Jour 9 : Le dessin de l'ours

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Lorsque j'étais encore adolescente, je dessinais beaucoup d'ours. Ma mère trouvait ça adorable. Mais elle n'a jamais compris ce qu'ils représentaient dans mon esprit.

J'ai toujours été familière à la violence. Je n'y avais jamais été confrontée directement mais je l'ai beaucoup observé. Je regardais mon chat roux chasser des souris, je regardais des enfants écraser des fourmis, je regardais Monsieur Locus briser un vase chaque fois que je ne lui obéissais pas.

Mais que pouvais-je y faire ? C'était plus fort que moi. Je ne pouvais me résoudre à poser en maillot de bain pour des journaux, et vous même, auriez-vous apprécié de regarder une enfant de quatorze ans en maillot de bain dans un journal ?

J'avais un besoin inéluctable de chanter avec mes mots, et non avec mon visage ou ma voix. Mais Monsieur Locus ne semblait pas vouloir le comprendre. Il avait probablement tout accompli grâce à son charme.

Il était si grand.

Je restais sur la pointe des pieds pour le saluer, si imposant était-il.

Grand et robuste comme un ours.

Ainsi, quand j'ai vu cette femme ivre pleurer à côté de moi, l'âme troublée par le rejet, je me haïssais de ne pas pouvoir lui répondre.
La colère des hommes ne signifiait pas que nous, femmes, n'étions que poussières. Nous sommes des êtres sensibles et vivants, bien plus qu'ils ne le seront jamais. Et je savais de sources sûres que chaque femme s'était déjà trouvée face à la grandeur de l'ours.

De ma voix, j'aurai voulu lui dire que rien n'était de sa faute.

Ma mère aimait beaucoup mes dessins d'ours. Mais peut-être aimait-elle plus l'homme qui se cachait en dessous.

Mais n'ayez crainte, je ne ferai pas le moindre bruit, ainsi, je ne vous dérangerai pas.

Les Voix du silenceWhere stories live. Discover now