CHAPITRE 10

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SHADE


La sueur dégouline de mon front, serpente le long de mon visage, puis s'échoue en goutte sur le sol. Je suis trempé, mon torse est luisant sous l'effort. Les bras contractés, je tire une nouvelle fois pour m'élever au-dessus de la barre de traction. Mes muscles me tiraillent, mes abdos me font souffrir alors que je serre les dents pour rester en position quelques minutes, le temps de jeter un œil à l'écran de télévision face à moi.

Je ne ressens rien. Aucune douleur à l'effort alors que j'aimerais bien que sa piqure caractéristique m'aide à oublier les actes de la veille. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, j'ai perdu la notion du temps. J'ai filé dans la salle de musculation à la minute où j'ai posé le pied dans l'appartement et je n'en suis pas ressorti depuis. Je n'ai pas mangé, ni vu Reyna, ni fait quoi que ce soit qui aurait pu me faire perdre le contrôle.

Seul Berlioz occupe mon esprit torturé, comme un rappel constant de mon erreur. Son visage souriant se déploie largement sous mes paupières, un avertissement muet au danger que je représente lorsqu'il n'y a personne pour me canaliser. Les cris perçants, rauques de douleur en provenance de l'Abattoir ce matin me reviennent à l'esprit avec violence. J'intensifie mon exercice.

Dans quel état va-t-il sortir de là ? Ironique, toi qui te fiches de n'importe quelle autre victime de Zyar. Les autres ne sont pas Berlioz.

Mon attention se focalise alors sur l'Holovision murale face à moi, rien qu'une tentative vaine de penser à autre chose. Je fixe la journaliste en train de raconter les détails de la soirée d'hier. Assez jeune, mince et brune, des dents éclatantes trop blanches pour être naturelles. Elle parle d'une voix neutre, essayant probablement de se détacher de la scène de la nuit dernière.

Mais les ruines fumantes de l'Hôtel de Ville de New Angeles apparaissent comme une ombre morbide au-dessus de sa tête.

Alors que le Gala annuel pour le féminisme se déroulait dans l'Hôtel de Ville hier soir même, une bombe E.T a explosé dans le but probable de tuer toutes les Sénatrices présentes sur les lieux. Un massacre qui a heureusement été évité grâce au sang froid de la Sénatrice Zelda Call qui a pris les choses en mains dès l'impulsion électromagnétique et qui a fait évacuer tout le monde dans le calme. On dénombre néanmoins une trentaine de blessés dont cinq dans un cas critique. Pour l'instant, nous ne savons si cet attentat est en lien avec le vol de l'entrepôt militaire de début mars ni s'il s'agit du même groupe de criminels. L'alerte de sécurité maximale a été déclenchée et le Sénat est désormais sous haute protection militaire tandis que l'Assemblée est en train de délibérer sur les mesures drastiques à adopter en ces temps de crise. Alors que leur verdict ne sera rendu public que dans quelques jours, la Sénatrice Call nous a tout de même donné des informations, quelques minutes seulement après l'explosion, sur les possibles moyens mis en œuvre pour arrêter ces terroristes. De ce que nous savons, il s'agirait d'impliquer les garçons des Pensions dans l'équation pour faire sortir de leur cachette les responsables. De quelle manière s'y prendront-elles? Nous ne le savons pas pour l'instant, mais nous pouvons avoir confiance en...

L'écran s'éteint subitement alors que j'effectue un énième mouvement. Mon regard se porte immédiatement sur la silhouette féminine à l'entrée de la pièce, des blessures superficielles lui barrant le visage. Sa peau d'ordinaire si pâle est rougie, striée de coupures par endroit et un hématome bleuté court le long de son menton.

— Je peux savoir ce que tu fais ? m'apostrophe-t-elle d'un ton tranchant.

Je me suspends à la barre avant d'ouvrir les mains pour retomber sur le sol. Sa voix froide me laisse indifférent, la vérité me frappe de plein fouet : elle était présente au Gala hier soir. Reyna Call a survécu à l'explosion. Encore.

Manipulation [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant