𝟐. 𝐅𝐫𝐚𝐠𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬

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Retenir ses larmes est parfois plus douloureux que de pleurer.

Seul le bruit des couverts tranches le silence qui nous tasse dans la salle à manger. Cela fait bien cinq minutes que plus personne ne parle. Mes doigts se resserrent autour de mes couverts, tentant comme je le peux de retenir mes sanglots. De l'extérieur personne ne peut savoir l'état dans lequel mon esprit se trouve, bien que mon père doit le deviner. Il en a de toute façon que faire, malheureusement.

Le moindre bruit me devient insupportable. J'aimerais retirer mes appareils auditifs mais je me ferai probablement réprimander par père. Il ne prête jamais attention à moi, mais quand une occasion se présente, pour me faire une remarque, mon père ne la rate jamais. En plus de viser pile au bon ou mauvais endroit, cela dépend pour qui. Alors je subis, je continue de mâcher ce bout de viande que je mâche depuis bien trois minutes déjà.

Puis dans ce genre de moment, il y a toujours cette chose, la phrase de trop.

« Tu pourrais sourire un peu plus quand même. C'est un grand manque de respect de ta part. »

Je sens mon corps se crisper, mais pas que le mien. Père a mal jugé son coup, ce serait juste pour ça que je mettrais a esquissé un sourire, mais je me retiens. Sauf que, si je l'imaginais, ce serait un sourire nerveux, rempli de douleur et de haine. Absolument pas celui qu'attendrait mon paternel.

Cependant, d'habitude je ne dis rien. Je réponds pas à ce genre de remarque. Mais là, je suis tellement sur les nerfs depuis une semaine que je me dois de rétorquer quelque chose.

« Moi qui pensait que tu allais garder un peu plus longtemps que ça ta merveilleuse image de père, je t'ai surestimé sur ce seul point. »

Mon père sert les mâchoires, le regard de la personne à côté de lui tombe sur cette même scène. Je sais que je l'ai énervé, je ne fais que ça même quand je ne fais rien. Seul mon existence lui donne une colère qui m'est inexplicable. Sauf que justement, face à ma réponse, il ne renvoie aucun pique.

Ou du moins, en quelque sorte, si.

Il pose sa main, autour de la nuque de cette inconnue qui se trouve en face de moi. Puis lui embrasse la joue.

C'est à mon tour de serrer les dents. Cette femme, c'est la nouvelle compagne de mon cher et tendre père. Je l'ai su il y a une semaine, le même soir où Monsieur Lee est mort. C'était ça, ce que mon père avait à me dire. Qu'il a trouvé quelqu'un, une personne nommée Seo Hyuna. Et qu'il allait me la présenter lors d'un dîner. Dîner qui vient d'arriver.

Mais je ne peux pas. Je n'ai à peine posé le regard sur elle. Parce qu'avant, c'était ma maman qui était assise à cette table, à sa place. Je me sens mal et en colère, pour moi et pour elle. J'ai l'impression qu'il l'a remplacé. Ce même homme, qui pleurait corps et âme à son enterrement en disant que jamais plus il en aimerait une autre, se trouve donc être un menteur. Je sais que l'on ne sait pas de quoi est fait l'avenir et mon père à le droit malgré tout d'être heureux, mais la façon dont il le fait, me met en colère et m'irrite au plus haut point.

Après qu'il soit venu me chercher à la fin de mon interrogatoire au commissariat de police, dans la voiture la première chose qu'il m'avait dit, n'était autre que cette nouvelle. Le dîner avec cette femme, sa nouvelle petite amie. Il ne m'avait même pas demandé comment je pourrais me sentir, ni même si je pouvais gérer tout cela. Avoir découvert le corps de son professeur, mort et baignant dans son sang.

Cette image me hantera à vie.

Je me souviens bien de comment mon paternel est entré dans la salle dans laquelle je me trouvais. Dans son lieu de travail. Cette situation, le connaissant, avait dû probablement l'énerver vu qu'il avait déjà terminé sa journée de travail et de poste. Revenir à son travail parce que son fils s'y trouve... Je n'imagine même pas l'expression de son visage lorsqu'il l'a su. Soit il était resté neutre, n'en n'ayant que faire, soit il avait dû être pris dans fureur sans nom pour être dans l'obligation de retourner à son travail pour aller chercher son fils. Voire les deux.

𝐄𝐦𝐩𝐫𝐢𝐬𝐞Where stories live. Discover now