Chapitre 5

141 17 0
                                    

  Il était horriblement captivant. Une seule question tournait dans mon esprit depuis que je l'observais. Était-ce bien à cela que nous ressemblions ? De toute évidence, la réponse était positive. La haine avec laquelle mon peuple m'avait accueilli était justifiée. Nous étions si pathétiques, ainsi retenus par des alphas. Le peintre avait mis en exergue notre vulnérabilité.

  Ce peuple qui n'était plus sous ma protection avait eu raison de me regarder ainsi. Les pierres qui m'avaient frappées aussi. Leurs moqueries à peine dissimulées à mon égard l'étaient tout autant. Cela n'attestait que d'une chose, qu'ils étaient malheureux. Alors il m'en voulait, j'étais le coupable, celui qui les avait laissés se faire priver de leurs droits naturels. J'en étais l'unique responsable.

  Au final, cette peinture reflétait l'étendue de notre incapacité à diriger un pays tout entier. Nous avions failli à notre devoir et devions à présent en payer les conséquences.

  Le temps avait rapidement repris ses droits après mon arrivée ici, les jours se poursuivant sans cesse.

  Même si, à chaque fois que mes yeux s'ouvraient le matin et se fermaient le soir, je revoyais ce tableau. Celui devant lequel je mangeais chaque jour, en présence des dirigeants qui avaient pris notre place. Ils siégeaient ici même, là où nous avions été il fut un temps. Cette peinture nous représentait, encore tous vivants. L'autre était accrochée en hauteur dans la salle de réunion. Il était impossible de ne pas la voir, il se situait juste derrière le chef des dirigeants. Cela nous renvoyait alors l'étendue de sa force et de sa mesquinerie.

  Les lieux n'avaient étonnamment pas changé, ils avaient tout conservé, que ce soit la fresque ou le coin repos. Quelques aménagements avaient simplement été faits.

  Avec les semaines que j'avais passées ici, j'avais fini par m'habituer à cette vie. Sans que je ne le veuille et avant que je ne m'en rende compte, une routine avait pris place. J'avais ma propre chambre, et même si elle était petite, j'y portais une certaine affection. Un simple lit occupait l'espace ainsi qu'un banal bureau. La seule chose déplaisante ici était la minuscule fenêtre d'où je pouvais à peine apercevoir les jardins. De plus, je n'avais accès au soleil que lorsqu'il était sur le point de disparaître, ce qui me peinait.

  Comme il me l'avait spécifié, j'assistais à chaque réunion, chaque jour durant plusieurs heures, je devais rester debout aux côtés de mon bourreau en attendant qu'on ne m'autorisait à parler. Je ne m'en plaignais pourtant pas. Ainsi, j'espérais m'attirer ses faveurs et pouvoir envoyer des lettres à mes parents.

  En attendant, je passais mon temps libre à lire dans les jardins où j'avais la possibilité de m'y promener à ma guise. Je pouvais ainsi profiter de la brûlure chaleureuse du soleil me couvrant. M'asseoir sur la paisible verdure entretenue me permettait de m'évader de là.

  Notamment de ne plus penser à la courte robe que je portais, je n'étais pas à l'aise dedans. Je me sentais trop dévoilé ainsi. De nature calme et pacifique, je n'avais pas cherché à me rebeller, bien que mon cœur ne soit pas du même avis que mon cerveau. Il ne servait pourtant à rien de m'attirer ses foudres, je ne gagnerai pas cette bataille ainsi, j'en avais l'étrange conviction.

  Curieusement, plus les jours défilaient, et plus mes forces lupines s'amoindrissaient. Je prenais plus de temps pour me régénérer et j'étais très fatigué après chaque transformation. J'étais persuadé qu'ils étaient derrière cet étrange phénomène. Je n'en avais pourtant pas de preuve.

  Ces monstres ne se privaient pas pour déverser leurs humeurs sur moi. Chaque jour, et sans que je n'esquissais le moindre mouvement, ils se permettaient de m'injurier et de m'humilier. C'était d'autant plus fréquent lorsque plusieurs personnes étaient présentes. Certains ne se privaient pas quelques gestes déplacés envers moi, quand personne n'était dans les parages notamment. Ce qu'ils me faisaient augmentait la rancœur que je ressentais en les apercevant. Ne pouvant plus me rebeller, j'avais appris à vivre en restant muet. Je renfermais beaucoup de choses en moi, les taisant pour tenter de les oublier. Notamment mes envies d'évasion, de liberté mais aussi celles d'une autre vie.

L'ange blanc - NaëlWhere stories live. Discover now