06 : L'appel Du Vide

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L'APPEL DU VIDE

✧ L'APPEL DU VIDE ✧

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Les jours qui suivaient mon entrée dans le jeu de Nathan avaient été reposant. En effet, ce dernier ne semblait pas décider à riposter de sitôt, ne sachant sûrement pas comment. Par conséquent, je n'avais pas à m'inquiéter du fait que ma sœur s'aperçoive de la salope que je faisais ou du connard que faisait son copain. 

Cela faisait déjà une semaine que j'étais arrivée et que je renouais avec ma vie natale. Pourtant, je n'avais pas encore eu l'occasion de me baigner. De ne faire plus qu'un avec l'eau salée. Et l'envie de retrouver les vagues Californiennes était omniprésente. Jusqu'à maintenant, je n'avais pas remarqué à quel point ces dernières m'avaient manqué, elles et le sel qui finissait toujours dans mes cheveux ou mon nez.

Vêtue d'un maillot de bain aussi bleu que mes yeux, l'eau jusqu'au cou, j'enfonçais mes pieds dans le sable tout en observant la grande vague se former devant moi. L'Océan me captivait depuis ma plus tendre enfance, je ne pouvais résister à son appel. À l'appel du vide. L'écume donnait un aspect doux à l'eau, presque angélique. Or, elle était tout sauf douce. Celle-ci était la personnification de la rage. Le spectacle était incroyable, d'une rare beauté. Rien ne pouvait égaler son éclat. Excepté l'art.

Alors que la vague allait s'écraser sur moi, je retins mon souffle avant de la laisser me submerger. Sa force me donnait l'impression d'être au centre d'un tourbillon. J'étais dans l'incapacité de me relever, de la combattre alors je ne le fis pas, trop fatiguée pour lutter. Je le faisais depuis bien trop longtemps. Sans le moindre signe de panique, je la laissais m'emporter au large. 

Comme à chaque fois que je confrontais la mort, que je lui riais au nez, je ne pensais plus à rien. Les voix dans ma tête se taisaient enfin. Mes démons me laissaient en paix. Étais-ce le prix à payer pour le silence ? La mort était-elle la solution ? Pouvait-elle me sauver ? 

À quoi bon vivre si mon cœur baignait dans la solitude ? Si je n'avais que ça à offrir ? Et même si l'idée d'abréger mes souffrances était plaisante, je ne souhaitais pas mourir. Pas réellement.

Tant que j'avais l'art, j'avais une raison de vivre. 

Ou peut-être que je m'accrochais encore au désir stupide auquel j'aspirais quand j'étais enfant, celui de rencontrer cette personne. Celle qui m'aimerait pas seulement pour mes qualités, mais surtout pour mes défauts. Celle qui aimerait mon âme écorchée et les cicatrices qui recouvraient mon coeur.

C'était idiot de penser qu'il me restait des choses à vivre, mais parfois je me surprenais à l'espérer. Comme maintenant. Cependant, l'espoir était pour les faibles. Et je ne l'étais pas.

L'art n'était plus suffisant. Rien ne l'était. Je devais arrêter de me bercer d'illusions.

Je faisais la paix avec moi-même, persuadée de connaître une fin similaire à celle de Guillaume Dulac. 

Le premier souvenir qui me vint en mémoire fut celui où je m'étais rendue compte que j'allais vivre éternellement à travers mon art. Le jour où j'avais compris que j'allais être immortelle. 

Je n'étais qu'une enfant vivant dans l'ombre de sa sœur, incapable de se faire des amis ou de s'exprimer autrement que par l'art. Alors que tous les enfants jouaient ensemble, j'étais seule. Personne ne semblait m'apercevoir, se souvenir de ma présence. De mon existence. Alors je m'étais mise à dessiner, seule, à extérioriser ce que je ressentais. Et je m'étais dit que s'il ne me voyait pas maintenant, ils me verraient un jour à travers mon art. Ce n'était qu'une question de temps. 

Alors que je commençais à manquer d'air, je sentis deux bras sous mes aisselles me remonter à la surface. Toujours les yeux clos, je pris une grande bouffée d'air afin de retrouver une respiration régulière. 

De nouveau calme, je frottai mes yeux rougis qui piquaient légèrement avant de les ouvrir et découvrir le visage de la personne qui m'avait évité le suicide. D'éviter une tragédie. Ma tragédie.

Nathan. 

Il me tenait toujours comme s'il avait peur que je lui échappe pour essayer de retrouver la faucheuse. Cependant, son expression de visage, elle, était confuse. Légèrement ennuyé. Donnant l'impression que j'étais une idiote qui lui faisais perdre son temps. 

Je baissai la tête et remarquai que l'eau m'arrivait désormais aux genoux, la vague m'avait bel et bien ramené vers le large. 

D'où nous étions, nous pouvions à peine discerner la maison, donnant l'impression que nous étions seuls au monde. Seuls le sable et l'eau étaient témoins de notre proximité.

Ma bouche était sèche, mes longs cheveux blonds étaient, quant à eux, mouillés et parsemés de grain de sel. La légère brise qui caressait avec douceur nos corps m'infligeait des frissons. La chaleur étouffante du soleil ne parvenait pas à réchauffer la peau laiteuse de mon frêle corps. 

Les mains de Nathan sous ma peau étaient chaudes, pas comme les miennes, qui elles, à l'effigie de mon corps tout entier, étaient gelées. L'idée de me blottir contre son torse me vint à l'idée, mais disparut aussi vite qu'elle fut apparue.

Je n'osai plonger mon regard dans celui de mon sauveur, par peur d'y lire du jugement ou pire, de la pitié. En effet, la scène à laquelle il avait assisté n'avait rien de flatteuse. J'avais encore essayé de mettre fin à mes jours. Échouant à nouveau. Quelle poisse !

Nathan me dominait par sa hauteur, me donnant encore plus l'impression d'être insignifiante et petite. Vulnérable. Je détestais ce sentiment. Et je le détestais encore plus pour me le faire ressentir à cet instant.

J'attendais qu'il brise la glace qui s'était installée entre nous, qu'il se moque. Mais rien. Il n'ouvrit pas la bouche, il se contentait de me fixer, impassible, ce qui avait le don de me rendre anxieuse. Attendait-il que je parle la première ? Envisageait-il de me tuer lui-même, peut-être ? Comment savoir ? 

Mal à l'aise, je mordais l'intérieur de ma joue, cherchant à me faire mal. Rapidement, le goût familier du sang se fit sentir sur ma langue. 

Finalement, il me lâcha, et je regrettai immédiatement le contact chaud de sa peau contre la mienne. Nathan tourna la tête et partit, jugeant qu'il était temps. Je ne le retins pas, soulagée qu'il ne m'eut pas adressé la parole.

VenimeuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant