Le lit

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TW : mention de troubles alimentaires

Bonne lecture !

Une fois de plus, Aera se couche les larmes aux yeux. La culpabilité l'assaille. Elle repense à tout ce qu'elle a mangé dans sa journée, se repassant mentalement tous les aliments dont elle aurait pu se passer aujourd'hui, chaque bouchée de trop, chaque envie passagère à laquelle elle n'a pas su résister. Elle se sent faible, incapable de changer. Et ce n'est pas faute d'essayer.

Elle se répète toujours que demain sera différent, qu'elle fera attention, qu'elle se restreindra. Mais chaque jour, et au fond elle le sait, c'est la même rengaine. Les régimes bidons, elle les a enchaînés, pendant des mois, des années. Jamais elle n'a réussi à tenir. Quand elle se retient, elle mange deux fois plus ensuite, comme pour se récompenser, c'est un cercle vicieux qui dure depuis déjà si longtemps... Depuis des années en fait. Des années de souffrance.

Le cœur lourd, elle fixe le plafond, la main posée sur ventre, rêvant qu'il soit plus plat. Ses doigts glissent le long de sa peau, contournent ses courbes, s'arrêtant sur le moindre détail qu'elle juge dérangeant. Ils glissent sur ses cuisses, les imaginant plus fines, moins marquées de vergetures, rêvant que la cellulite disparaisse miraculeusement.

Elle se mord la lèvre pour empêcher les larmes de couler, mais c'est finalement le goût âcre du sang qui se repend dans sa bouche.

Et demain elle sourira. Fera semblant de s'assumer pleinement, d'être fière de qui elle est, de sa morphologie, de chacune des imperfections qui la composent et qui au fond, la rendent unique et font sa force.

Elle le sait, c'est la solution. Sourire et assumer.

Aera le répète à tout le monde, elle rassure chaque personne complexée : tous les corps sont beaux. Et elle le pense vraiment, elle en est persuadée, elle le prône, le clame haut et fort. Elle est sincère et veux répensmdre ce message auquel elle croit. Seulement, quand il s'agit de son propre corps... La chanson est bien différente, malheureusement.

Elle essaie de penser à autre chose avant de dormir. Impossible. Ses complexes font partie intégrante de sa vie. Elle y pense à chaque minute qui passe, chaque seconde qui s'écoule, comme le refrain d'une chanson entêtante. Elle ne peut tout simplement pas lutter, et ça la détruit. Il suffit qu'elle croise son reflet, une personne qu'elle juge bien proportionnée, une pizzeria, un regard sur elle... Et sans qu'elle ne le veuille, ses complexes reviennent lui bouffer le cerveau et ronger sa bonne humeur.

Qu'importe ce que les gens disent, qu'importe les mots d'encouragement qu'elle se répète à elle-même au quotidien, elle n'y arrive pas, tout simplement. Elle n'arrive pas à se sentir belle.

Elle enfouie sa tête contre son oreiller, et laisse enfin ses larmes couler contre les draps. Elle sanglote en silence, le cœur retourné et meurtri. Elle se sent mieux pendant une minute, puis le mal être revient. Inlassablement.

Elle se répète en boucle : "Comment quelqu'un pourrait-il m'aimer, alors que je ne m'aime pas moi-même ?".

C'est une vraie question.

Cri du cœur ➳ ℭ𝔥𝔞𝔫𝔤𝔟𝔦𝔫Where stories live. Discover now