Chapitre 42 - La réalité

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— Dommage que tu joues, on aurait pu parier tous les deux, souffla Merick dans un sourire.

Avait-il été à ce point nul autrefois ? Comment Luce avait-elle fait pour lui ouvrir à ce point les yeux ?

— J'ai arrêté les paris.

Et il se rendait compte que c'était aussi bien. Combien parmi les joueurs étaient passés au second niveau : celui des paris de courses par exemple ? La chance tournait toujours. Et le jour où ceux qui remportaient en général se retrouvaient endettés à cause d'une mauvaise évaluation, c'était toute leur vie qui sombrait.

Ange savait de quoi il parlait, Fabrice avait dû le récupérer plus d'une fois dans ce genre de situation...

— Tu veux dire que notre parieur préféré a pris la retraite ? s'étonna Gaston.

Les paires d'yeux qui se posèrent sur lui firent comprendre à Ange qu'il était un cliché pour ce bar : le fana des paris.

— Ça, c'est sûrement à cause d'une bonne femme. C'est tout le temps à cause d'elles de toute façon ! rouspéta Gaston.

Tout d'abord, Ange fronça les sourcils à l'entente de ce terme péjoratif. Il ne voulait pas imaginer si quelqu'un osait appeler Luce ainsi. Puis il songea à cette fameuse femme à qui il avait raccroché au nez par élan de jalousie. Et Ange en conclut qu'une fois de plus, il n'avait pas géré.

— J'ai simplement compris que faire des paris ne me rendait pas si heureux. C'était simplement le fait de gagner contre quelque chose, à défaut de gagner contre la vie.

Ange remarqua le changement de regards des hommes autour de lui. C'était comme s'il venait de leur annoncer qu'il quittait leur troupe pour une autre.

— Bon allez, tire ! râla le deuxième parieur. Question que je voie si j'ai gagné ou pas.

Le blond vénitien regarda Gaston, Merick puis soupira avant de poser la queue sur le billard.

— Démerdez-vous avec votre pari ridicule, souffla-t-il avant de quitter le bar sous les critiques de ses anciens camarades de jeux.

Finalement, ce bar n'était peut-être pas la solution pour oublier sa sale journée. C'était pire désormais.

Ce changement de comportement, de réflexion, c'était encore difficile à gérer. Car Ange n'avait plus envie d'être comme il avait été autrefois, puisqu'il ne trouvait que des défauts à l'ancien lui, mais il était encore un peu perdu quant à la nouvelle personne qu'il souhaitait être.

Tout en traversant, l'homme baissa la tête pour regarder ses pieds et ce fut à ce moment-là qu'il entendit le bruit de freins qui s'actionnaient. En relevant la tête, il réalisa qu'il avait manqué se faire écraser sur le passage piéton.

Subitement en colère contre ce conducteur qui klaxonna comme s'il était en tort, Ange fit un bras d'honneur. Et lorsqu'il vit l'homme sortir du véhicule, il ressentit une excitation qu'il ne connaissait que trop bien.

— Qu'est-ce qu'il veut le nain ? l'insulta le conducteur.

Apparemment, ce conducteur aussi avait envie de frapper.

— Le feu était rouge ! répliqua Ange en montrant ce dernier.

Les paris, c'était fini. Enfin, il osait pouvoir le dire. Mais l'envie de cogner, elle revenait comme une vague infinie. Et même s'il savait au fond de lui que c'était mauvais, car il ne s'agissait une fois de plus que d'une stupide addiction, il ne se sentit pas prêt à lui résister ce soir-là.

— Il ne sait pas reconnaître les couleurs en plus de ne pas savoir conduire, le connard ?

Cette fois-ci, le conducteur fonça sur lui et avant qu'Ange n'ait le temps de faire un pas, un poing s'abattit sur son visage. Le blond vénitien recula sous la violence du coup et manqua en tomber par terre.

— Allez vas-y, c'est ça, cogne, gros lard !

Tout en remuant la main, il fit signe à son adversaire d'avancer et lorsque celui-ci s'exécuta, Ange lui asséna un coup dans la mâchoire.

C'était comme re-gouter au paradis. Cette appréhension vis-à-vis de l'avenir de cette bagarre. Cette colère qui brûlait en lui et lui donnait l'impression de se transformer en flamme géante. Ce dégoût profond de sa personne qui trouvait enfin une façon de s'exprimer. Tout était tellement puissant.

— Vous êtes complètement cinglé, vous ! lança le conducteur en grimaçant.

Sous le regard surpris d'Ange, l'homme rentra dans sa voiture et après avoir fait gueuler son moteur, le contourna puis disparut.

Frustré, le bagarreur resta planté au milieu de la route. Tout était fini. Cette possibilité d'extérioriser ses émotions. Son illusion d'autrefois comme quoi il était heureux. Les vacances d'été au côté de Luce. Ses baisers. Ses sourires. Leur petit rituel de provocation.

Tout était fini.

Tout en se frottant le visage, Ange se força à rejoindre le trottoir. Il se sentait vide tout d'un coup. Il se sentait seul. Et surtout, il se sentait perdu. Il n'avait plus ses repères d'autrefois, car il savait désormais qu'ils étaient mauvais. Mais il n'avait pas non plus de nouveaux repères.

Durant quelques secondes, il songea à appeler Luce, à s'excuser et à lui dire qu'elle lui manquait. Mais il se demanda soudainement à quoi cela l'aurait avancé. Certes, il aurait eu la conscience plus tranquille, car il savait bien que l'absence de nouvelles de la jeune femme avait été causé par son coup de fil l'autre fois. Seulement il se rappela aussi que des centaines de kilomètres les séparaient.

N'était-il pas le seul responsable de cet éloignement ? N'était-il pas celui qui vivait le plus mal cette pseudo-relation à distance ?

Dans un soupir, le jeune homme prit la décision de rentrer chez lui à pied. Luce lui avait souvent dit que marcher faisait du bien. Et même s'il savait que faire quelques pas n'allait pas changer du tout au plus sa vie, Ange songea que ça permettrait peut-être à ce cœur qui tambourinait dans sa poitrine de retrouver un peu de paix.

 Et même s'il savait que faire quelques pas n'allait pas changer du tout au plus sa vie, Ange songea que ça permettrait peut-être à ce cœur qui tambourinait dans sa poitrine de retrouver un peu de paix

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Après la jalousie, voilà que notre protagoniste passe à la colère et

Baisers salés (Terminée)Where stories live. Discover now