Une histoire de coucherie royale

17 2 0
                                    


Camille

— Boulette ! Allez, sort de là, sois sympa.

Je me tortille en montrant à ma persane ses friandises favorites. Mais la teigne sait que je dois la brosser et contrairement aux autres chats de son espèce, elle a horreur de cela !

Dix minutes, que je me trémousse le cul sous mon lit au lieu d'écrire, ma correctrice va me tuer ! Je suis en retard sur la deadline que nous avons fixé.

Ah oui ! Merde, j'ai oublié de me présenter, je me prénomme : Camille Berthelot. Ma mère voulait m'appeler Camilla, à cause de la maîtresse de Charles, mais je fus sauvé par le courage de mon paternel.

J'imagine qu'Élisabeth s'est plainte pendant des jours, c'est bien dans son tempérament d'agir ainsi. Le pauvre Charles (mon père, pas le prince britannique), a subi ses crises d'hystérie pendant des mois, après que l'Angleterre est découverte au grand jour la liaison de Charles et de Camilla.

Vous vous demandez sûrement pourquoi elle a réagi de cette façon. (J'ai posé la question à ma grand-mère Juliette. Une merveille, cette femme. On pourrait s'interroger sur sa conception, tellement elles sont différentes. Un coup du démon, dit-elle.) Donc, mon aïeul m'a confié que maman s'était mis dans la tête que tous les Charles avaient une maîtresse et qu'elle se nommait toute Camilla. M'est d'avis que ma mère n'avait déjà plus la lumière à tous les étages, ce que je ne lui dirais jamais en face bien sûr.

Malgré cela, pourquoi alors exiger de m'appeler ainsi ?

Parce que lorsque je suis née, elle a su que j'allais lui pourrir la vie a-t-elle relaté à qui voulait l'entendre. Elle avait pris 30 kg soi-disant par ma faute (et un peu aussi des scones remplis de beurre et de confiture. Ne ment pas maman, j'ai regardé les photos, enfin bref !). Ensuite, je suis moche, ça ne s'invente pas. Je suis poil de carotte, j'ai la peau blanche, les panettes nombreuses, je suis excessivement petite et surtout trop dodue.

Un bébé trop gros ! On aura tout vu !

Oh ! Je ne vais pas vous dire que j'ai eu une enfance pourrie. Pour être honnête, on s'occupait peu de moi. Charles avait peur de se faire houspiller par ma mère, s'il me montrait de l'affection et mes frères. Bah ! C'est des mecs, quoi !

Harry, William (elle fait une fixette sur la famille royale, je pense. Heureusement, elle n'a pas eu une autre fille, elle aurait été capable de l'appelle comme Lady Di) et je vous donne en mille Charles junior. Ça, mon père ne l'a pas vu passer, il était en meeting d'affaires (comprenait en maison de repos pour dépression), c'est un homme trop gentil pour dire non à sa femme. Bien que je n'ai su que plus tard que si Charly (on allez pas avoir deux Charles chez nous, c'était trop bizarre. Donc, nous l'avons rebaptisé, ce qui ne manque pas de faire hurler notre mère) était le dernier, c'est parce que papa a été se faire faire une vasectomie en sortant de la clinique. Radicale certes, mais efficace.

Et me voilà à faire la discussion devant mon miroir, relatant ma vie à des personnages imaginaires. Je m'examine dans ma glace, j'ai des fois l'impression de voir une version miniature de Mérida, en plus petite et charnue. Une princesse aux rabais dirait mes frères. J'ai les mêmes boucles rousses indisciplinées. Franchement, c'est une horreur, je ne peux pas ne pas les sécher sinon je suis un mix des Jaksons Fives et d'un mouton sous LSD.

Mon visage, que dis-je mon corps entier et parsemé de minuscules taches marron comme si j'avais bronzé à travers un égouttoir (merci Charly pour cette vanne). Mes yeux bleu gris sont cachés par de grandes lunettes violettes, c'est beaucoup trop extravagant pour moi, mais je n'ai pas osé dire le contraire à la vendeuse.

Elle m'a reconnu pour m'avoir rencontré lors d'un salon et je n'ai pas pu en placer une par la suite. OK, elle était un peu pipelette, mais je suis très timide aussi. Je pousse un soupir à fendre l'âme alors que Théo adossé au chambranle de ma salle de bain me lorgne en se foutant de ma poire.

— Arrête de te payer ma tête, tu n'existes même pas d'ailleurs, vociféré-je en claquant la porte.

— Tu es vraiment irrécupérable, ma pauvre Camille ! me lance Niagara, une de mes personnages de ma dernière Saga.

Je la fais disparaître elle aussi, en lui tirant la langue. Bordel ! On ne peut pas être tranquille chez soi, c'est un monde.

Ah oui ! Dans tout ça, j'ai oublié de vous préciser que je suis romancière. Et en auto-édition, en plus.

Je repense à tous mes déboires avec les maisons d'édition et je ne regrette absolument pas ma décision. Je n'ai eu que des déconvenues, je ne veux pas que l'on donne mon patronyme et les éditeurs estimaient qu'il faisait très « Frenchy ». Personnellement, je le trouve très commun, Camille Berthelot, va faire rêver avec ça !

Au contraire, je me suis servi de l'obsession de ma mère et mon nom de plume est Samara O'Neill. J'aime autant vous dire que lorsqu'elle a regardé le patronyme de notre aïeul paternel, j'ai cru qu'elle allait me faire une syncope. Bien fait ! Elle n'avait pas qu'à me dire qu'écrire de la romance n'était pas un travail !

À son grand désespoir, nous ne sommes pas anglais, mais bel et bien français de son côté du moins. Si j'ai bien suivi, nous sommes du bassin d'Arcachon par mon grand-père et de Normandie par ma grand-mère. Côté paternel, nous sommes un petit tutti frutti : des cousins éloignés en Espagne, en Italie, en Russie et en Irlande. Je pense que l'on doit avoir un peu plus de sang de ce pays. Cependant, mère refuse absolument toutes idées que les cheveux roux d'Harry (ça ne s'invente plus à ce stade) et les miens puissent venir des ennemis des Anglais. (Sa fascination pour l'Angleterre dépasse l'entendement, si vous voulez mon avis.)

Mais revenons à nos moutons. Alors, oui, l'auto-édition est un travail de titan. Seulement, les retours de mon lectorat, lorsque sort un de mes romans, sont sans pareil. J'imagine qu'aucun orgasme ne peut procurer cela.

Arf ! Du haut de mes trente ans, vous devez vous dire que je n'ai dû avoir que des bons à rien dans mon lit pour comparer la satisfaction du labeur réalisé parfaitement, avec les plaisirs charnels.

Le fait est que je n'ai jamais eu de relation de couple et que ma vie sexuelle relève du néant. Oui, j'ai eu des garçons sur lesquels j'ai flashé, mais je suis trop timide pour oser aborder quelqu'un. Alors, un homme, même pas en rêves !

Je ne vous raconte pas le bordel pour être à la tête de ma petite entreprise dans un monde où le masculin est en grande partie représenté. Sans oublier que j'écris beaucoup de romans d'amour avec des contenus assez hot quand même. Comment je m'y prends ?

Google est ton ami et j'ai une imagination amplement fertile.


Mon Boss, Mes Livres & Ma Famille royale.Where stories live. Discover now