CHAPITRE 40

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CHAPITRE 40

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CHAPITRE 40

HEAVEN

Malgré mes efforts, je ne parviens pas à te trouver. Et je ne le sais pas encore, mais c'est parce que je t'ai perdu à tout jamais.

Essoufflée après avoir fouillé toute l'école, je traverse le hall désormais désert et m'arrête en son milieu pour jeter un regard circulaire autour de moi. Les éclairages sont éteints et l'obscurité de cette soirée d'hiver grimpe sur les murs couverts d'affiches à une vitesse terrifiante. Les ombres s'allongent et engloutissent les meubles autour de moi. Les casiers disparaissent, les fresques étalées sur le sol s'estompent et les cartons abandonnés sombrent dans le néant.

Où es-tu, Andreas ?

Je m'avance à tâtons jusqu'aux doubles portes battantes de la sortie et les ouvre en grand. Une bourrasque à l'odeur de neige me fouette les joues et je plisse les yeux en m'avançant dans la ruelle sombre. Mes pas sont lents, ma tête est basse. Il faut que je rentre à mon appartement sur le campus, mais je n'ai pas envie de voir Emy, car je l'ai trahi en embrassant Lewis. 

À vrai dire, je n'ai envie de voir personne. Je veux rester seule et me morfondre en silence.

Tandis que j'observe mes lacets défaits en me demandant si cela vaut le coup de m'arrêter pour les lacer, une boule de coton humide s'échoue sur le bout de mon nez et fond immédiatement dessus. Je lève les yeux vers le ciel rouge. Un immense sourire vient illuminer mon visage alors que je me mets à sautiller en tournant sur moi-même.

— Il neige !

Et le monde deviendra sans couleur, enseveli sous un épais drap blanc.

Une infinité de minuscules flocons se laissent porter par le vent et glissent jusque sur le sol de béton, comme les pétales ébouriffés d'une rose incolore qui danseraient dans la nuit noire.

Certains s'accrochent dans mes cheveux et d'autres sont ralentis par les épais branchages des arbres dénudés. Au loin, le soleil a disparu entre les nuages obsidiennes et les étoiles sont cachées par un voile obscur mais quelque peu apaisant. 

Les derniers oiseaux traversent la voûte comme des étoiles filantes sillonneraient la Terre et un silence de pierre vient agrémenter ce tableau de paradis.

Adam, Ève, venez danser avec moi.

Je pousse un profond soupir et ferme les yeux pour me laisser aller au gré du vent. J'aurais aimé profiter de cet instant avec lui. Mes pas ralentissent et je finis par m'arrêter totalement. Mon sourire s'estompe. Je baisse une nouvelle fois les yeux vers mes chaussures et un voile humide vient brouiller ma vision. Je bats des paupières pour garder mon calme, mais rien n'y fait.

Je suis seule. Personne ne veut de moi. Pas même lui.

J'ai l'impression de tout faire à l'envers. Je fais de mon mieux et je me donne à fond, mais toutes les fleurs qui se retrouvent entre mes doigts finissent par flétrir, et j'ai beau les arroser abondement et leur donner toute mon attention, leurs pétales s'envolent inéluctablement et échappent sans arrêt à mon contrôle.

Je renifle et enfonce mes doigts dans mes poches, lorsque le cliquetis de mes clés s'accompagne du bruit distinctif d'un morceau de papier qui se froisse. Je fronce les sourcils, l'extirpe de ma poche et le déplie avec précaution, en le présentant sous un lampadaire penché au-dessus de ma tête. Et je retombe sur le petit mot que j'avais trouvé à l'infirmerie, écrit par un certain « Dredre ».

« Ça me tue de l'admettre, mais je n'arrive apparemment pas à rester loin de toi et ça a l'air d'être réciproque. Mais par pitié, Heaven, laisse-moi partir. Oublie-moi. Parce qu'un cœur de pierre contre un cœur de glace ne nous apportera que douleur une fois encore.

Cette fois, je t'en supplie, ne reviens pas.

Dredre. »

Mes doigts engourdis par le froid se mettent à trembler. Je plie le dos et les larmes se font de plus en plus nombreuses. Je pensais me retrouver, mais je ne fais que me perdre.

Andreas, tu es Dredre, n'est-ce pas ? Qui étais-tu pour moi autrefois ? Te rencontrer, était-ce la meilleure chose qui pouvait m'arriver ? Ou était-ce le début de la descente aux enfers ?

J'ai mal. J'ai mal. J'ai mal. Plus j'essaye de m'ouvrir au monde, plus je souffre. Telle une éponge, j'absorbe la douleur des autres et je n'en peux déjà plus. Je ne veux pas de tous ces sentiments négatifs. Je veux redevenir une coquille vide.

Je ne veux plus souffrir ainsi. J'ai trop mal.

Je ne veux pas me souvenir.

Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais plus qui être. Après tout, qui suis-je ? Comment aurait réagi la Moi d'avant ? La Moi d'après Alexander ? Elle se serait probablement donné deux baffes et se serait forcé à sourire à travers ses larmes. Il y a quelque temps, tout cela m'aurait semblé facile à surmonter, puis à oublier. Oublier. Ma gorge se noue et les larmes menacent de nouveau.

Je ne pourrai jamais oublier.

Je secoue la tête et me mets en marche d'un pas lourd. Je dois rentrer chez moi. Sous mes pieds, les flocons se tassent dans un crépitement somptueux. Les environs sont calmes et seul le doux bruit du vent dans les branchages dénudés des arbres agrémente le silence.

La nuit chante, mais les couleurs ont disparu.

En passant devant un garage à vélo, je repense immédiatement à Andreas. Je détourne le menton. Il va falloir ne plus y penser. Il faut que je surmonte ce passage pour pouvoir avancer, afin d'éviter cette souffrance inutile qui me perfore la poitrine comme un marteau piqueur.

Son sourire me manque, mais le mien me manque encore plus.

Alors je marche de plus en plus vite. Et je me mets à courir. Parce que je dois couper les lignes rouges du passé, et avancer vers l'avenir.

J'aurais aimé que tout soit plus simple. Qu'Andreas soit le déclic qui me permette de devenir quelqu'un de meilleur. Mais j'ai l'impression de tourner en rond. De courir après un idéal qui n'existe pas. 

La rose que je convoite fait partie d'une utopie que la dystopie de ma vie ne me permettra jamais d'obtenir.

Et je me mets à sourire. Le sourire le plus douloureux de ma vie. Car il me suffit simplement de recommencer à faire semblant. C'est simple, non ?

Même si ça induit de garder la tête sous l'eau à jamais.

A suivre...

Un chapitre un peu philosophie qui annonce un tournant dans cette histoire

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Un chapitre un peu philosophie qui annonce un tournant dans cette histoire. 

Que pensez-vous de cette remise en question ?

Kiss and ... finissez cette phrase en commentaire!! ;)

ERASEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant