Baisers salés (Terminée)

Chapitre 25 - Tout doucement

— J'en pinçais pour un mec. Il... On s'en fout de son prénom en fait. J'avais entendu dire qu'il allait se rendre à une soirée étudiante et comme j'avais jugé les signes qu'il m'avait envoyés comme positifs, j'avais décidé que je m'y rendrais aussi. Sauf que je n'avais pas de voiture et que Claire ne voulait pas sortir. Elle avait toujours trouvé ridicule mon intérêt pour ce gars et elle ne voulait pas faire partie de mon plan.

Le visage de Luce s'assombrit soudainement, comme traversé par de douloureux souvenirs.

— On s'est engueulé ce soir-là. On s'est dit des choses pas très sympathiques, des choses que je regrette encore. Je suis partie persuadée d'être celle qui avait raison. En route, j'ai trouvé un camarade de classe qui a accepté d'être mon chauffeur. Mais arrivée à la fête, j'ai découvert que c'était Claire qui avait raison. Le mec pour qui je craquais s'en foutait de moi. Il avait déjà trouvé une fille, et j'ai compris que je n'avais été qu'une parmi tant d'autres.

La jeune femme prit une grande inspiration, visiblement peinée, puis releva le menton. Ange comprit alors qu'elle essayait de paraître. Quand elle agissait ainsi, c'était toujours parce qu'elle allait renfiler son masque. Aussi, le blond se décala vers Luce pour l'empêcher de fuir.

— Vas-y, continue. Je t'écoute, murmura-t-il en résistant à l'envie de lui attraper la main.

Après tout, il lui avait dit qu'il ne s'intéresserait plus à elle, il avait un peu d'amour propre, alors il n'allait pas se contredire à peine une heure plus tard.

— D'a... d'accord. Euh eh bien, où est-ce que... Ah oui. La fête, soupira-t-elle.

Elle se pinça les lèvres avant de se gratter le cuir chevelu.

— J'étais en colère contre moi parce que je m'étais disputée inutilement avec mon amie et que je me trouvais idiote. Alors j'ai bu puis je suis partie à la recherche de quelqu'un pouvant me ramener.

Ange n'avait pas besoin d'entendre la suite pour comprendre que ce qui allait suivre ne serait pas bien joyeux.

— C'est ainsi que j'ai croisé la route d'Ethan. A la fac, tout le monde l'adorait. Il était le mec tout le temps joyeux. Il rigolait et plaisantait tout le temps. Il ne prenait rien au sérieux. Il n'allait pas en cours alors qu'il avait dit à ses parents qu'il voulait venir étudier en France. Il était le pote de tout le monde.

Cette fois-ci, le blond comprit. Il comprit pourquoi Luce l'avait pris en grippe à leurs débuts. Il comprit qu'il lui avait fait penser à cet Ethan et bien qu'il ignorait quel rôle il avait eu dans sa vie, il devina que c'était plutôt négatif.

— Ethan a proposé de me ramener et j'ai accepté. Il avait bu, comme toujours. Et je l'avais vu descendre une canette de bière toute entière suite à la perte d'un stupide défi.

Il n'y avait plus aucun doute désormais. Luce avait vu Ethan en lui, Ange en était persuadé.

— Sur la route, Ethan a grillé un feu rouge. Un camion nous est rentré dedans. Ethan a perdu la mobilité de son corps, quant à moi, qui avais eu le malheur de me détacher deux secondes plus tôt, j'ai été expulsée de la voiture.

Ange eut l'impression de sentir son cœur s'enfuir de sa poitrine. Ses tripes se tordirent et ne résistant plus à ses émotions, il attrapa la main de Luce.

— A mon réveil, continua-t-elle après avoir ravalé un sanglot au contact de la peau du jeune homme, je ne voyais plus. Le choc qu'avait reçu ma tête avait été grand. Mon lobe occipital avait été touché et l'aire de la vue avait été abîmée. D'après certains médecins, c'était possible de réparer les dégâts, mais les risques encourus pour les opérations proposées étaient très grands. Pour d'autres professionnels, de tels discours n'étaient que des tissus de mensonges destinés à nous faire débourser une somme vertigineuse, à mes parents et moi.