𝚄𝚗

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Bonne lecture !

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Il fait nuit plus tôt ces derniers jours.

Naruto ne sait pas trop quoi en penser. Ça l'embête un peu car le matin il fait plus froid quand il sort de son lit, et le soir il a à peine le temps de rentrer qu'il fait déjà sombre dans son appartement. Il a rajouté une couverture sur son lit la veille.

La voisine n'a pas toqué à sa porte depuis quarante-trois jours.

— Oh, désolé.

Un adulte lui rentre un peu dedans, au milieu de la rue. Elle est étroite et longue, et à cette heure il y a pas mal de monde : le marché est tout éclairé, et les femmes viennent faire des achats pour le dîner.

L'homme se retourne légèrement tout en laissant échapper son excuse, et son regard change en se posant sur Naruto. Il sait très bien ce qu'il y voit, mais comme d'habitude il ne comprend pas très bien (car personne ne lui explique jamais : le Hokage a essayé, une fois, en lui disant qu'il était un peu spécial, un peu particulier).

Spécial. Particulier. Il n'y a que lui qui a employé ces mots-là : les autres se contentent de termes plus simples. Plus direct.

Monstre.

L'homme se recule aussitôt, et son visage se referme comme s'il voulait ravaler ses excuses. Ce n'est pas possible. Naruto a appris il y a longtemps que les mots prononcés ne peuvent pas être repris, même devant des mines peinées et des expressions douloureuses.

Mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit, car l'homme frotte distraitement sa hanche, là où le bras de Naruto l'a touché, avant de partir d'un pas plus rapide.

Naruto s'est arrêté. Il le regarde disparaître dans la foule. Puis reprend son chemin, la tête baisse.

Il n'arrive pas bien rapidement à l'échoppe qu'il cherchait, mais laisse échapper un soupir soulagé en remarquant que celle-ci est vide. La montre de Naruto s'est cassée quelques jours plus tôt, et il n'y en a pas au magasin où il va faire ses courses (celui où il doit aller faire ses courses, car c'est le seul où tous ses achats sont remboursés).

(Par qui ? Naruto pense le savoir. Ça ne signifie pas qu'il comprend pourquoi. Le Hokage doit avoir autre chose à faire que de s'occuper de lui, comme tout le monde. La voisine aussi.)

Il n'a pas de montre, plus de montre, alors il se base sur les coups que les clochers de Konoha annoncent pour connaître l'heure, ou bien sur le niveau de luminosité. Les jours sont plus courts, et ça le perd un peu.

Il n'a même pas vraiment besoin d'écarter le tissu qui pend du bord de l'échoppe pour y entrer (sa tête frôle à peine les kanjis qui y sont inscrits), mais il lève tout de même le bras. La lumière est un peu plus forte de ce côté-ci. Les lanternes tombent du plafond. Les sièges sont parfaitement alignés. Les pots à baguettes sont à moitié pleins.

Naruto inspire de toutes ses forces, et l'odeur de nourriture réveille son estomac. Il pose distraitement sa main sur son ventre, ne sachant plus s'il a pris la peine de sortir quelque chose du placard pour déjeuner, le matin même. Il a peut-être oublié.

Derrière le comptoir, Ishiraku remue les nouilles qu'il est en train de cuire avec force. Des commandes sont déjà prêtes, et Naruto sait que le livreur ne va pas tarder : des habitants passent parfois dans l'après-midi pour commander pour plus tard. Naruto pourrait le faire aussi, sûrement, mais quand il s'imagine la scène, il ne peut pas voir autre chose qu'un livreur gêné et écœuré devant sa porte, et un repas pris dans le silence.

Nos vies décolorées || NarutoWhere stories live. Discover now