Chapitre 2

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Amy


Lorsque j'avais douze ans, par une belle journée de printemps, je rentrais du collège et descendais du bus à l'arrêt non loin de chez moi. J'avais juste un chemin de terre à parcourir sur une centaine de mètres avant d'apercevoir le cottage où nous vivions tous les quatre. Comme à l'accoutumée, je sautillais gaiment sur la route, fredonnant une chanson entendue un peu plus tôt à la radio. La journée passée avait été des plus agréables, comme cela était souvent le cas. Rares furent les fois où je rentrais de l'école en étant triste ou de mauvaise humeur. Mon école primaire n'était pas très grande, par conséquent nous étions peu nombreux par niveau et nous connaissions à peu près tous. Les petits jouaient avec les grands et tout le monde se mélangeait sans distinction. Cela parait utopique, et pourtant c'était ma réalité. Je vivais dans un cocon insouciant où rien ne pouvait m'atteindre, je me sentais invincible.

Et pourtant, ce jour-là, j'étais loin de me douter de ce qui allait m'attendre en poussant la porte de la cuisine en quête de mon goûter.

— Maman ! T'as fait les crêpes ? T'avais promis pour aujourd'hui !

Pas de réponse.

— Maman ?

Intriguée, j'ai jeté mon sac sur une chaise dans un coin et suis allée au salon. C'est là, que je l'ai vu.

Il se tenait près de la télévision, le canapé me cachant la vision du tapis et de la cheminée. Je l'ai reconnu, c'était le nouveau voisin qui avait emménagé quelques semaines auparavant. Papa s'était lié d'amitié avec lui car ils s'étaient découverts une passion commune pour les maquettes en bois. Je supposais qu'il attendait mon père. Jamais je ne pourrais oublier ce visage.

Long et blafard, mal rasé, il avait des lèvres pincées lui donnant un air sévère. Ses commissures semblaient en permanence retroussées en un rictus, comme figé. Et ses yeux, ce regard semblant scanner tout votre être et analyser vos moindre faits et gestes. Il me faisait penser à un méchant dans un des dessins animés que je regardais le matin.

— Bonjour, ai-je poliment dit.

Sans se départir de ce rictus au coin des lèvres, il m'a dévisagé d'un regard qui me hante encore. Un regard mauvais, à glacer les sangs. Comme si tous les malheurs du monde y étaient présents. Un regard noir, et avide. Des traits émaciés, tranchants, comme coupés au couteau. Ce visage là, je ne pourrai jamais l'oublier, c'est une certitude.

C'est lorsqu'il a commencé à s'avancer vers moi d'une démarche feutrée, tel un prédateur, que mon instinct de survie s'est éveillé.

— Qu'est-ce que vous faites ici ? ai-je demandé en reculant d'un pas.

— Ton père m'avait demandé de passer le voir, a-t-il répondu nonchalamment d'une voix presque douce.

— Et il est où ?

Il est resté silencieux, continuant d'avancer et moi de reculer. J'ai buté sur le mur derrière moi, trouvant l'atmosphère de plus en plus étrange.

— Vous avez quoi à la main ?

Je venais de remarquer une trace rouge dessus, proche de son poignet. De la peinture sûrement, étant donné qu'il était venu voir mon père pour les maquettes. Enfin, c'est ce que j'en avais déduit.

— Tu veux bien m'accompagner au garage ? Je pense que ton père doit y être, a finalement dit le voisin.

J'ai acquiescé prudemment, sortant de la maison la première par la porte de derrière et ouvrant la marche. Sentir sa présence dans mon dos ne m'enchantait pas vraiment, j'avais comme un mauvais pressentiment que je ne pouvais expliquer. J'ai traversé le potager en marchant sur les petits rondins de bois positionnés dans l'herbe. Ma mère s'était amusée à faire ça en début d'année pour donner un côté champêtre au jardin. Maintenant que la mousse était bien incrustée dessus, l'effet souhaité était au rendez-vous. Je me suis dirigée vers l'endroit où mon père s'adonnait à sa passion : un garage recyclé en atelier.

Les Étoiles dans nos CoeursWhere stories live. Discover now