Partie 9-10

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PARTIE 9

Je marchais déterminée vers Ali quand Ahmed me rattrapa par le poignet :

- Laisse-le Anissa. J'sais pas ce qui lui prend peut-être à cause de l'état de sa mère mais n'en rajoute pas aichik (s'îl te plait).

Je me suis arrêtée et je regardais Ahmed. Il me sourit et je lui rendis son sourire. Je n'avais jamais remarqué mais il était plutôt beau garçon. Un peu le style gentil mais charmant. Il me dirigea vers le sofa et se tourna pour sortir des produits de ses sachets.

- Je sais qu'Ali te nourrissait de pain et d'eau mais j't'ai ramené des p'tits trucs t'as vu.

Il se gratta la tête et me tendit des corn-flakes. J'étais habituée à mes céréales remplies de fibres, or celles-ci étaient remplies de glucides, mais je mourrais de faim et j'aurais pu manger n'importe quoi. J'ouvris la boite rapidement et le paquet aussi, puis je fourrais ma main à l'intérieur et je mangeais comme une ogresse. Ahmed me regardait mais il ne dit rien. J'aimais le genre de personne qu'il était.

- Tiens tout le sachet. T'as des gâteaux, du pain et du fromage ...

Il continuait la liste et je m'arrêtais avec mes céréales puis je pris le pain et le fromage. Il me les enleva de mes mains et me prépara lui même mon sandwich.

- Mange maintenant.

J'étais heureuse. Heureuse d'avoir rencontré une personne avec un si bon cœur. Il me faisait penser à Rahim, le demi-frère à Saël. Très attentionné et toujours à l'écoute de l'autre.

Une fois que je me sois bien empiffrée. Ahmed prit place à mes côtés et me dit :

- Sahalik.

- Pardon ?

- On dit ça quand quelqu'un fini de manger.

- Ah ... J...je suis désolée. J'ai du sang arabe mais je ne sais pas le parler ...

- Comment ça se fait ?, me demanda-t-il en fronçant les sourcils.

- Ma mère est morte jeune. Même si elle me parlait des fois en arabe, mon père m'interdisait d'en faire de même. Ma mère, je m'en souviens, était très humble. Tous les voisins l'aimaient. Elle priait aussi. Je me souviens ...

Je repris mon souffle car je venais de me remémorer d'une scène que j'avais cru à jamais oublié :

M... Mon père n'aimait pas quand elle priait. Alors elle priait en cachette et je devais lui dire quand mon père rentrait.

Ahmed fit les gros yeux :

- Miskina (la pauvre). T'inquiète pas à l'heure qu'il est elle doit être au Paradis. En fait c'est pour ça que t'es ...

Il ne continua pas sa phrase mais je me doutais de la fin. Ça me fait toujours mal quand on me le dit. Une fille que j'avais rencontré à Sciences-Po me l'avait dit une fois alors que j'étais habillée avec des habits estivale, donc courts. Elle m'avait dit que je n'étais pas digne d'être une arabe. Mais arabe ne voulait pas forcément musulmane. Je me sentais perdue. Mon père avait vraiment réussi à me rendre aussi ignorante ! Mon Dieu que je lui en voulais ...

- N'ai pas peur, continue ta phrase ...

- Que t'es pas très musulmane on va dire ..., répliqua-t-il en baissant la tête.

- J'aimerais que tu m'apprennes.

Il ouvrit de nouveau ses yeux :

- Je sais pas. Moi même j'suis pas très musulman, je bois pas je fume pas, je mange halal et je crois l'être mais non. Être musulman c'est pas ça ...

- C'est quoi alors ?, demandai-je avec perplexité.

- C'est être assoiffée de vouloir en apprendre plus et prier quotidiennement 5 fois par jour. C'est ne pas être complice dans un kidnapping, respecter ses parents, ne pas dire de grossierté, ne pas voler, ne pas mentir, ne pas fumer, ne pas boire. Enfin, ne pas faire tout ce qui est pas bon pour les gens, ni pour toi tu vois ...

C'était la première fois que j'entendais ces paroles. Inconsciente, je n'ai jamais voulu en savoir plus, trop occupée à décrocher un bac avec une mention, mon concours d'entrée à Sciences-Po ... Mais je ne me sentais pas encore prête. Du moins, je m'intéressais mais je n'étais pas encore apte à m'y mettre. Car, quand je me m'investis dans une chose je m'y investis à 100%.

