Chapitre 16

363 70 17
                                    

Chapitre 16.

Après lui avoir souhaité une bonne nuit sur le même ton froid qu'il avait employé plus tôt, Lawrence referma la porte de la chambre de Perséphone derrière lui. La jeune femme se laissa tomber sur le lit, encore troublée par les révélations du jeune homme. Elle n'avait jamais pensé à lui sous un aspect romantique avant aujourd'hui. Il l'avait prise par surprise, mais maintenant qu'elle y pensait... plusieurs des réactions ou des agissements qu'avaient pu avoir Lawrence au fil des années tombaient sous le sens.

Elle se prit à imaginer ce que ce serait que d'épouser Lawrence. « Perséphone Butler. » Cela sonnait bien. Puis, elle s'entendait bien avec l'homme. Il ne l'avait jamais prise de haut. Il l'a faisait rire et veillait sur elle. Au fond, n'était-il pas le parti idéal ?

Perséphone secoua la tête. De toute façon, Lawrence ne voulait pas l'épouser. Il avait été très clair à ce sujet. Les règles de son monde ne le permettaient pas. Elle pouvait comprendre, elle-même ayant été forcée de se plier aux règles d'un univers dont elle ignorait tout à la sortie de l'orphelinat. Elle n'avait même jamais pensé se marier par amour un jour – ou alors elle ne l'avait que fantasmer – s'étant préparée à convoler en justes noces avec l'homme que son père choisirait pour elle. Et il avait fallu que cela tombe sur Marcus. Depuis sa fuite, le Lord Wood devait penser qu'elle n'était qu'une petite égoïste s'étant enfuie avec Lawrence pour éviter le mariage... son père ne pouvait pas savoir que Marcus était un être cruel ne souhaitant que profiter de ses pouvoirs.

Après s'être changée, la jeune fille essaya de dormir, mais trop de pensées venaient la troubler. Elle se rendit compte qu'elle avait soif et se leva. En mettant la main sur la poignée de sa chambre, elle eut un drôle de pressentiment, puis en essayant d'ouvrir la porte, ses doutes se confirmèrent : elle était prisonnière ! Elle ne s'était jamais réveillée en pleine nuit avant et n'avait jamais cherchée à sortir de la pièce avant le levé du jour, alors elle n'avait pas réalisé que, chaque nuit, le verrou était mis sur sa porte.

Petit à petit, elle commençait à avoir des doutes sur les intentions de la reine Cassiopée, surtout depuis que cette dernière l'avait frappée au visage durant une séance d'entraînement.

Elle eut, soudain, l'intime conviction qu'on ne lui voulait pas que du bien. Lawrence l'avait mise en garde contre Marcus en lui disant que le jeune homme voulait l'enfermer pour la drainer de ses pouvoirs et ainsi apporter la prospérité à son royaume, or... en verrouillant la porte de sa chambre et en la faisant suivre dans chacun de ses déplacements, les Lumos ne faisaient-ils pas exactement la même chose ? Devait-elle en parler à Lawrence ? Tout comme, sans savoir pourquoi, elle ne lui avait rien dit au sujet de sa rencontre avec Marcus au bal, quelque chose lui intimait de garder la bouche close. Peut-être était-il de mèche avec eux... même si elle refusait d'y croire. Il avait toujours été son ami depuis le tout début. Il ne la trahirait pas. Cependant, il avait pu être endoctriné... l'influence de la Reine était puissante.

Toute seule, elle se mit à paniquer. L'absence de fenêtre dans la chambre rendait la pièce encore plus oppressante. Elle devait trouver le moyen de fuir ou elle ne ressortirait plus jamais d'ici et ne reverrait plus jamais son père.

L'émotion bouillonnait en elle comme si les séances de méditation avec la reine Cassiopée n'avaient jamais eu lieu. D'un seul coup, elle explosa et une salve de magie s'échappa de son corps, faisant éclore des bourgeons de rose sur les lierres des murs de la chambre.

Elle ne pouvait rien faire cette nuit, mais demain, elle échafauderait le plan de sa fuite. Elle ignorait où elle irait, mais elle trouverait.

Perséphone s'endormit. Durant la nuit, elle fit un rêve étrange où une lueur verte l'appelait. Elle tendait la main pour l'attraper, mais la lumière disparaissait et se remettait à briller quelques mètres plus loin. On aurait dit un feu follet. À l'orphelinat, les institutrices lui avaient souvent conter cette vieille légende anglaise. Tantôt le feu follet était un esprit en peine tantôt il était présage de mort. Dans les histoires que l'on contait aux enfants, le feu follet entraînait le voyageur égaré au fin fond des bois ou au bord d'un précipice ou d'un marais, cherchant à le faire tomber ou à le noyer. Dans son rêve, Perséphone suivit la petite flamme verte dans la forêt. Elle semblait murmurer son nom et appeler à l'aide.

Soudain, la lumière verte inonda les bois, manquant d'aveugler la jeune fille. Elle eut l'intime conviction que ce n'était pas un peu feu follet. C'était l'esprit du printemps qui l'appelait. Et l'esprit faiblissait.

Tant qu'il s'éteignit d'un seul coup.

Perséphone attendit le levé du jour.

Comme tous les matins, on toqua à la porte de sa chambre. Mary venait lui porter sa robe. La blonde choisit de la confronter directement.

— J'ai eu soif durant la nuit.

— Je peux demander à ce qu'on t'apporte une cruche, proposa aimablement son interlocutrice.

— J'ai voulu me rendre aux cuisines, poursuivit Perséphone, mais... la porte de ma chambre était verrouillée.

Mary se figea.

— Oh...

Elle ne savait plus quoi dire.

— Pourquoi était-elle fermée à clef ? redemanda Perséphone en insistant.

— J'ignorais... à vrai dire..., murmura Mary, sans doute un ordre de ma mère, pour ta protection.

— Ma « protection » ? répéta la blonde. J'ai plutôt l'impression qu'on cherche à me retenir prisonnière. Dis-moi ce qui se trame ici ! Quelles sont les intentions véritables de la Reine ?

La brune s'assit sur le lit, décontenancée.

— Je ne sais pas... je ne sais rien. Mère ne me dit rien.

Elle semblait sincère en disant qu'elle ne savait rien du tout des projets de Cassiopée.

— On m'enferme toute la nuit dans ma chambre, on me suit où que j'aille, je passe la majeure partie de mes journées à participer à des entraînements qui me vident de tout énergie... ce n'est pas normal. L'esprit du printemps s'en retrouve affaibli, j'en suis sûre. Les entraînements de ta mère n'ont pas pour but de m'aider à le maîtriser... Si on ne fait rien, l'esprit disparaîtra. Et moi avec lui.

Après le rêve qu'elle avait fait elle en était même certaine. L'esprit voulait partir d'ici. Elle devait l'écouter. Il en allait de leur survie à tous les deux. Sa vie était intrinsèquement liée à celle de l'esprit. Ils ne faisaient qu'un.

— Tu le sens ?

Elle hocha la tête. Mary se prit la tête entre les mains.

— J'ignore ce que projette de faire ma mère... elle est bizarre depuis un moment. Elle ne s'est jamais ouverte à nous. Quand j'ai appris que tu venais ici, j'étais contente, car je ne serais plus toute seule. J'étais ravie qu'une autre femme vienne vivre ici, mais je me rends bien compte que ma mère prépare quelque chose...

Perséphone se plaça face à Mary et, sans qu'elle ne s'en rendre compte, une flamme verte similaire à la lueur de son rêve apparut dans sa main, menaçante.

— Je vais m'enfuir, dit-elle en relevant la tête, et si tu n'es pas avec moi, tu es contre moi. Je n'hésiterai pas.

La lady ne savait pas elle-même d'où lui venait cet élan de confiance, mais elle sentait que l'esprit du printemps était avec elle, lui donnant la force dont elle aurait besoin pour sauver leur peau.

La brune la regarda et prit une grande inspiration.

— Les Lumos doivent protéger l'esprit du printemps, c'est notre mission. S'il n'est plus en sécurité ici, c'est mon devoir de l'aider à fuir. Tu peux compter sur moi, Perséphone, je t'aiderai à t'échapper. 

 

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.
L'Esprit du printempsWhere stories live. Discover now