d a n s s a t ê t e /7/

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TW: violence

Aguir avait déjà sorti la belle argenterie lorsque Bee, emmitouflée dans son peignoir, pointa le bout de son nez rougi. Elle éternua et frissonna de la tête aux pieds. Son fils faisait bien une tête de plus et elle trouvait du réconfort à nicher sa tête contre son épaule. Il préparait à manger, l'air plus jovial que d'habitude.

—Tu as une nouvelle à m'annoncer ? dit-elle le nez bouché. Je vois que tu sors le grand jeu.

T.R. passa ses doigts sur les lèvres de sa Bee pour la faire taire. Il lança une chanson de Noël entrainante et tira Bee dans ses bras pour la faire valser.

—C'est le plus beau jour de ma vie et j'ai une grande nouvelle à t'annoncer, Bee !

Bien qu'entièrement courbaturée, Elizabeth fut si agréablement surprise qu'elle se laissa entrainer par la bonne humeur de son fils. Ils dansèrent à s'en faire mal aux talons, chantèrent si fort qu'ils s'en déchiraient les cordes vocales et recouvraient le son de la machine à laver au loin.

Essoufflée, Elizabeth dut s'asseoir pour retrouver son souffle. Elle se moucha à s'en arracher le nez.

—Ma tête pèse une tonne, Aguir.

—Ne t'en fais pas, dans quelques instants tu vas planer.

Elle espéra une énième fois qu'il lui parle d'une fille qu'il aurait rencontrée. Aguir avait tout pour lui, à part une romance. Elizabeth, en grande romantique, ne comprenait pas qu'on puisse vivre sans être amoureux. Elle avait mis du temps à réouvrir son coeur après Ethel et l'amour qu'elle retrouvait chez Tahir était d'une douceur qui adoucissait toutes les peines de sa vie.

—Tahir, lâcha T.R.

Elle haussa les sourcils, se demandant s'il avait lu dans ses pensées. Par la même occasion, il posa les plats à table. Comment connaissait-il ce nom ? Aguir s'installa à l'opposé de Bee et commença à déguster son plat.

—Je suppose que c'était un gentil gars, continua-t-il en sirotant son jus.

Était ? Aguir coupait sa viande en sifflotant l'air de sa comptine préférée.

—Tu ne manges pas, ma Bee ?

Confuse, elle se toucha le front. La fièvre la faisait-elle délirer ? Elizabeth était sûre qu'elle n'avait jamais mentionné Tahir devant son fils. Elle but toute son eau et picora dans son assiette en espérant retrouver un brin de clarté d'esprit.

—Qui... De qui parles-tu ? fit-elle en avalant avec difficulté.

—Oh, s'il te plait ! Ne fais pas l'idiote ! Ça ne te va pas. Tu es naïve mais pas idiote.

Les épais sourcils d'Elizabeth se froncèrent. Elle était peut-être dans les vapes mais elle n'aimait pas la condescendance que prenait son fils. Il s'essuya la bouche et croisa les doigts sous son menton.

—Il est déjà là, tu sais.

Bee, aussitôt gênée de son apparence, se leva en catastrophe et étourdie, faillit se prendre le coin de la table dans l'arcade sourcilière.

—Tu l'as invité sans me prévenir ?

Il explosa de rire, figeant Bee dans ses mouvements. Un rire méprisant et sans chaleur. Des sueurs froides lui dévalaient l'échine et ses mains devinrent moites. Le brun fit rasseoir sa mère et posa sa tête sur ses genoux.

Bee voulu se rendre au salon mais Aguir lui saisit le poignet, planta son regard glacial dans le sien. Il ne parla pas et pourtant Elizabeth s'asseya sans discuter. Parfois, il lui faisait peur. Si peur qu'elle ne le reconnaissait plus. C'étaient des moments rares. Et en cette soirée de Noël, il lui faisait peur.

—Qu'est-ce que tu voulais m'annoncer, mon bébé ? tenta-t-elle en caressant sa chevelure brune.

—Il est déjà là.

Aurait-il voulu lui faire la surprise ? Ce n'est pas ce qu'ils avaient prévu ensemble. Aguir s'écarta et pointa la table du doigt. Le regard émeraude d'Elizabeth remonta jusqu'à son assiette.

—Je l'ai trouvé trop caoutchouteux, pas toi ? souffla-t-il aux oreilles de Bee.

Avant d'enterrer Tahir dans le ciment, Aguir avait pris soin de prendre un souvenir qui pourrait lui être utile. Il prenait toujours un souvenir à ces victimes, pour féliciter leur participation.

—Tu sais, je ne savais pas quoi t'offrir pour Noël. Puis... je me suis dit que tu n'étais peut-être pas sûre de ses sentiments envers toi. Je t'ai alors servi son cœur sur un plateau. Qu'en penses-tu ?

—Je pense que ton humour noir ne me fait absolument pas rire. Je t'ai déjà dit que ce n'était pas bien de rire de ce genre de choses. Ça porte malheur.

—Bla bla bla. En attendant, c'est lui le malchanceux. Tahir est dans ton bide. Ça lui ferait plaisir de savoir qu'il était littéralement à ton gout.

InceptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant