- Qu'est-ce qu'on fait là ? demanda soudain Flora, tendue et mal à l'aise.

- Il se passe quelque chose ? s'enquit Estelle, douce.

- Je t'avoue que je ne comprends pas fiston, on a l'impression que tu vas nous annoncer une chose terrible alors que rien ne peut être si grave que ça.


Henri devinait le sous-entendu, celui auquel il avait pensé aussi. Qu'est-ce qui pouvait les concerner tous les quatre et être si grave que ça. Ils n'étaient pas assez proche pour une telle ambiance.


- J'ai quelque chose à vous dire à propos de Mia, commença-t-il alors dans un souffle tremblant.


Et Mia se posta derrière lui, elle posa sa main sur son épaule. Et même si elle n'était qu'une sensation froide dans la nuque du jeune homme, il se sentit immédiatement plus fort.

Flora serrait déjà les dents, elle ne savait pas ce qu'il allait dire mais qu'il se permette de les faire venir ici pour parler de sa sœur alors qu'il n'était en rien concerné, ça la mettait en colère. Ses parents avaient passé la première bonne journée de ces dix dernières années hier. Et il suffisait de regarder les yeux plein de larmes de sa mère pour deviner qu'une seule seconde avait suffit à tout gâcher. Hier elle avait dansé, rit, mangé. Hier elle y avait cru, à cet après, ce rayon de soleil furtif qui s'était faufilé dans la noirceur à travers les fenêtres de leur maison. Hier elle était reconnaissante envers Henri car, sans qu'elle puisse l'expliquer, elle ressentait qu'il n'y était pas pour rien. Il avait une aura lumineuse, comme une enveloppe de lumière qui perçait l'obscurité. Et il était revenu dans leur vie et y avait déposé une flamme minuscule, mais assez pour raviver un feu. Ça n'avait aucun sens, aucun. Pas plus que se retrouver ici face à lui pour parler de Mia.

Louis prit la main de sa femme sans quitter le jeune garçon des yeux. Il l'avait entendu renifler. Et Henri avait baissé les yeux en voyant la femme pleurer, il avait eu honte. Alors le patriarche le fixait, il attendait que leurs regards se croisent à nouveau, pour lui dire sans parler de ne pas faire ça, quoi qu'il ait à dire, il ne devait pas... Lui demander pourquoi ? Pourquoi il leur faisait ça ? Pourquoi lui, pourquoi maintenant ?

Henri mit ses mains sous la table, il les glissa sous ses cuisses pour les écraser, pour les empêcher de trembler. Il avait l'impression d'être cruel et sadique.


- Quand j'étais petit, mon cœur a cessé de battre, murmura-t-il en reniflant. Et je ne sais pas combien de temps je suis parti, ma mère dit toujours que pour elle ça a duré une éternité. Mais là où je suis parti, là où j'étais avant qu'on me ramène, ça a duré plusieurs minutes.


Enfin, il leva les yeux vers la famille de Mia, prêt à tout leur dire.


- Une seconde j'étais chez moi, l'autre je me suis retrouvé sous la neige, dans cette forêt, au bord de la rivière. Et alors que j'avais froid et peur, j'ai entendu une voix, j'ai entendu des pleurs...

- Mia... souffla Louis.


Flora avait les lèvres pincées, et comme si elle voulait déjà mettre plus de distance avec Henri, elle s'enfonça dans sa chaise et s'adossa au dossier les bras croisés sur sa poitrine.


- J'ai marché jusqu'à la trouver, assise sur un rocher, elle sanglotait.


MinuitWhere stories live. Discover now