Chapitre 39 : Auriane

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A l'angle de Crown Street et Collins Street, dans le quartier de Surry Hill, principal point de la ville pour les commerces de gros, Ethan et moi nous baladons entre les étals du marché. Il se tient chaque samedi et ça faisait un moment que je voulais y venir faire un tour. J'adore me promener entre les petites échoppes, trouver des pièces uniques et originales, sentir le doux fumet de la viande rôti, qui à chaque fois, me donne l'eau à la bouche, me gorger des couleurs vives et chaudes des vêtements exposés, le bruit des gens qui discutent, négocient les prix, se retrouvent par hasard au détour d'un stand.

On adorait venir ici avec Rosie quand on était encore ados. On y passait la matinée et quand on rentrait avec quelques barquettes de nourriture, on les partageait avec ses parents, mon frère John et mon père. Ma mère, elle, trouvait que ce genre de cuisine n'avait pas sa place chez nous...

— Tu veux qu'on emmène de la nourriture pour ce midi ? me demande Ethan en pressant ma main qu'il tient dans la sienne.

Mon regard quitte l'étal d'écharpes face à moi pour se poser sur lui. Je lui souris alors que ses pupilles vertes m'observent calmement, attendant ma réponse, inconscient que sa proposition fait écho à mes pensées. Cet homme paraît avoir un don pour deviner mes désirs et mes besoins. Ca en devient inquiétant. Je hoche alors la tête, refoulant une montée d'angoisse, trop familière depuis ma discussion avec ma meilleure amie dans ma voiture.

— Poulet rôti et pommes de terre rissolées ?

— C'est parfait, je confirme tandis qu'Ethan m'entraîne vers le stand d'où une odeur délicieuse nous parvient, me faisant saliver.

Après avoir fait la file et passé commande, nous attendons dans la brise tiède de la matinée, main dans la main, en discutant de la campagne de lingerie qui avance bien et qui occupe beaucoup Ethan ainsi que de l'achat du domaine qui devrait être finalisé la semaine prochaine, me permettant ainsi d'avancer dans la concrétisation de ce projet tellement important pour moi.

Tout en parlant, je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'œil à nos mains jointes, entrelacés. Si Ethan remarque mes œillades, il n'en laisse rien paraître. Au contraire, il m'attire à lui, au beau milieu de ce marché et sourit doucement quand il sent le raidissement de mon corps.

— Les gens ne font pas attention à nous, ne t'inquiète pas, me rassure-t-il, amusé.

Il est vrai que je ne suis pas fan des démonstrations en public. Avant Ethan, je n'étais même pas fan des démonstrations tout court. En fait, ce qui m'inquiète, ce n'est pas que des inconnus voient à quel point nous sommes intimes, mais plutôt qu'une connaissance de ma famille, un collègue de travail ou carrément un membre de nos familles puissent nous voir. Je ne suis pas prête à officialiser ma relation avec Ethan, je ne suis même pas sûre de le vouloir. Ca rendrait tout ça beaucoup trop... compliqué.

Ethan dépose un baiser, juste sous mon oreille qui me fait frissonner. Je pousse un soupir, sachant que lui aimerait qu'on arrête de se cacher, mais qu'il se cale sur mon rythme. C'est injuste et égoïste mais je ne peux tout simplement pas prendre le risque d'aller plus loin que ce qu'on a. Ni avec lui, ni avec personne d'autre d'ailleurs. L'angoisse d'il y a quelques instants remontent en moi, cette fois-ci plus sournoisement, parce que je sais que notre histoire est vouée à l'échec. Soit parce qu'Ethan se lassera, soit parce que j'arrêterai enfin de me comporter en gamine gâtée qui le veut à ses côtés sans vouloir se projeter dans quoi que ce soit.

Tandis que la vendeuse nous tend finalement notre sac chaud et à la senteur incroyable, nous nous apprêtons à reprendre notre route, cette fois-ci vers l'appartement d'Ethan, qui est le plus proche.

— Auriane ! Ethan !

Cette voix, je la connais sans la reconnaître immédiatement. Instantanément, je dégage ma main de celle d'Ethan et l'enfonce dans la poche de ma veste légère. J'aperçois alors la haute stature de Hugues, et Paige qui se dirigent vers nous. J'ose un regard rapide vers mon compagnon. Ses yeux croisent les miens et ce que j'y lis me fait mal. Ca ne devrait pas mais sa tristesse et sa déception creusent une douleur dans ma poitrine. Pourtant, il affiche un sourire sincère, bien que moins large qu'à son habitude, quand mon frère et ma future belle-sœur arrive à notre hauteur.

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