BONUS 3

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Eleena Stewart :

— Je vais au bar, lança soudainement Emris alors que nous regagnions nos voitures respectives.

Je regardais Nathan, ne prêtant pas attention à ma sœur. J'aimais l'observer. Il était beau, il était parfait. Tout ce dont je rêvais enfant.

J'aimais la manière dont la chaleur de sa main se propageait dans mon corps entier et sa façon d'acquiescer alors que je lui racontais ce que j'avais appris au musée. J'aimais simplement Nathan.

Il s'arrêta et tourna légèrement sa tête vers ma sœur, qui se tenait devant le bar, prête à nous abandonner. Il ne détachait pas ses yeux de sa silhouette comme si elle venait de dire la chose la plus intéressante du monde. Mes sourcils se froncèrent légèrement.

— Moi aussi, répondit-il sans la quitter des yeux.

Nathan regardait Emris comme s'il venait de comprendre ce que signifiait l'amour.

Il tourna finalement la tête dans ma direction.

— Tu viens, bébé ?

Je secouais la tête, soudainement gênée d'avoir pu penser que quelque chose se passait entre Emris et Nathan.

J'étais stupide.

— Je ne préfère pas, mais tu peux y aller.

Je jouais avec ses doigts afin de me détendre. Nerveuse, je me sentais toujours obligée de toucher à quelque chose. En général, je me servais de mes créoles, mais le contact de Nathan me détendait bien plus que n'importe quel matériel.

Il hocha rapidement la tête comme s'il souhaitait s'enfuir avant que je ne change d'avis. Le doute s'immisça immédiatement dans mon esprit lorsqu'il lâcha ma main.

Et s'il me trompait ?

Je n'avais jamais douté de mes anciens partenaires. Mais Nathan était différent. Je n'arrivais pas à le cerner, il ne s'ouvrait pas et il ne m'avait jamais dit qu'il m'aimait. Même lorsque je le lui disais.

Peut-être qu'il n'était pas prêt, qu'il n'aimait pas exprimer ses sentiments. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'une autre femme était dans l'équation. Ou un autre homme.

Ça me terrifiait parce que je n'étais pas certaine d'avoir autant aimé un homme de toute ma vie. Pas même Sullivan et son xylophone.

Je souris à l'homme que j'aimais avant de m'avancer vers ma sœur. Et je plantai mon regard dans le sien, celui qu'elle tenait de notre mère.

Emris était jolie. Sa beauté n'avait rien à voir avec la mienne, banale. La sienne était tragique. Comme si un fardeau pesait constamment sur elle, mais qu'elle restait toujours debout pour anéantir ceux qui l'approchaient.

Je me souvins avoir été jalouse de ce qu'elle avait, adolescente. Jalouse de remarquer qu'elle était tout ce que je ne serais jamais. Talentueuse et mystérieuse.

Emris était le genre de fille qui inspirait les artistes comme Shakespeare ou Victor Hugo. Pourtant, elle ne semblait pas s'en rendre compte. Ça me rendait folle parfois.

Ça me rendait folle parce que j'étais capable d'imaginer que mon petit ami tombe amoureux d'elle. Alors que dans le cas inverse, ça ne lui serait jamais venu à l'esprit.

Je pris sa main et y déposai mes clés de voiture.

— Je rentre avec papa et maman, ne bois pas trop s'il-te-plaît.

Ce que je lui demandais en réalité était d'être suffisamment sobre pour surveiller mon petit ami en qui je n'avais pas entièrement confiance.

Elle acquiesça, mais je n'étais pas certaine qu'elle eut réellement compris le sens de mes paroles.

— Surveille-le pour moi, précisai-je doucement comme si j'avais honte de le dire à voix haute.

Ce qui était sûrement le cas.

Quel genre de petite amie étais-je si je n'avais pas confiance en l'homme avec qui je désirais faire ma vie ?

Surtout que Nathan ne m'avait jamais donné une raison de douter de lui. De sa fidélité. J'étais seulement obsédée par le fait que je pouvais le perdre, que mon amour ne suffirait pas à un homme aussi torturé que lui.

Et après tout, c'était un artiste. Les artistes étaient toujours à la recherche d'une nouvelle muse.

Et je ne voulais pas que Nathan me remplace. Même si à ses côtés, je n'étais pas aussi sure de moi qu'avec les hommes que j'avais pu fréquenter par le passé.

— Je ne suis pas certaine d'être la personne la plus qualifiée pour ce rôle.

Je me forçai à rire face à son air coupable. Je me fichais de savoir ce qu'elle faisait lorsque je n'étais pas avec elle. Son temps libre lui appartenait.

Elle me lança un petit sourire avant de courir se réfugier dans le petit bar, suivie par Nathan.

Je n'étais pas enchantée de ne pas passer le reste de ma soirée avec Nathan, mais je pourrais entièrement me consacrer à mon roman de Stephen King. Si je parvenais à me le sortir de la tête. Lui et mes nouvelles insécurités qu'il engendrait.

Je finis par monter à l'intérieur du véhicule noir de mes parents, qui ne tarda pas à s'élancer sur les routes de Carpinteria.

Une musique française passait à la radio alors je fermai les yeux, basculai ma tête sur la fenêtre et me concentrai sur le rythme doux et lent qui enveloppait l'habitacle. Malgré mes quelques cours de français, lorsque j'étais enfant, je ne comprenais pas le sens des paroles.

Néanmoins, je me doutais qu'il s'agissait d'une chanson d'amour. Les Français étaient des romantiques, c'était un fait.

Peut-être que j'aurais dû tomber amoureuse d'un Français, et non pas d'un New-yorkais.

La vie serait plus facile avec un français qui nous murmure des je t'aime à quelques mètres de la tour Eiffel.

Ou peut-être que Nathan avait seulement besoin de temps et d'espace avant de dévoiler ses sentiments. Peut-être que nous vivrions une belle romance comme dans les romans d'Emris.

En-tout-cas, je l'espérais. Parce que je ne savais pas comment je réagirais si je le perdais ou si j'apprenais qu'il y avait quelqu'un d'autre.

VenimeuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant