Chapitre 10

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Dans une semaine, il devrait l'amener vers son destin, vers son terrible destin.

Viktor savait qu'il n'avait plus le choix, il devait aller lui en parler, lui parler des raisons de son enlèvement, il devait tout lui dire, tout. Et cette simple et unique pensée le terrifiait, lui faisant ressentir les mêmes sensations qu'il ressentait quant à son père.

Ce fut lentement, difficilement, comme s'il eût voulu repousser l'instant fatidique, que Viktor descendit les marches de l'escalier poussiéreux, rempli de toiles d'araignée.

Comme il arrivait en-bas, devant ce qu'était la porte de la pièce dans laquelle était séquestrée Olivia, il s'arrêta net.

Il ne savait comment elle allait réagir à sa venue. La dernière fois qu'il l'avait vue, elle lui avait hurlé dessus, déversant toute sa peine et sa colère, puis, ils avaient vécu un moment intime, hors du temps, dans un autre monde. En cette simple étreinte, Viktor avait ressenti bien plus qu'il n'avait jamais ressenti, malgré la proportion exceptionnelle du nombre de ses conquêtes et ébats amoureux.

Et Viktor le savait désormais. Il avait compris pourquoi elle, et pas les autres avant elle, la peinait tant, pourquoi il lui importait de la considération. Viktor s'était tout simplement attaché à cette fille au caractère de feu, et à la grande sensiblerie. Mais bien plus qu'il ne le croyait auparavant. C'était un attachement différent. Un fil de soie qui la reliait à lui. A son cœur.

Il finit par ouvrir la porte, sachant qu'il ne pourrait pas rester ici éternellement, qu'il devait agir et affronter la vérité.

Quand elle le vit, Olivia se redressa, un air d'épouvante à peine dissimulé sur son visage encore plus pâle qu'auparavant, mais elle le reconnut, et sa peur disparu. Elle n'avait pas peur de Viktor. Plus maintenant.

Le jeune Russe murmura un faible « salut » qui lui fut rendu, et il s'assit sur le lit d'Olivia.

Elle tressaillit au contact de son corps contre ses jambes. Elle ne saurait dire pourquoi, mais cette sensation lui plaisait.

« Olivia » commença Viktor après avoir pris une grande et intense respiration, manquant de lui fêler une côte.

-Je crois qu'il est temps que je te dise pourquoi je t'ai... enlevée.

Elle redoubla d'intérêt. Elle en mourait d'envie depuis le début, de savoir pour quelle raison on l'avait enlevée, pourtant, maintenant qu'elle était si proche de la vérité, elle avait peur. Voulait-elle vraiment connaître son terrible sort futur ? Viktor l'avait bien mis en garde pourtant, elle ne supporterait sans doute pas la vérité. Mais elle ne se laissa pas démonter.

-Je t'écoute, dit-elle du même ton fier dont elle usait si souvent.

Viktor se racla la gorge, avant de prendre la parole :

« Quand je n'avais encore qu'une dizaine d'années, je vivais ici même, avec ma mère et mon père. Ma mère était l'égérie d'une petite marque de cosmétiques, mais sa notoriété dans ce monde grandissait de jour en jour. Bref. Mon père lui, avait un travail stupide et mal rémunéré, dans une station-service. Mais il a toujours rêvé de richesse. Je crois qu'il espérait que ma mère nous rende riches, tu vois ? »

Olivia hocha la tête, bien que ne voyant pas où il voulait en venir.

-Mais, malgré ma mère, ce n'était pas assez pour mon père. Tu sais, précisa-t-il, je pense, non, je sais, que pour mon père, tout ce qui importait, c'est le fric, le fric et le fric. Après le... après le sexe.

Viktor avait rougi en prononçant ça, honteux de son père.

-Il n'y avait pas de place au sentiments, pas la moindre. Et un jour, dans un bar je crois, il a fait la connaissance d'un type, un de la pire espèce. Il s'appelle Bruce. Bruce... il commençait tout juste un nouveau "job", mais il manquait de personnels. Alors, quand il a proposé à mon père de bosser pour lui, il a immédiatement accepté, surtout en entendant le salaire.

