Chapitre 26

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Chapitre 26.

Lawrence savait ce qu'il encourait à visiter le royaume des morts et il avait tout de même foncé tête baissée, aveuglé par la peine et la colère. Pourtant, d'eux deux, il était le plus avisé. Perséphone avait peur de découvrir ce que son manque de réflexion avait pu lui coûter. Les spectres de Tenebris, les gardiens de ce monde, n'étaient pas tendres avec les vivants.

Du moins, c'est ce que lui expliqua Marcus quand, tandis qu'ils descendaient l'escalier de pierre, elle le questionna plus en profondeur sur ce qui était en train d'arriver à son ami. Elle avait immédiatement su que quelque chose ne tournait pas rond et que Lawrence était en grand danger, mais elle n'avait jusqu'à lors pas eu d'autres détails.

— Les vivants ne doivent pas se mêler aux morts sous peine de troubler le fragile équilibre entre les deux mondes. Les spectres de Tenebris protègent simplement leur royaume contre les intrusions malvenues... ils avaient également l'ordre de s'en prendre à Cassiopée et tous ceux de son sang s'ils advenaient qu'ils aient l'audace de descendre jusqu'ici après m'y avoir condamné.

Perséphone cessa d'avancer, se stoppant brusquement dans sa progression. Elle se tourna vers Marcus et le dévisagea. Elle sentit la colère l'envahir tout entière et son pouvoir monter en elle, prêt à exploser. Elle arracha sa main de celle de l'homme, le fusillant du regard.

— Vous saviez alors ! C'est de votre faute si Lawrence a été attaqué ! l'accusa-t-elle en respirant bruyamment. Vous m'avez manipulée pour que je vous épouse en le mettant en danger !

Marcus crispa la mâchoire. La tournure de la conversation ne lui plaisait pas. Sur un ton glacial, il rétorqua :

— Vous ne m'auriez pas épouser autrement. Mon royaume me tient plus à cœur que n'importe quoi et je suis prêt à bien des sacrifices et bien des trahisons pour lui apporter la prospérité qui lui revient. Lawrence savait qu'il n'avait rien à faire ici. Il a été stupide et n'en a fait qu'à sa tête. Il a outrepassé les limites et n'a eu que ce qu'il méritait. Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même.

La jeune femme bouillonnait. Du coin de l'œil, Marcus remarqua la lueur verte qui brillait d'une lumière menaçante dans le creux de sa paume. La coin de sa bouche se tordit et il ajouta :

— Si j'étais vous, je garderais cela pour accomplir votre part du contrat. Si je disparais, ni vous ni Lawrence ne reverrez un jour l'éclat du soleil.

Perséphone serra le poing et la lueur s'évanouit. Elle savait qu'elle n'avait pas intérêt à attaquer Marcus. Ce serait stupide. Pourtant, elle se sentait trahie et en colère. Elle réussit de peine et de misère à contrôler ces émotions négatives. Elle devait économiser ses forces. Ses pouvoirs lui seraient peut-être utiles pour sauver Lawrence.

— Je suis peut-être votre femme et je vous dois peut-être obéissance, mais jamais je ne vous aimerai. Lawrence disait vrai à votre sujet : vous ne pensez qu'à accomplir vos desseins et vous avez toujours eu le projet de m'utiliser pour se faire.

Le jeune homme soupira.

— Je ne l'ai jamais caché. Il me semble bien avoir été le plus honnête dans cette histoire. Si votre royaume était dans le même état que le mien, n'auriez-vous pas fait la même chose ? Comptez-vous heureuse que je n'en sois pas venu à employer la force. Cela aurait été fort désagréable autant pour vous que pour moi.

Marcus baissa les yeux et il se remit à marcher en ajoutant :

— Dans tous les cas, je n'ai pas à me justifier auprès de vous. Vous êtes ma femme et vous le resterez.

Perséphone se mordit la lèvre pour éviter de répliquer. Cela ne servirait à rien. Puis, voyant Marcus s'éloigner, elle pressa le pas pour le suivre. Elle devait rester concentrée sur son objectif principal : sauver Lawrence avant qu'il ne soit trop tard.

Bientôt, ils quittèrent le long escalier et furent de retour dans la cité. Marcus connaissait Tenebris comme le fond de sa poche. En cours de route, elle le vit s'adresser à plusieurs spectres qui lui soufflèrent des informations. Le visage du jeune homme s'obscurcissait et prenait une expression sérieuse.

— Qu'y a-t-il ? l'interrogea-t-elle.

Il secoua la tête.

— J'ai peur que nous arrivions trop tard.

— Alors, dépêchez-vous !

Elle accéléra le pas et se mit à trotter, dépassant Marcus.

— Hé ! Attendez ! Vous allez vous perdre.

Tenebris était un gigantesque labyrinthe pour ceux qui n'y vivaient pas. Pourtant, Perséphone était guidée par son instinct et par la sensation étrange que l'esprit du printemps lui montrait la voie. Marcus la suivit au pas de course et, en peu de temps, elle parvint à retrouver Lawrence.

Le corps inconscient du jeune homme flottait à quelques centimètres du sol, assailli par les spectres. Marcus s'en approcha et il dégaina une dague dont le manche était orné d'une pierre d'héliolite semblable à celle qu'avait manié Lawrence lors de l'affrontement qu'il l'avait opposé à Marcus la première fois. La pierre se mit à émettre un vive lumière jaune.

Son époux grimaça de douleur en fermant les yeux, aveuglé. Il semblait avoir du mal à tenir la dague. Elle remarqua que ses doigts rougissaient comme si l'arme le brûlait. Malgré tout, Marcus resserra sa main sur le manche et il chassa les spectres en leur ordonnant de disparaître.

Le faisceau de la pierre acheva de faire disparaître les dernières ombres, puis alors que Marcus rangeait la lame dans son fourreau, le corps de Lawrence retomba brusquement au sol. Aussitôt, Perséphone accourut à son chevet, se laissant tomber à genoux.

Du coin de l'œil, elle vit Marcus se tenir la main et la secouer dans le vide pour en chasser la douleur en jurant.

— Lawrence..., appela-t-elle à voix basse.

Comme son ami ne bougeait pas, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Non, elle ne supporterait pas de perdre quelqu'un d'autre. Et surtout pas Lawrence.

— Il n'est pas mort, affirma Marcus comme s'il avait lu dans ses pensées.

Elle se tourna vers lui pour constater qu'il observait Lawrence avec un air plus que méfiant. Avant qu'elle n'ait pu l'interroger à ce sujet, elle sentit une main se refermer sur sa gorge.

— Attention, Perséphone ! cria Marcus.

Son époux se jeta sur Lawrence et, à l'aide d'une seconde dague sur laquelle était plutôt monté une pierre mauve, il entailla le bras de son adversaire pour lui faire lâcher prise. Le brun siffla de douleur avant de reprendre son assaut. Libre, Perséphone se recula, sous le choc.

Lawrence avait le regard vide et froid. Il n'était plus l'homme qu'elle avait connu. Il essayait de s'en prendre à elle, mais Marcus parvenait à le retenir, enchaînant les blocages défensifs et les coups de couteau.

Elle resta figée devant la scène.

L'Esprit du printempsWhere stories live. Discover now