- C'est une belle religion.

- C'est pas pour rien qu'elle est la première au monde.

J'eus un sourire fugace aux lèvres.

- Ca c'est vrai ...

Il se releva et se frotta les mains.

- Tu veux voir une chose magnifique ?, me demanda-t-il.

Je me suis levée à mon tour, songeuse :

- Quoi ?

- Suis-moi ...

**************

Il devait être dans les alentours de 19h00. L'heure du coucher de soleil. J'étais sur le toit avec Ahmed qui me tenait par mon bras. Nous regardâmes le soleil qui disparaissait tout doucement, laissant dans le ciel des couleurs chaudes comme l'orange et le rouge. Il y avait autour de nous des fruitiers et des tournesols. On était au beau milieu de la campagne mais seul le calme régnait. Je fermais les yeux et je respirais un grand coup. Ahmed se tenait à mes côtés et lorsque j'ouvris les yeux je vis qu'il me regardait. Je reportais mon regard sur le ciel et des petits nuages se colorèrent en violet. On aurait dit un tableau. La nature était un chef-d'oeuvre. C'était le paysage que je n'aurais jamais pu voir dans mon patelin.

- J'viens souvent regarder ça.

- Tu m'étonnes c'est magnifique. Pourtant il a plu il y a quelques temps.

- C'est la pluie de chez nous ...

Il me me demanda de m'asseoir sur une grosse pierre qui devait servir de chaise. Je m'asseyais et il me fixa. Ca en devenait troublant.

- Pourquoi tu me fixes comme ça depuis toute à l'heure ?

- On t'as déjà dis que t'avais des beaux yeux ?

Je voulais rire car ça me faisait penser à les répliques des gros dragueurs mais Ahmed ne devait pas être comme ça.

- Oui.

- On s'est pas trompé. J'kiff la couleur, marron et vert. En plus ils sont grands.

J'ai rougis malgré moi.

- Euh ... Merci.

On restait quelques minutes silencieux puis la nuit chassa de son manteau le soleil et elle s'installa dans le ciel. Je levais ma tête et je vis que des petites étoiles faisaient timidement leur apparition. C'était vraiment beau.

- Viens on rentre ça gèle.

Je me suis levée et il descendit le premier la trappe. Il m'aida à descendre et me prit par la taille, bien plus longtemps qu'il ne le devrait. Il gardait ses mains des deux côtés de mon ventre et me fixait encore de ce regard que je ne parvenais pas à identifier. Puis, il approcha ses lèvres des miennes. Je gardais les yeux ouverts. Son baiser était timide, maladroit, et ne me donna aucune émotion comparé à celui d'Ali ... Mais pourquoi je faisais des comparaisons maintenant ?

Il me regarda, le visage toujours près du mien, les mains dans les mêmes endroits.

- J'avais dis à mon retour vous aurez fini de faire vos trucs !

C'était la voix d'Ali qui résonnait dans tout le couloir.


PARTIE 10 :

Nous nous retournâmes et Ahmed ôta ses mains rapidement en se raclant la gorge.

- C'est pas ce que tu crois.

Ali haussa ses épaules et se rapprocha de moi :

- J'm'en fous de qui tu sautes. Et toi tu me suis, me dit-il en me prenant avec violence par mon bras.

- Wesh cousin l'agresse pas !

Ali se retourna vers Ahmed et fronça les sourcils. Il avait le visage dur. Sa barbe de trois jours ne faisait qu'accentuer sa virilité, il était même trop virile et ça me faisait peur. C'était le genre d'homme qui se faisait respecter par un simple regard. Il devait être le "meneur", celui qui donne les ordres et qui ne se fait jamais discuter. Et il devait aussi être le type qui ferait craquer les filles. Un côtés macho et bad-boy que certaines filles apprécient énormément. Il devait aussi briser les cœurs, et il a du en briser plus d'un à mon humble avis. Un type d'homme que je fuyait comme la peste car j'ai été amoureuse d'une personne telle que lui et croyez moi mes cicatrices ne sont pas totalement guéries. Malgré le fait que l'histoire datait d'au moins trois ans et qu'entre temps j'avais celui qui me comblait. Saël ...