Viktor s'arrêta là, ne sachant pas trop comment rentrer dans le vif du sujet. Et pour son plus grand étonnement, ce fut Olivia, qui d'une simple question, l'aida.

-Et c'était quoi ce boulot ?

-Olivia. C'est vraiment important, je t'en supplie, ne me coupe pas, ne dis rien. Pas avant que j'aie fini.

Olivia, étonnée devant de tels ordres, accepta.

-Hum... Bruce a mis en place une petite affaire de trafique de femmes, entreprit Viktor sans se soucier du glapissement de terreur et de surprise qui s'était échappé de la bouche d'Olivia, qui venait sans doute de comprendre une part de la vérité.

« Bruce a commencé seul à kidnapper des filles, à leur trouver des acheteur. Mais il n'aimait pas faire la sale besogne, et il a commencé à se trouver des gars autant malin et sans cœur que lui. Dont mon père. Et puis... Mon père s'est retrouvé complètement paumé, ne sachant pas comment s'y prendre. Et il a pensé... à ma mère.On lui avait demandé une femme d'une trentaine d'année, maman en avait 36, elle faisait bien plus jeune et ça faisait un moment déjà que mon père s'en serait débarrassé si elle ne lui rapportait pas de quoi vivre. »

Olivia ne disait rien.

-Alors, un jour, mon père a... Il a emmené ma mère dans cette même cave, l'y a séquestrée pendant trois jours, avant qu'il soit temps de la vendre. Je me souviens de maman qui hurlait dans les bras de mon père quand il la sortait de la cave, elle essayait de se débattre, mais elle n'avait déjà plus de force. J'étais dehors, je regardais la scène, mais je ne fis rien. Je pense que j'étais trop jeune, je ne comprenais pas se qui se passait. Bref, mon père a enfermé ma mère dans la voiture. Elle m'a regardé une dernière fois, puis mon père a démarré.

-Oh... Shit !

-Olivia, finit Viktor en pleurant légèrement. Je dois te l'avouer. J'en suis obligé. Alors même si ça me changera rien aux sentiments que tu auras pour moi, crois moi quand je te dirai que... Bref. Olivia. On te réserve le même sort. Je suis désolé. Vraiment. Et...

Il fondit en larmes sous le regard désemparé d'Olivia.

-Viktor. Viktor.

Une voix douce parvint aux oreilles du Russe. Une voix qui s'adressait à lui. Alors, il leva les yeux.

Olivia le regardait avec un visage apeuré et doux, un visage peiné et perdu. Mais pas une once de colère se peignait sur sa face.

-Tu ne dois pas pleurer. Tu es fort Viktor. Regarde, regarde toute la merde que tu as fait. Si tu étais un pleurnichard, ça n'aurait pas marché.

-Justement, gémit-il. J'ai fait ça pas lâcheté ! Pas par envie et encore moins pas courage. C'est de mon père que j'ai peur !

Son cœur battait la chamade, il souffrait le martyre. Une centaine de sentiments remontaient en lui et le frappaient de plein fouet, comme des dizaines de boomerangs.

-Alors, concilia Olivia, tu es un lâche courageux.

Viktor stoppa tout ses mouvements.

-Pour, pourquoi tu ne m'en veux pas ? Pourquoi tu es gentille ?

-Je t'ai suffisamment haï comme ça, murmura Olivia.

-Bordel ! s'exclama Viktor en prenant sa tête entre ses mains. Olivia ! Je suis tellement désolé ! Tellement !

Olivia sentit son cœur se serrer. Elle n'avait jusqu'alors jamais rencontré le Viktor faible.

-Je suis désolée pour ta mère. Désolée pour tout ce que tu as subi. Désolée pour ton père.

Les larmes perlaient au creux de ses grands yeux perses. Mais elle ne devait pas pleurer. C'était à son tour de soutenir et réconforter Viktor.

Viktor tomba alors à genoux au pied du lit de sa protégée qui le regarda, perdue et perplexe.

-Viktor ? Je t'en supplie, calme toi. J'ai besoin que tu m'aides à tenir le coup ces prochains jours.

Et Viktor abdiqua. 

KidnappéeOn viuen les histories. Descobreix ara