-        Oui mais ça ne fait pas gagner le concours d'avocat. Ni revenir les amants interdits...

Marlène baisse les épaules et me regarde avec un air navré. Je sais qu'elle est sincère dans sa compassion. Elle a toujours eu beaucoup d'empathie. C'est une des qualités qui fait d'elle une belle personne.

-        Raimondo sait-il que tu as abandonné ?

-        Non, pourquoi veux-tu qu'il le sache ? A l'heure qu'il est, il ne se soucie même pas de ce qui peut m'arriver.

Elle trempe une madeleine dans du café avant de croquer dedans, la mine peinée. Nous mangeons ainsi quelques instants en silence.

-        La dernière fois que tu l'as vu, il n'a pas essayé de te retenir, pas dit un mot de regret pour ce qui s'est passé en Corse ?

-        Si, il m'a expliqué que cette mise à l'épreuve avec la carte bancaire permettait de me disculper, de me laver de tout soupçon, et qu'il me devait des excuses.

-        Ah, tout de même ! Et vous ne vous êtes pas rabibochés ?

-        Ça fait vingt ans que je souffre Marlène. Je n'étais pas prête à retomber dans ses bras comme si de rien n'était. Et puis, ses excuses n'expliquent pas ses silences. L'attitude ombrageuse de sa mère en Corse. C'est toujours moi qui le relance, toujours moi qui l'appelle. Je suis fatiguée.

-        Tu l'aimes plus qu'il ne t'aime, en quelque sorte ?

-        Oui, il y a de ça. Hier soir il m'a dit qu'il attendrait que je revienne. Mais c'est pas un peu son tour de venir me chercher ?

-        En un sens, si, c'est ce que je te disais hier soir.

-        Et pourtant, je me sens mal quand il n'est pas là.

Elle pose sa main sur mon bras, avec toute son amitié dans le regard.

-        Mais pourquoi d'après toi est-il aussi mutique ? Pourquoi ne se précipite-t-il pas là, ce matin, en bas de ton immeuble avec des croissants pour te reconquérir ?

-        C'est tout le mystère Marlène...

-        Tu connais l'histoire de sa famille ?

-        Non, pas tellement, il ne m'en a jamais rien dit, comme toujours. Je ne sais que ce que j'ai vu en Corse. Une maison splendide, un vrai palais. Des domestiques. Sa mère m'a plutôt bien accueillie, mais après j'ai eu l'impression que son attitude changeait. La seule chose que j'aie pu constater c'est leur aisance financière.

-        Et son père ? Que sais-tu de lui ?

-        Absolument rien. J'ai toujours présumé qu'il avait été avocat, comme lui.

-        Donc il a toujours sa mère mais plus de père ?

-        Je crois que non, il ne m'en a jamais parlé. Du silence, toujours du silence.

-        Tu as déjà tapé son nom dans Google ?

-        Oui, mais il y a longtemps. Pas avant d'avoir quitté la fac en tout cas. Je l'ai rencontré en 2000-2001, mais Google n'est arrivé en France qu'en 2002-2003, et ce n'était pas encore la Rolls de la recherche à l'époque.

-        Et qu'est-ce que ça disait ?

-        Presque rien, hormis des entreprises en Italie, plutôt florissantes.

-        Cette culture du secret, du silence, doit bien avoir une explication quelque part. On va refaire cette recherche qui date d'il y a vingt ans !

Monsieur le ProfesseurWhere stories live. Discover now