15 : Contrôle Et Fantasme

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CONTRÔLE ET FANTASME

✧ CONTRÔLE ET FANTASME ✧

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Eleena, impatiente, nous avait entraîné, Nathan et moi, dans un musée d'art contemporain, voulant nous montrer cet endroit qu'elle avait découvert. Tous les trois dans une salle remplie de sculpture, je me tenais à l'écart du petit ami de ma sœur, ne prêtant pas attention aux statues qui m'entouraient. Non, j'avais la tête ailleurs. Quelque part où j'étais son petit secret, et où rien d'autre ne comptait.

Si Nathan habitait mon esprit depuis un moment, désormais, il m'obsédait. Je jurais pouvoir sentir sa respiration lorsque nous étions dans la même salle, et d'être capable de sentir son odeur sur ma peau si je me concentrais suffisamment. Et même si je mettais toujours des barrières entre Nathan et moi, je n'étais plus aussi intransigeante qu'au début.

Depuis l'épisode la boîte de nuit, Nathan était indifférent à ma présence. Je m'étais tapée le quarantenaire, puis j'étais rentrée chez moi sans attendre ma sœur et son amant. Depuis, plus rien. Aucun sourire moqueur, aucune remarque déplacée, aucun stratagème pour renforcer l'emprise qu'il détenait sur moi. Rien. Comme si nous n'étions plus rien d'autre que des proches d'Eleena qui ne se connaissaient pas, et qui ne le souhaitaient pas non plus.

Peut-être qu'il avait pris conscience de l'ampleur que prenait notre petit jeu... Je le savais aussi, mais pourquoi était-ce si bon de jouer avec le feu ? Je le désirais tant que cela me bousillait le cerveau. De tous les hommes et de toutes les femmes que je pouvais posséder, le petit ami de ma sœur était le seul à me faire fantasmer.

Je n'arrivais même pas à me l'expliquer à moi-même. J'étais tordue. Néanmoins, la rédemption était à ma portée si je parvenais à ne plus l'approcher.

— Emris, est-ce que je t'ai déjà dit que Nathan va à la même école que toi ? Chantonna Eleena, les yeux remplis de fièreté.

Huh ?

Face à mon expression, elle continua tandis que Nathan afficha une mine aussi étonnée que moi. Il ne savait visiblement pas que nous nous rendions à la même école.

— Il aspire à être sculpteur.

J'observai Nathan, intriguée.

— Ah bon ? Demandai-je en m'approchant de mon beau-frère.

Il acquiesça.

— Et toi ?

Rien à foutre de la rédemption.

— Je veux être peintre.

Je voulais que mon art submerge le monde entier. C'était la réponse la plus évidente que je pouvais donner, mais aussi la plus pathétique. Alors je me contentai de rester brève.

Comme toujours lorsque quelqu'un s'intéressait à mon art.

— Dis-en moi un peu plus sur la sculpture, Nathan.

Je contournai une des statues qui représentait un Dieu grec, oubliant la présence de ma sœur. Je vouai toute mon attention à Nathan, mais je veillai à ne pas croiser son regard, à scruter la sculpture qui se dressait devant moi.

— Je n'ai jamais excellé en sculpture. Étonnant, n'est-ce pas ?

C'était vrai. Peu importait ma bonne volonté, c'était un calvaire. J'utilisais du marbre, de l'argile, du bronze, et même des déchets récoltés dans la poubelle de la cuisine. Pourtant, je n'avais jamais réussi à faire quelque chose de concret. Ce n'était pas mon fort, je devais l'avouer même si ça me rendait malade de ne pas pouvoir créer toute sorte d'art.

— La sculpture est un art délicat, où la précision n'est pas une option.

Il se mit à mes côtés sans m'observer pour autant. Nos regards étaient rivés sur le Dieu grec face à nous.

— Tout art requière de la précision.

Il m'ignora et continua.

— Avant de procéder au travail, nous devons choisir avec attention les matériaux. Chaque pierre est choisie en fonction de caractéristiques; esthétiques et propriétés physiques.

Je continuai à observer la statue devant moi, me demandant quels matériaux avait pu être utilisé. Du marbre. L'artiste avait utilisé du marbre pour représenter Éros, le Dieu grec de l'amour et de la puissance.

— Certains préfèrent procéder sur un brouillon en argile pour commencer, mais d'autres, comme moi, préfèrent s'attaquer directement au bloc. Cela rend l'œuvre plus authentique.

— Et ensuite ?

Je ne le regardai toujours pas. Je pouvais entendre sa respiration à nouveau, je fermai les yeux afin de me laisser bercer par sa voix.

— Tu prends un maillet, pose la pointe en acier contre la partie de la pierre et frappe. C'est la partie la plus délicate, la plus importante. Ton mouvement doit être à la fois contrôlé et rythmé. La moindre erreur, la moindre inattention de ta part peut alors endommager la pierre.

Ce que j'aimais avec la peinture était de lâcher prise, d'avoir la possibilité d'exprimer le feu ardent qui brûlait dans ma poitrine, de laisser mes démons exprimaient leur détresse. Je ne voyais pas comment Nathan pouvait trouver refuge dans un art où le contrôle était essentiel. En quoi était-ce thérapeutique ?

— Ensuite, t'utilises d'autres outils comme un gouge pour ajouter de la texture, mais aussi une râpe ou un rifloir pour améliorer la sculpture et lui donner sa forme finale.

J'essayais d'imaginer Nathan à l'œuvre, seul dans son atelier à confectionner une œuvre d'art, les mains rugueuses.

— Tu finis avec le polissage, pour faire ressortir sa couleur ou ressortir ses détails.

— Qu'est-ce qui te plaît tant dans la sculpture ? Osai-je demander.

Je tournai ma tête pour observer son beau visage. Ses sourcils étaient froncés, il se demandait sûrement s'il pouvait me répondre. Peu importait sa réponse, elle serait personnelle.

— La sculpture me permet de m'immerger dans la nature profonde de mon être tout en gardant le contrôle sur mes émotions.

Eleena avait disparu de l'équation tant il m'émergeait dans sa passion. J'étais subjuguée.

— Pourquoi vouloir garder le contrôle lorsque tu es seul ? Je ne comprends pas... N'est-ce pas le principe de l'art ? Immerger le monde dans ton propre malheur.

Il planta son regard dans le mien.

— Pourquoi vouloir montrer tes faiblesses au monde entier ?

Quoi ?

Faiblesses. Me trouvait-il faible ?

— Je ne suis pas–

— C'est la beauté de l'art, non ? Nous interrompîmes Eleena en passant un bras sous celui de Nathan. Chacun perçoit la chose différemment. Autant les artistes que les amateurs.

Je ne répondis pas. Nathan non plus. Il se contenta de lui sourire.

Je restai devant la statue d'Éros alors que ma sœur et Nathan me laissèrent seule. J'entendais Eleena demander à Nathan des précisions sur ce qu'il venait de m'expliquer plus tôt alors que j'essayais de comprendre son point de vue, en vain.

Abandonnant, je me mis alors à rêvasser en continuant ma visite. Les artistes avaient le monde à leurs pieds. Voilà ce dont j'avais besoin. Je désirais être au bout du monde, et être immortelle.

VenimeuseDonde viven las historias. Descúbrelo ahora