CHAPITRE 8

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SHADE


Au fond, on peut tout résumer d'un cri.

Il incarne l'ultime preuve de la déchirure d'une âme, de la fragilité d'une existence. Ce son si terrible rassemble toute l'honnêteté du monde, toute la souffrance qu'on ne parvient plus à occulter, révélant la vérité à tous ceux pouvant l'entendre.

Rien n'est plus authentique, rien n'expose aussi fatalement nos faiblesses.

Et bon sang, un tel cri fait bien partie de la liste des trois raisons qui peuvent me faire sourire comme un taré pendant des heures. Les lèvres retroussées à l'extrême, affamées, contentées, mes dents se dévoilent et flashent ma folie à la face du monde.

Bordel de merde. Ce cri. Ce cri déclenche une onde de triomphe dans tout mon être. Je me sens tout puissant. Continue de crier Reyna Call, donne-moi les munitions pour t'abattre. Les coins de ma bouche tiraillent mes joues, mais je n'arrête pas. Je ne peux pas m'arrêter de sourire comme un pauvre fou.

— Mon pauvre petit chat ! Qu'as-tu encore fait pour que cette charmante jeune fille s'en prenne à toi ? pleurniche Dust, profitant de m'avoir piégé à l'infirmerie pour me servir ses jérémiades.

Je ricane une seconde, impressionné par un tel culot. Charmante, mon cul, espèce de détraqué. C'est l'euphémisme du siècle.

— Elle a tenté de me tuer deux fois en une semaine, on doit pas avoir la même définition du mot « charmante », remarqué-je sans m'attarder sur ma voix déraillée.

Je pourrais m'en plaindre, mais l'immense satisfaction de lui avoir faire perdre les pédales relègue tous les autres petits problèmes au second plan. Mon corps n'est que matériel, son sacrifice sert un but plus important.

Dust arrête ses insupportables allées et venues pour s'immobiliser devant moi. L'hologramme ne ressemble plus à rien, son code crash tous les jours désormais. Son sourire anormalement large reste figé, peu importe son humeur, son torse se couvre de trou de verre sans pixel, comme un pauvre cadavre tué par balles, sans compter ses doigts dont le nombre varie d'un instant à l'autre, passant de cinq, à deux, puis vingt pour ce que ça m'intéresse.

L'heure de la mise à jour a sonné, abruti. Espérons qu'ils lui retireront cet agaçant besoin de nous traiter comme des foutus mômes.

— Ne fais pas l'innocent, Shade Harper. Tu as l'art de provoquer les gens. Ma déesse ! Qu'est-ce que je vais faire de toi ?

Je roule des yeux, le sourire réduit à un rictus carnassier, mais toujours là. Rien, même pas les mimiques de Dust ne pourraient le faire disparaître.

Évidemment, tout est de ma faute. Les Harpies ne fabriqueraient certainement pas des IA capables d'incriminer les femmes, question de bon sens. Mais son petit numéro me lasse, sa voix stridente m'empêche de réfléchir. Les images de la nuit de samedi à dimanche reviennent en boucle dans ma tête et Dust m'arrache à toute réflexion à ce sujet.

Assis sur l'un des lits de l'infirmerie miteuse de la Pension NA21, j'exhorte silencieusement le médiBot rouillé à finir son examen le plus rapidement possible. J'ai une sale gueule, j'ai compris, est-ce que je peux me tirer maintenant?

— Je n'ai rien fait, me justifié-je alors que l'œil droit de l'Intelligence Artificielle commence à clignoter joyeusement.

— Tu dis toujours ça, m'accuse-t-il sévèrement. Mais avec toi, j'ai fini par comprendre que ce n'est pas parce qu'on ne fait rien que l'on n'est pas coupable pour autant, hum ?

Manipulation [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant