Chapitre 17.

519 57 19
                                    

*

L'officier Gérald avait mal à la tête.

Il sortit une cigarette et s'apprêtait à l'allumer, quand une infirmière lui dit gentiment d'aller le faire dehors. Il fit quelques pas pour aller vers la sortie et passa devant la chambre de la fille. Il détourna la tête, se refusant avec honte d'y jeter un coup d'œil.

Il se hâta vers la porte à pas pressés, mais en tanguant légèrement, comme s'il venait de se réveiller. Une fois dehors, il alla s'assoir juste en face du bâtiment.

Il aspira une longue bouffée de fumée et laissa aller sa tête contre le dossier du banc. Il allait lui reparler dès qu'elle irait mieux. Il n'était pas question d'attendre plus longtemps. Il fallait qu'elle comprenne que c'était réel. Que tout était vrai. Il ne pouvait pas la laisser sombrer dans la folie à cause de la peur démentielle que lui inspirait ce monstre.

Il réfléchit encore quelques instants, puis laissa tomber sa cigarette à peine consumée et l'écrasa du talon. Il lui fallait agir.

Le chemin jusqu'à la chambre de la fille lui sembla durer à peine quelques secondes. Il entra en coup de vent, sans même attendre l'approbation du médecin.

Elle était adossée au coussin et encore plus pâle qu'a l'habitude, venant à peine de se remettre de sa crise.

- Mademoiselle, dit-il calmement. Vous devez comprendre que c'est vrai, et surtout qu'il ne peut plus vous faire de mal.

Son ton était un peu plus cassant que prévu, mais il n'y fit pas attention. Il attendait une réaction de la part de la fille.

- Je ne vous crois pas.

C'était un murmure a peine audible. Il comprit la phrase en la lisant sur les lèvres de la fille. Elle avait les yeux baissés vers ses mains posées sur le lit.

- C'est bien dommage, puisque je dis la vérité. Maintenant, vous aller enfiler votre manteau et vos chaussures, et si vous pouvez vous tenir debout, je vais vous emmener quelque part.

- Non. Je ne bouge pas.

Cette fois, sa voix était plus distincte et il l'entendit clairement.

- Oh si, vous allez venir.

Sa voix était grondante, presque menaçante. Ce n'était plus le ton gentil et à la fois professionnel qu'il abordait habituellement. Car cette fois il fallait qu'elle comprenne. Et c'était pour son bien.

La fille releva la tête et le fixa dans les yeux, semblant sonder son âme. Il faillit détourner les yeux mais se ressaisit aussitôt et se redressa de toute sa stature. Il devait être fort. Après tout c'était son métier.

- Je ne vous crois pas, répéta t-elle. Je ne vous croirais jamais. Je sais qu'il est là, tapis dans l'ombre, et qu'il n'attend que ma venue. Mais je vais vous suivre. De toute façon, je ne pense pas avoir le choix et il ne me reste plus beaucoup de temps. Et quand vous aurez compris que je dis la vérité, il sera trop tard.

La dernière phrase le glaça de la tête aux pieds, mais il fit en sorte que rien ne transparaisse sur son visage. Pas question que sa détermination flanche maintenant qu'elle avait dit qu'elle le suivrait.    

*                                                               

- C'est encore loin ?

Je ne reconnus pas ma voix. Elle était éraillée et horriblement faible et cassante à entendre. Mais peu m'importait. L'officier Gérald se retourna pour me jeter un regard, mais se reconcentra aussitôt sur la route.

- Nous arrivons.

Je me refusai à regarder par la fenêtre. Je savais très bien ce que je verrais. Une agence de procureur ou un commissariat. Enfin, quelque chose d'approchant, tout du moins.

Parce que je savais très bien où l'officier m'emmenait, même s'il pensait que je l'ignorais.

Et toutes les parcelles de mon corps réclamaient de sortir en courant de la voiture, mais je n'en avais ni le droit, ni le temps.

Parce que je devais lui faire face. C'était mon devoir. Et qu'il ne me restait plus très longtemps.

J'étais emplie de sentiments contradictoires, et je ne me sentais pas très bien. Mais encore une fois, je ne pouvais pas le montrer. Il fallait que je sois forte.

L'homme arrêta la voiture et m'ouvrit la porte pour m'aider à sortir

Nous entrâmes dans une maison. Je ne levai même pas les yeux pour lire l'enseigne, sur la porte. L'homme me prit le bras et me guida le long d'un couloir. Et m'indiqua une porte du doigt.

Cette fois je relevai la tête.

Salle d'interrogatoire.

Tous mon corps se figea, même si j'avais deviné qu'il allait m'emmener ici.

Derrière cette porte se trouvait l'assassin. Peut-être enchainé, attaché à une chaise, drogué ou je ne sais quoi, mais il était là, à quelques mètres de moi, séparé par une simple cloison.

Et j'avais tellement peur que je tremblais de tous mes membres.

Chasseur de primesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant