Je prends plaisir à répondre à sa question.

— Qu'est ce que j'aimerais ne pas avoir de père parfois, se plaint Ludmilla. Ça doit être trop cool parfois non ?

— Ludmilla, ça ne se dit pas ce genre de choses, la réprimande Jules.

— Je posais simplement une question ! râle-t-elle.

Elle n'a vraiment aucune jugeote, ce n'est pas possible !

***

L'après-midi s'est ensuite déroulée dans la bonne humeur. Il faisait beau, le ciel était dégagé et le soleil nous réchauffait. Nous étions tous en t-shirt. Nous avons fini la lecture de chaque petit papier et, à mon grand malheur, le groupe semblait apprécier Lucas. Je crois bien que je vais devoir le supporter pendant un bon bout de temps...

Vers dix-huit heures trente, maman m'appelle et me demande de rentrer pour partir chez mamie. À peine arrivée au coin de la rue, j'ai senti une présence derrière moi. J'ai compris qui était la personne qui soufflait comme un buffle dans mon dos lorsque j'ai vu une ombre aux épaules carrées me rattraper. J'ai roulé des yeux et me suis retournée, les poings sur les hanches.

— Eh bien, pour un nageur, l'endurance n'est pas au beau fixe ! Je suis déçue !

— Il fait chaud et j'ai couru au soleil, se défend-il.

Je lui lance un regard des plus noirs afin de le faire taire.

— Quoi ?

Je soupire et continue mon chemin, la tête droite. C'est hors de question qu'il me suive de la sorte jusqu'à chez moi.

— Tu me fatigues encore plus qu'un gosse !

— On peut finir le chemin ensemble ? J'habite près de chez toi, continue-t-il sans relever ma remarque.

Il se trouve maintenant à ma hauteur. Je me contente de tourner la tête.

— Vraiment ? Je comptais profiter un peu seule là...

— Dans mes souvenirs, tu étais vraiment plus sympathique.

Pas assez à ton goût apparemment, je pense en mon for intérieur.

Je marche de plus en plus vite pour essayer de le semer. Sans succès. Il me suit toujours à la trace. Espérant briser ce silence désagréable, je m'enquis de ce qui me trottait dans la tête depuis un bout de temps.

— Beaucoup de choses ont changé à Lyon depuis que je suis partie ?

— Ouais, les profs devenaient lourds et certaines personnes ont mal tourné avec le début du lycée... Bien que je sois parti avant la fin de cette année de seconde, j'ai pu goûter à l'ambiance ! T'as rien loupé !

J'ai posé cette question en espérant une réponse plus objective que celles que me fournissent Danaé et Cali. Je crains que lui non plus ne soit pas réellement sincère avec moi.

— Je ne te demande pas de me rassurer, Lucas, je te demande de me dire la vérité.

— Rien n'a changé dans la ville. Mais à l'école, quelques semaines après ton départ, ce n'était pas vraiment pareil, finit-il par avouer. On voyait bien que Danaé et Cali n'étaient pas habituées à être seules, rien que toutes les deux. Il n'y avait plus personne pour réguler le ton entre elles deux, dit-il en rigolant, elles se chamaillaient pour tout. Ton départ les a vraiment perturbées.

Soudain, je me sens fautive de ne pas m'être préoccupée de ce qu'elles ont pu ressentir à la suite de mon départ. Je me suis plutôt intéressée àde mon intégration et àde la manière dont j'appréhendais ma rentrée. Un vilain sentiment d'égoïsme s'empare de moi. Enfin, je dois avouer que jamais je n'aurais imaginé qu'elles seraient aussi tristes à l'idée de me voir partir, je ne pensais pas que mon absence les perturberait autant.

Ma Double Vie - Livre I : Perdre l'équilibreWhere stories live. Discover now