si nul que je me demandais ce que je faisais sur terre ? Combien de fois me suis-je installé sous mon étagère la plus chargée de livres en souhaitant qu'elle tombe et qu'elle m'écrase ? Combien de fois me suis-je senti trop lâche pour réellement en finir avec toutes ces souffrances ?

Trop de fois. Trop de nuits.

Le mal-être est un poison qui se répand à une vitesse effarante si on lui ouvre la porte. Il consume tout sur son passage. Ne laisse que de l'amertume et du sel.

Ce qui m'a sauvé de cet état, ce soir-là, ce fut Cam. Même s'il n'avait pas répondu à mon SMS, je me suis accroché à l'idée qu'il allait venir et qu'il ne devait vraiment, vraiment pas me trouver roulé en boule sous ma table de cuisine ou couché devant ma bibliothèque, le visage recouvert de morve.

Je ne suis pas quelqu'un de glamour (bien que le portrait qu'avait dressé Côle de moi dans la soirée ait été un peu sévère ; mes hoodies sont superbes, et tous dans un état remarquable ! Sauf celui en pilou que je mets pour dormir... et que Cam a vraiment adoré me retirer il y a quelques heures. Mais je m'égare.)

Je ne suis pas quelqu'un de glamour, donc, et si devant mes amis, je me fiche éperdument de mon apparence, devant mes crushs ou mes petits amis, je fais quelques efforts, que ce soit dans mes tenus ou ma manière d'être.

Jusqu'à ce jour, Cam avait clairement fait partie de la première catégorie. Mais ce soir-là, l'idée même de paraître répugnant devant lui m'insupportait.

Alors je suis allé me rincer le visage, passer un pull propre et remettre de l'ordre dans mes cheveux.

Et c'est seulement en croisant mon regard dans le miroir que j'ai pris conscience de la portée de la question de Lizzie.]

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now