- Ferme la. C'est moi qui décide OK ? J'ai trouvé le num de son daron, tu noteras ce que tu diras au téléphone. Et après on la lâche. Si tu veux faire une hlal avec elle, j'te l'interdirais, cherche même pas. Y'a quelques minutes elle nous dit qu'elle a un fiancé après elle te galoche. Elle m'allume pour s'évader. Ahmed cette meuf elle vient pas du même milieu que nous. Elles sont pas comme les filles de chez nous. Elle, son passe-temps c'est le théâtre et savoir comment qu'elle va s'habiller : Prada ou Gucci ? Téma sa robe c'est du Yves Saint Laurent, en la vendant elle nourrirai 50 africains !

Il se retourna vers moi, le visage plein de haine. Mes larmes ruisselaient mes joues. J'étais honteuse. Il me considérait comme une vulgaire catin et le fait qu'il dise tout ça devant moi signifiait bien qu'il me haïssait au plus haut point. De rage, je libéra ma main de son emprise d'un geste sec et je courrais vers ce qui servait de salon. J'entendis Ahmed crier mon nom, mais je ne me retournais pas ...

*********

- Salut Anissa.

Je relevais ma tête lourde par les larmes. Les yeux rougis on aurait dit du sang. C'était Jena qui se tenait à l'embrasure de la porte. Elle était cette fois naturelle, et portait un slim avec une débardeur. Elle restait toujours aussi pulpeuse mais voir son visage à découvert ne m'effraya pas contrairement à ce que j'aurais pu penser, elle était même charmante. Les yeux un peu tirés comme les asiatiques, la bouche charnue, ses yeux étaient d'un marron clair très intriguant. Quant à ses cheveux ils cascadaient jusqu'aux fesses avec des boucles ondulées.

Elle me regarda quelques instant et eut une mine de compassion à mon égard et s'installa à mes côtés en prenant mes mains dans les siennes :

- C'est Ali c'est ça ? J'ai un peu entendu l'histoire. Te met pas dans cet état pour lui.

Je la regardais les yeux encore humides :

- Jena tu ne sais pas à quel point il m'a blessé. Il est horrible je le hais !

Elle me tapota la main affectueusement :

- C'est Ali, ce côté méchant il l'a toujours eu mais au fond il est vraiment très gentil. Je le connais depuis très longtemps tu sais ...

Je ne voulais pas en savoir plus. Ali gentil ? Il ne me manquait plus que ça ! Jena sourit et me tendit un mouchoir que je pris.

- J'en ai assez Jena. Vraiment je n'en peux plus ! J'aimerais retrouver ma vie d'antan. Retrouver mes amis, mon fiancé ... J ...

- T'es fiancée ?, me coupa Jena.

- Oui on peut dire ça comme ça ... Je suis avec un homme depuis 6 mois et une alchimie s'est produite entre nous. Il m'a demandé il y a seulement quelques jours. Voire un jour avant mon "enlèvement".

- Bouge Jena.

C'était Ali. Je me suis levée avec elle et je la suivais. Pour rien au monde je nous voudrais être confrontée à cette crapule.

- J'ai dis Jena, toi tu restes.

Je ne le calculais même pas et je pris la sortie avec Jena. Il me rattrapa par le bras et me tira vers le salon. Jena nous regarda sans savoir quoi faire quand Ali se tourna vers elle et lui dit de ce ton autoritaire qui m'énervait :

- Toi tu bouges j'ai dis, j'te rejoins plus tard.

Elle eut honte devant moi et parti vers sa "chambre". Je ne comprenais pas pourquoi elle faisait ça. Je croisais les bras et j'attendais ce qu'il me voulait. Il me poussa vers le "salon" et referma la porte. Il attendit quelques minutes puis porta son regard vers moi.

- Désolé, marmonna-t-il.

Je ne répondis pas.

- T'as entendu ?

- Oui, répondis-je froidement. Si c'est tout, je pourrais rejoindre Jena ?

Il sourit de toutes ses dents. C'était la première fois qu'il souriait :

- Non.

- Pardon ?

- J'ai dis non. Oublie pas que t'es pas dans un centre de vacances.

J'ai regardé autour de moi. La décoration lugubre, terne et sans vie, la saleté, l'ampoule qui pendait au haut du plafond et qui menaçait de tomber à n'importe quel moment :

- Sérieux ? Sans blague !, répliquai-je ironiquement.

Il contracta sa mâchoire :

- Demande un truc, à part ta liberté.

Je fis les yeux ronds. C'était bien la dernière chose à laquelle je m'attendais !

Chronique d'Anissa : mon kidnappeur et moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant