Chapitre 35

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Henri avait demandé à Louis de venir à la cabane avec Estelle et Flora dans la journée. Il culpabilisait de devoir faire ça alors qu'hier ils avaient l'air si heureux pour la première fois depuis très longtemps. Mais si Mia était complètement angoissée, elle restait sur l'idée qu'il fallait le faire, qu'ils ne pouvaient plus repousser.

Elle avait vu Maxime se déchaîner et avait deviné la haine sans limite qui émanait de lui comme une aura épaisse et trouble, suffocante et nauséabonde. Comme onze ans plus tôt, il n'arrivait plus à contenir celui qu'il était vraiment. Et elle ne voulait pas qu'il fasse une nouvelle victime pour tenter de se sauver lui-même.

Louis répondit à Henri qu'ils viendraient vers midi, même si le jeune homme restait vague sur les raisons qui le poussait à les inviter. Comme le père attentif qu'il était, le gendarme avait senti l'urgence dans la voix du jeune homme. Et Estelle et Flora, bien qu'elles redoutent d'avoir à s'approcher de la forêt, avaient accepté également en voyant l'air grave sur le visage de Louis quand il avait raccroché au le téléphone.

Henri se demandait comment il allait faire pour qu'ils le croient. Sa mère doutait encore, elle ne l'admettait qu'à moitié et avant tout par amour pour lui. Mais eux, il n'était rien pour eux, pourquoi le croiraient-ils ? Surtout qu'il n'avait que sa parole pour convaincre. Mia était incapable de prouver sa présence, incapable de laisser une trace de son existence relative. Elle avait essayé de se prendre en photo, d'écrire... mais si ses actes lui paraissaient réels, il n'en n'était rien. Elle n'était liée qu'à Henri, elle gravitait autour de lui, il était tout son monde et lui seul pouvait la voir et deviner sa présence.

Lui et Maxime à en croire ses cris dans les bois.


- Ils sont là, expira nerveusement Henri.


Et déjà, Mia ne pouvait plus le soutenir en lui prenant la main. Il ne restait qu'une empreinte froide et volatile dans la paume du jeune homme anxieux. La famille approchait, le devinant déjà derrière sa fenêtre. Son visage devait trahir ses craintes car Louis entra sans frapper, il regarda son ami dans les yeux et pencha imperceptiblement la tête sur le côté pour exprimer son incompréhension. La tâche était difficile pour Henri qui avait l'impression de forcer la porte de l'intimité douloureuse de ces gens. Ils étaient si touchés par le drame qu'ils avaient vécu, peut-être allait rouvrir des plaies qui ne se refermeraient plus jamais ? Peut-être allaient-ils juste le haïr et partir, le laissant seul avec Mia déçue et désespérée ?

Peut-être qu'elle et lui avaient vécus le tout dernier jour de leur miracle enchanté il y a des jours de ça ?

Aujourd'hui était un autre monde, une autre ambiance. Il regarda le spectre transparent qu'était Mia et songea à ces journées parfaites, en équilibre entre la vie et la mort, faites d'harmonie et d'évidence. Il voulait revenir à ces jours heureux et arrêter le temps, il voulait la rejoindre dans son éternité de solitude pour qu'ils soient seuls à deux, seuls tous les deux. Il le voulait maintenant car il avait peur qu'après ce soit trop tard.


...


Ils étaient tous les trois assis en face de lui, ils attendaient qu'il parle. Henri avait pris le temps de préparer du thé et de meubler la conversation, incapable de maîtriser sa voix. Il avait déjà versé quelques larmes quand il leur tournait le dos pour surveiller la bouilloire. Et Louis avait surpris sa main trembler quand il avait attrapé le dossier de sa chaise pour l'éloigner de la table et s'y asseoir.

MinuitWhere stories live. Discover now